Donald Trump est à deux doigts de remporter son pari, après une journée de négociations entre Ukrainiens et Américains à Djeddah, en Arabie saoudite. Sa méthode est brutale, accélérée, peu diplomatique. Mais si les Etats-Unis obtiennent dans les jours qui viennent un accord de la Russie pour un premier cessez-le-feu en Ukraine, le locataire de la Maison Blanche pourra brandir ce résultat comme un début de paix.
Ce cessez-le-feu est-il possible? La réponse est oui. Il suffit que Vladimir Poutine accepte les conditions et le format de cet arrêt des combats envisagé lors des discussions de Djeddah, dont l’autre résultat est le rétablissement de l’aide militaire et du soutien en renseignement fournis par les Etats-Unis à l’armée ukrainienne.
Trois obstacles majeurs
Pour le moment, trois obstacles majeurs s’opposent, du côté russe, à ce cessez-le-feu. Le premier est la présence de troupes ukrainiennes sur le sol de la Fédération de Russie, dans la poche de Koursk, soit un territoire de 1300 km² conquis lors d’une offensive surprise en août 2024. Le second est l’absence de toute concession ukrainienne sur la demande d’adhésion à l’OTAN. La Russie réclame toujours une Ukraine neutre et «dénazifiée». La question est maintenant de savoir si cette trêve comportera des obligations de part et d’autre, au-delà du seul arrêt des combats.
Troisième écueil enfin: les sanctions occidentales contre la Russie. Elles font très mal à l’économie du pays. L’Union européenne a adopté récemment un 16e paquet de mesures. La France parle maintenant de confisquer les 200 milliards d’euros d’avoirs de la banque centrale russe gelés depuis trois ans. Le Kremlin pourrait poser là une condition.
Ce qui pourrait faire cesser les combats
D’autres facteurs, en revanche, plaident en faveur d’un accord rapide du Kremlin, après deux nuits de frappes russes sur plusieurs villes ukrainiennes, et la riposte de Kiev sous forme d’une attaque de près de 400 drones, qui ont réussi à frapper aux portes de Moscou. On peut en citer quatre, tous favorables à une trêve.
Le premier est le contexte géopolitique. Vladimir Poutine franchira, s’il accepte rapidement de cesser les combats, un premier pas vers une réhabilitation internationale que Donald Trump est prêt à lui fournir, via un sommet bilatéral susceptible d’avoir lieu rapidement, en Arabie saoudite. Poutine est aussi sous pression de la Chine, qui s’est toujours prononcée pour le retour de la paix. Xi Jinping, le numéro un chinois, a déjà accepté l’invitation de son homologue russe aux cérémonies du 80ᵉ anniversaire de la libération de l’Europe, le 9 mai 2025 à Moscou. Cesser les combats deux mois avant peut permettre au Kremlin de préparer au mieux cette vitrine diplomatique.
Le second facteur favorable porte sur les conditions de cette trêve, que les Américains présentent comme leur proposition, alors que les Européens ont lancé l’idée. Le président français et le Premier ministre britannique proposent depuis dix jours «une trêve dans les airs, sur les mers et les infrastructures énergétiques» en Ukraine. Elle serait «la plus facile à mettre en place et à surveiller». Le volet aérien concernerait les avions de combat, les drones, ainsi que les missiles balistiques ou de croisière. Pas sûr en revanche pour les plus petits drones FPV (First Person View) dont Kiev vient d’annoncer l’achat de 4,5 millions d’exemplaires. Le raid ukrainien sur la Russie avec des drones longue portée, démontre que Moscou a aussi intérêt à accepter une telle trêve.
Récupération indispensable
Le troisième élément qui peut justifier ce cessez-le-feu est, paradoxalement, qu’il permettra aux unités de fantassins de récupérer après un hiver de combats très rudes. Cela est vrai aussi pour l’armée ukrainienne, mais les soldats russes ne combattent pas, eux, pour la survie de leur pays, même si la propagande dit le contraire. L’argument financier joue aussi. Selon le renseignement ukrainien, un jour de guerre coûte à la Fédération de Russie environ 1 milliard de dollars. Même en «économie de guerre», la Russie peut espérer profiter de cet intermède qui gèlera les positions actuelles.
Dernier facteur enfin: la diplomatie russe. Elle est, tout le monde le sait, excellente et elle peut compter sur un nouvel atout pour obtenir gain de cause: Donald Trump lui-même. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov peut voir d’un bon œil un cessez-le-feu qui remette en selle les négociateurs. Avec pour objectif de desserrer aussi tôt que possible l’étau des sanctions économiques et financières contre son pays.