Donald Trump est un bulldozer et une majorité d’électeurs américains l’ont élu pour ça. Résultat: un déluge de décrets et de décisions brutales depuis son investiture le 20 janvier. Et l’ouverture d’une guerre commerciale à laquelle le Canada, le Mexique et la Chine viennent de réagir différemment. Les deux premiers ont obtenu un report d’un mois. Pékin, en revanche, engage la riposte sur le même terrain: celui des hausses de droits de douane…
Le problème est qu’un bulldozer n’est pas fait pour transporter quiconque d’un point à un autre. Sa mission est soit de creuser une trouée, soit de déblayer, soit de détruire des constructions condamnées. Là, Donald Trump sait faire. Son coup de bulldozer le plus emblématique, au-delà des guerres commerciales qu’il vient d’entamer, vient d’ébranler l’US Aid, l’agence d’aide des Etats-Unis.
Depuis lundi, ses employés ne peuvent plus accéder à son QG à Washington. Presque tous ses programmes sont gelés. En patron zélé du DOGE, le Département de l’efficacité gouvernementale, Elon Musk mène les hostilités à cette «bureaucratie humanitaire» qui, selon Trump, doit désormais servir uniquement les intérêts de la première puissance mondiale.
Tout doit rapporter
Contester la politique de la nouvelle administration, pour laquelle tout doit rapporter aux Etats-Unis en quête de leur grandeur retrouvée, est possible sur le plan politique. Il est même sain pour la démocratie que l’opposition démocrate au Congrès se mobilise, même si elle se retrouve en minorité dans les deux chambres. Mais ce n’est pas, dans les faits, ce qui va le plus rapidement stopper la course folle de Trump. Ce dernier va se retrouver stoppé, voire enlisé, dans ce qu’il n’admettra de toute façon jamais: ses propres erreurs.
Trois exemples déjà. Le premier est le déploiement de 10’000 soldats mexicains à la frontière pour y stopper l’immigration clandestine et lutter contre les cartels de la drogue. Les images seront bonnes pour Trump. Mais tous les experts savent qu’au Mexique, l’armée est souvent une partie du problème, et sûrement pas la solution. Corruption au plus haut niveau, liens avec la criminalité organisée, etc. Faire de la frontière un sanctuaire militaire est, au mieux, une façon d’impressionner. Au pis, un danger à venir.
Maduro, le danger
Deuxième exemple avec Nicolas Maduro. Trump a conclu un «deal» avec le dictateur vénézuélien, réélu en juillet après des fraudes massives. Il compte sur l’héritier d’Hugo Chavez pour contenir l’immigration et produire du pétrole à gogo, géré par les géants américains. Sauf que Maduro est comme Kim Jong-un, le dictateur nord-coréen que Trump avait rencontré par deux fois, en 2018 et 2019. Seule sa survie politique compte pour lui. Là aussi, Trump aura des annonces médiatiques. Et après? Le Venezuela demeurera un abcès gorgé d’hydrocarbures, où la Russie et d’autres continueront leurs affaires et leurs infiltrations.
Aide humanitaire
Troisième exemple, enfin, avec l’US Aid. Faut-il réformer l’aide humanitaire occidentale? Assurément. Faut-il jeter dehors des milliers d’experts, fins connaisseurs des pays dans lesquels ils opèrent, et donc utiles à la puissance américaine? Pas sûr du tout. Et que dire de tous ceux qui recevaient cette aide! La Chine, tant qu’elle le pourra, va profiter de ce vide.
Trump est un bulldozer qui charrie devant lui des tonnes de remblais, au risque de se retrouver devant une montagne de problèmes que ses successeurs devront régler et gérer. Il mène ses guerres (commerciales, humanitaires, politiques) en arnaqueur. Avec pour objectif d’impressionner, d’obtenir des résultats à court terme, de spéculer et d’engranger des succès de communication massive. Persuadé, en promoteur qu’il est, de pouvoir toujours négocier le prix après…