A chaque épisode de notre série de reportages sur les routes américaines, nous avons reçu une dizaine d'e-mails. Au total, près d’une centaine d’échanges, de réponses et de commentaires. Beaucoup, voire la plupart, concernaient Donald Trump, sa personnalité et son programme. Au baromètre de l’intérêt, Kamala Harris était, il faut l’admettre, au plus bas chez les lecteurs de Blick.
Alors que Donald Trump vient d’annoncer la composition de son équipe de transition, avant de se rendre mercredi 13 novembre à Washington pour y rencontrer Joe Biden, nous avons profité du week-end pour répondre à vos questions, reçues au fil de notre itinéraire, de Chicago à Mar-a-Lago.
A lire aussi
Donald Trump est-il fou et fasciste?
Un lecteur nous a demandé, dès notre départ de Chicago le 11 octobre, si Trump était fou. Un autre a immédiatement réagi à notre article sur la présumée admiration du président élu américain pour Hitler pour nous demander s’il est fasciste. Dans les deux cas, la réponse est négative. Donald Trump, 78 ans, sait très bien ce qu’il fait quand il insulte ses adversaires, ment éhontément ou part dans une embardée semi-compréhensible sur les fusées d’Elon Musk, lors de son discours de victoire dans la nuit du 5 au 6 novembre. Nous l’avons par ailleurs écrit: Kamala Harris a eu tort de le traiter de «fasciste».
La vérité est que Trump est un affreux mauvais perdant, qu’il a une énorme responsabilité dans l’assaut de ses partisans sur le Capitole le 6 janvier 2021, et qu’il exerce son pouvoir de manière autoritaire. Reste qu’il a quitté la présidence après la victoire de Joe Biden. Et qu’il a de nouveau remporté les primaires de son parti. Ce qui n’a pas été le cas de Kamala Harris.
Donald Trump a-t-il vraiment perdu en 2020?
Oui. Rien ne permet d’affirmer, contrairement à ce que répètent encore Donald Trump et ses partisans, que Joe Biden leur a volé la victoire. Se comporter ainsi est un déni de démocratie et une insulte aux officiels électoraux qui, dans les États clés de 2020 comme la Géorgie ou la Pennsylvanie, ont compté et recompté les voix. Pire: Trump promettait déjà de contester les résultats en cas de défaite face à Kamala Harris, en dépit de toute évidence. Une stratégie détestable, conçue pour déstabiliser son adversaire et galvaniser ses partisans.
Donald Trump respecte-t-il les femmes?
Le président américain est détesté par les féministes. Il a fait du wokisme et des défenseurs des droits des LGBT l’une des cibles favorites de sa campagne. Il s’est aussi, à plusieurs reprises, félicité d’avoir nommé des juges conservateurs à la Cour Suprême, ce qui a conduit celle-ci à abroger l’arrêt Roe vs Wade de 1973 qui avait institué l’avortement comme un droit fédéral. Trump s’est toutefois abstenu de défendre une interdiction générale de l’IVG durant sa campagne, laissant cela à la responsabilité de chaque État.
Sa relation avec les femmes, au cours de sa carrière de promoteur et de vedette de la télé-réalité, a toujours été celle d’un macho invétéré, persuadé de parvenir à ses fins par sa célébrité et son argent. Sa relation avec une actrice porno, Stormy Daniels, lui a valu d’être condamné par un tribunal de Manhattan le 30 mai 2024 (la peine sera connue fin novembre) car il n’avait pas déclaré l’argent versé pour qu’elle se taise. 46% des électrices américaines ont néanmoins voté pour lui le 5 novembre.
Donald Trump est-il manipulé par Elon Musk?
L’homme le plus riche du monde a donné 132 millions de dollars à la campagne de Trump. Il s’est également engagé en personne, participant à des meetings, mobilisant ses centaines de millions de suiveurs sur son réseau social X, ou organisant une loterie pour pousser les électeurs à voter. Musk était à Mar-a-Lago, chez Trump, le soir de l’élection. Celui-ci l’a longuement cité dans son discours, et envisage de lui confier la mission d’amputer le budget de l’État fédéral, sa bête noire.
Est-ce dire que le patron de Tesla et Space X «tient» Donald Trump comme nous l’a écrit un lecteur? Le contraire serait plus juste, vue la dépendance des entreprises de Musk envers les contrats fédéraux, à hauteur de 15 milliards d'euros. En tout cas, «Elon» est devenu sa référence et il mise sur son soutien pour son grand projet de la conquête de Mars. Musk est le fournisseur n°1 de rêves et de grand dessein pour l’Amérique de Trump.
Blick in the USA, nos chroniques
Donald Trump est-il un escroc?
