Forum de Paris sur la défense
Ces généraux sont obsédés par Poutine, (et c'est dangereux)

Ouvert mardi 11 mars, le Forum de Paris sur la défense réunit pendant trois jours l'élite des armées européennes. La menace principale citée par tous les panels? La Russie de Vladimir Poutine. Crédible?
Publié: 11.03.2025 à 20:33 heures
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Dernière mise à jour: 00:45 heures
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Le Forum de Paris sur la défense s'est ouvert mardi 11 mars.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Demandez aux Européens: ont-ils davantage peur de Donald Trump ou de Vladimir Poutine? En France, la réponse est claire. 59% des Français, selon un récent sondage, considèrent le président américain comme un «dictateur».

63% redoutent, selon une autre enquête, l’utilisation de l’arme nucléaire par la Russie dans le conflit en Ukraine. Et 60% des personnes interrogées estiment que le président russe représente une menace. Le locataire de la Maison Blanche et celui du Kremlin sont donc ex-aequo, au niveau de la peur qu’ils suscitent. Mais dans les armées européennes en revanche, tout est bien différent.

L’OTAN, toujours là

La meilleure preuve en est fournie, ces jours-ci, par le Forum de Paris sur la défense ouvert mardi 11 mars, pile au moment où les négociations sur une possible paix en Ukraine ont repris en Arabie saoudite. L’occasion, pour Emmanuel Macron de convier les chefs d’Etat-Major des 27 pays de l’Union européenne, plus des pays partenaires comme la Norvège et même le Japon.

Dans les allées de ce sommet, organisé à Paris sur le site de l’Ecole militaire, exit la «menace» Trump. Aussi malmenée soit-elle par l’actuelle administration américaine, l’OTAN est toujours considérée comme fiable. «Notre Alliance est toujours-là. Il est bien trop tôt et surtout inutile et contre-productif de chercher à la remplacer», estime Daniel Kooij, chargé de contrôle des armements au Ministère néerlandais des Affaires étrangères. Il est vrai que le Secrétaire général de l’OTAN n’est autre que l’ancien Premier ministre des Pays-Bas Mark Rutte…

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Et Poutine en revanche? Et la menace russe? Là, c’est le carton plein. Pas un panel, pas une table ronde pour nuancer le risque auquel les dirigeants européens estiment être exposés, en provenance de Russie. Menace aérienne, avec les missiles et les drones. Menace sous-marine. Menace maritime avec le risque d’une prise de contrôle par la Russie du futur passage de l’Arctique, et la main mise de la marine russe sur la Baltique.

«On a perdu la Russie»

La guerre en Ukraine a effacé de l’histoire les années de coopération entre le bloc occidental et Moscou, jusqu’au fameux sommet de l’OTAN en 2008 (et la promesse faite à la Géorgie et à l’Ukraine d’une future intégration), et à la guerre dans les régions séparatistes géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du sud. «On a perdu la Russie, alors qu’il est indispensable de l’intégrer dans toute réflexion sur la sécurité en Europe», juge un diplomate français, à la fois satisfait de la montée en puissance de l’idée d’une défense européenne, et inquiet de la position d’Emmanuel Macron, qui diabolise de plus en plus Poutine.

«En termes d’intérêts stratégiques, si l’on intègre l’aspect économique, commercial et technologique, mais aussi les ingérences politiques via les réseaux sociaux, la France est autant menacée par les Etats-Unis de Trump que par le Kremlin, poursuit notre interlocuteur. D’ailleurs, nos concitoyens ne s’y trompent pas. Ils sont bien plus déstabilisés, au quotidien, par une rupture transatlantique que par la guerre en Ukraine.»

Une menace russe utile

«L’Europe a besoin de la menace russe pour parvenir à une position commune sur une défense plus autonome. Il y a beaucoup d’exagération dans le danger que Poutine représente», complète, en marge d’une table ronde, Tidiane Ouattara, président du Conseil spatial africain. Constat également nuancé durant une conférence consacrée à l’Indo-Pacifique. Pourquoi les pays de l’Asie du Sud-Est ne sont pas systématiquement solidaires de l’Europe face à la Russie, y compris l’Inde avec laquelle la France entretient les meilleures relations?

Darshana Baruah, de l’Australia India Institute à Sydney: «L’idée selon laquelle Vladimir Poutine est une menace pour la sécurité mondiale est très européenne. Pour beaucoup de pays émergents, elle est au contraire un partenaire fiable pour leur approvisionnement en matières premières, en pétrole, en gaz, mais aussi en armement. Les Européens continuent de croire, à tort, que leur perception est partagée sous toutes les latitudes après trois ans de guerre en Ukraine. Or ce n’est pas le cas.»

Poutine, danger numéro un

La Russie peut-elle être encore considérée comme un partenaire fiable lorsqu’il s’agit de négocier la paix? Non, répondent à Paris les Européens, qui justifient par cette perception négative l’exigence de «garanties de sécurité» pour l’Ukraine. Et pas seulement en raison de son arme atomique ou de ses missiles tirés sur Kiev et les villes ukrainiennes.

«Poutine est bel et bien le danger numéro un. Cela ne plaît pas aux diplomates, mais c’est la réalité estime un haut responsable français. J’ai pu le constater lors d’une visite récente en Roumanie où le candidat à la présidentielle Calin Georgescu vient d’être exclu de la prochaine élection, alors qu’il était bien placé pour remporter le scrutin annulé par le premier tour par la Cour constitutionnelle, le 6 décembre 2024. Sur TikTok, suivi par près de dix millions d’utilisateurs roumains, Calin Georgescu a été propulsé au sommet par les algorithmes dont nous sommes certains qu’ils étaient manipulés par des officines russes.»

Ennemi de la démocratie

Poutine, ennemi de la démocratie? Poutine, résolu à dépecer et à asservir l’Ukraine? Poutine, prédateur prêt à engloutir la Moldavie et la Géorgie? Le scénario est tellement répété et reproduit sans nuances qu’une partie de l’opinion s’estime manipulée. En France, les médias influents du groupe Bolloré (CNews, Europe 1, le Journal du Dimanche…) accusent désormais ouvertement Emmanuel Macron de ruiner les espoirs de paix avec sa rhétorique guerrière. Problème majeur dans leur raisonnement: le pouvoir de Moscou ne donne, pour l’heure, aucune raison de croire que la Russie peut, demain, accepter les frontières internationalement reconnues de ses voisins. Et cesser ses opérations de déstabilisation.

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