Mort du leader du Hamas
La victoire sur l'Iran et le Hamas est-elle acquise pour Israël?

Incontestablement, la mort en Iran d'Ismaïl Haniyeh, chef de la branche politique du Hamas, est une victoire pour Israël. Mais quelle victoire? Et avec quelles conséquences?
Publié: 31.07.2024 à 15:24 heures
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Dernière mise à jour: 31.07.2024 à 16:03 heures
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C'est à la suite de l'investiture du nouveau président iranien, à Téhéran, qu'Ismaïl Haniyeh a été assassiné.
Photo: IMAGO/APAimages
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ismaïl Haniyeh est mort, pulvérisé par une frappe aérienne au cœur de Téhéran, dans la villa mise à sa disposition par les Gardiens de la révolution. La précision de l’attaque, que tout le monde attribue à Israël, donne une idée de la vulnérabilité du régime Iranien.

Le dirigeant politique du Hamas venait d’assister, avant son élimination, à l’investiture du nouveau président (présenté comme réformateur) Massoud Pezeshkian, élu le 6 juillet. Est-ce à dire que l’État hébreu est en train de gagner définitivement la guerre qu’il mène, à Gaza, contre le mouvement palestinien responsable de l’assaut terroriste du 7 octobre 2023? Voici les réponses.

Israël est en position de force militaire

Jamais sans doute, depuis l’assaut terroriste du 7 octobre 2023 qui a fait d’un plus d’un millier de victimes israéliennes, l’État hébreu n’a été aussi fort. La frappe fatale à Ismaïl Haniyeh, intervenue cette nuit dans un quartier de Téhéran connu pour abriter les domiciles de l’élite au pouvoir, prouve en effet le degré d’infiltration des services de renseignement israéliens, à la fois au sein de l’appareil militaire iranien, et au sein du Hamas.

Cet assassinat ciblé, sur lequel Israël garde pour l’heure le silence, suit en plus l’élimination de l’un des principaux chefs militaires du Hezbollah libanais, Fouad Chokr, tué lui aussi par une frappe, en représailles du missile qui a tué douze adolescents druzes dans le territoire du Golan occupé par Israël. Ajoutons à cela la situation sur le terrain, à Gaza: le Hamas y est militairement décapité, l’un de ses principaux commandants Mohammed Deif aurait été tué lors d’une frappe israélienne à la mi-juillet, et son chef militaire, Yaya Sinouar, est l’homme le plus traqué par Tsahal à Gaza

Israël est politiquement moins isolé

Les dénonciations mondiales de la guerre totale menée à Gaza par l’armée israélienne, en représailles à l’assaut du 7 octobre, ont ces dernières semaines baissé d’un cran. Le début des Jeux olympiques, l’arrivée de l’été dans les pays occidentaux, mais aussi l’inévitable lassitude de l’opinion publique et des médias malgré les 40'000 morts palestiniens dans l’enclave (selon les chiffres du Hamas, validés par les organisations humanitaires)… Tout ceci explique ce basculement. Deux autres éléments sont à prendre en compte: la situation politique aux États-Unis, où le retrait de Joe Biden plonge le pays dans un long intermède de campagne électorale qui s’achèvera le 5 novembre.

Photo: keystone-sda.ch

Or même si Kamala Harris fait un très bon début de campagne, la vice-présidente actuelle n’est pas en mesure de peser sur les événements. L’on retiendra d’ailleurs que Benyamin Netanyahu, le très controversé premier ministre israélien, se trouvait à Washington la semaine dernière, où il s’est exprimé devant le Congrès avant de rencontrer Donald Trump en Floride. Paralysie aussi de ce côté-ci de l’Atlantique, dans la phase actuelle de renouvellement des dirigeants de l’Union européenne, et alors que la France est en crise politique, avec un gouvernement en «affaires courantes». Quant aux soutiens du Hamas, comme la Russie ou la Turquie, leur marge de manœuvre dépend largement de ce que va faire l’Iran, directement attaqué par cette frappe fatale à Ismaïl Haniyeh.

Israël met le Liban en joue

On le sait depuis le début de l’offensive terrestre à Gaza: le gouvernement de droite (allié à l’extrême-droite) de Benyamin Netanyahu a intérêt à poursuivre la guerre le plus longtemps possible. Cette guerre, aussi meurtrière et dévastatrice soit-elle, est en effet légitime aux yeux de la population israélienne. Elle permet donc de contenir les manifestations massives de l’opposition, les appels de «Bibi» à démissionner, et la polémique douloureuse sur la centaine d’otages israéliens présumés encore aux mains du Hamas.

La mort d'Ismaïl Haniyeh, qui rompt de facto toute possibilité de négociation à court terme avec le mouvement palestinien, relance en revanche la perspective d’une possible guerre au Liban, où une partie de l’État-Major israélien estime que le moment est venu d’intervenir pour repousser la menace du Hezbollah et de ses 150'000 roquettes et missiles braqués sur l’État hébreu. Le Liban est politiquement déstructuré, avec un État plus faible que jamais, dominé par le Hezbollah chiite soutenu par l’Iran. Or qui dit menaces au Liban dit risque d’engrenage régional. Cette perspective peut être redoutable pour Israël. Mais elle a aussi de quoi inciter les pays de la région à clamer le jeu, pour prévenir l’incendie.

Israël a vaincu le Hamas, et après?

C’est une évidence, et elle ne faisait aucun doute militaire depuis le début de la guerre à Gaza. Près de 15'000 combattants palestiniens auraient été tués durant l’offensive de Tsahal, qui a réduit l’enclave en champ de ruines. Mais que veut dire cette victoire? Donne-t-elle à Israël davantage de sécurité? Oui à court terme, mais sa frontière nord menacée par le Hezbollah risque à tout moment de s’enflammer.

A-t-elle permis jusque-là de faire émerger un nouveau leadership palestinien, indispensable pour que des négociations dignes de ce nom puissent reprendre sur une future solution à deux États? Non. La mort d'Ismaïl Haniyeh s’inscrit dans la stratégie de la supériorité militaire écrasante défendue par Netanyahu, quel qu’en soit le prix humain à payer pour les Palestiniens. L’actuel gouvernement israélien ne conçoit de négociations qu’avec un interlocuteur palestinien à genoux, contraint d’accepter toutes les conditions posées par l’État hébreu. Est-ce viable? Non, car la cause palestinienne n’a jamais été aussi forte. Plus Israël l’emporte de cette façon, plus le Moyen-Orient demeure otage de ce conflit.

Israël est en train de battre l’Iran

C’est peut-être la principale leçon de cette attaque au cœur de Téhéran. Le régime Iranien, en pleine transition politique après la mort de l’ancien président Raissi le 19 mai dans un crash d’hélicoptère (officiellement accidentel mais...) et l’élection de son successeur, se trouve dans une forme d’impasse. S’il réagit – et il a juré de le faire – par des moyens traditionnels, le résultat sera sans doute similaire à celui de l’attaque aérienne du 13 avril, lorsque «le dôme de fer» qui protège l’État hébreu a fait face avec succès à une pluie de missiles et drones iraniens.

La question maintenant est de savoir quelle sera l’attitude d’autres puissances de la région comme le Qatar (où vivait Haniyeh et où il sera enterré vendredi), la Turquie (dont Haniyeh avait la nationalité), l’Arabie saoudite ou la Russie. L’avantage des frappes ciblées est qu’elles peuvent éviter l’engrenage. Mais cette fois, l’affront ne peut pas rester sans conséquences pour Téhéran.

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