La lectrice qui nous a posé cette question a rebondi sur le terme «Crooked Joe» (Joe l’escroc) utilisé par Trump pour insulter Joe Biden dans ses meetings. La réalité est que dans les affaires, l’ex magnat de l’immobilier a toujours pilonné, voire ignoré la ligne rouge de la légalité, utilisant une armée d’avocats pour faire valoir ses droits. Le président élu a fait faillite six fois, expliquant que c’était la meilleure façon de faire pour éviter de payer des impôts.
Il a toujours eu des problèmes avec la justice. «Donald Trump is not the victim of lawfare. He’s a crook» («Donald Trump n’est pas la victime d’une guerre juridique. C’est un escroc») tranchait en 2023 le «New York Magazine». Kamala Harris a martelé durant sa campagne le fait qu’il est un «félon» (repris de justice) et qu’il a trois procédures judiciaires en cours. Sans aucun effet.
Donald Trump va-t-il abandonner l’Ukraine?
Volodymyr Zelensky devrait être l’un des premiers chefs d’État étranger à rencontrer le président élu, sans doute avant son investiture le 20 janvier 2025. Les deux hommes se sont parlés après l’élection et Trump a passé le téléphone à… Elon Musk. L’objectif de l’ex-promoteur New-Yorkais est connu: mettre fin au plus vite à la guerre. Il pourrait donc plaider en faveur d’une zone démilitarisée similaire à celle qui existe entre les deux Corées, qui n’ont jamais signé de paix depuis 1953.
Il est par ailleurs probable qu’il s’opposera à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, cette alliance dont il espère tirer davantage de contrats militaires. Un abandon? Oui, car à partir du moment où les États-Unis vont fléchir, Vladimir Poutine va, de facto, se retrouver en position de force.
Donald Trump veut-il défaire l’Europe?
Trump a déjà prévu de relancer le projet d’accord de libre-échange avec le Royaume-uni. Pourquoi est-ce si important? Parce qu’aux yeux du président élu, la seule chose qui compte est l’accès au marché de l’UE pour les entreprises américaines, et une concurrence européenne la plus bridée possible. On sait aussi que son grand ami sur le Vieux Continent est Victor Orban, le premier ministre national populiste hongrois.
Trump est-il pour autant hostile à l’Union? A priori non. Il n’est pas idéologue. Il est plus isolationniste qu’atlantiste. Son point de vue est simple: les États-Unis sont en position de force pour faire payer les Européens, et profiter de leurs divisions. Alors, pourquoi s’en priver?
Donald Trump va-t-il relancer l’économie?
Une dizaine de questions reçues pendant notre périple américain en camping-car portaient sur l’économie. Et une majorité d’entre elles nous interrogeait sur la Bourse. Or la réponse est venue dès l’annonce de l’élection de Donald Trump, puisque la plupart des grands marchés boursiers ont progressé. L’une des hausses la plus nette et la plus remarquée a été celle de Tesla, le géant de l’automobile électrique dirigé par Elon Musk, qui a bondi de 15%.
Les cryptomonnaies se sont aussi envolées, avec plus de 8% pour le bitcoin le 6 novembre, avant de retomber. L’avis des Américains que nous avons rencontrés est sans appel: oui, Trump est bon pour l’économie. Il sait faire de l’argent. C’est même son obsession. Le bilan de sa présidence 2016-2020 parle pour lui, avec une croissance moyenne annuelle de 2,3%.
Blick in the USA, nos reportages
Donald Trump est-il réactionnaire et religieux?
Pour qui connaît la biographie de Donald Trump, amateur de luxe tapageur, marié plusieurs fois, époux volage et toujours partisan d’avancer sans regarder en arrière, la question peut faire sourire. Mais elle fait mouche. La grande différence entre le Trump de 2016 et celui de 2024 est qu'il veut ouvertement revenir en arrière, pour rendre à l’Amérique sa grandeur (Make America Great Again).
On a déjà évoqué sa lutte contre le wokisme. Trump ne rate aussi jamais une occasion de montrer sa famille au complet, comme il l’a fait le soir de sa victoire à Mar-a-Lago. On connaît aussi ses liens anciens avec les évangélistes protestants ultra-conservateurs. Un élément nouveau est toutefois intervenu durant cette campagne: la tentative d’assassinat dont il a été victime le 13 juillet. Depuis, les images saintes sont fréquentes durant ses meetings. Le rôle de son colistier JD. Vance, sénateur de l'Ohio, très proche des mouvements fondamentalistes catholiques, sera aussi décisif. Trump martyre, sauvé par Dieu? C’est ce qu’affirment ses partisans.