Le tsunami social ou la fin de partie? Tel est le scénario pour la quatorzième journée de manifestations et de grèves contre la réforme des retraites en France, ce mardi 6 juin. On vous résume. Ceux qui défileront dans la rue ou cesseront le travail pour ce nouveau round de mobilisation à l’appel des syndicats unis le feront alors que la loi contestée est promulguée depuis le 15 avril, et que ses premiers décrets d’application l’ont été dans le Journal officiel du 4 juin.
A priori, il s’agit donc d’une manifestation pour rien, même si Sophie Binet, la patronne du syndicat CGT, promet de rechercher tous les moyens possibles pour remettre en cause sur le plan juridique le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans au lieu de 62.
Épilogue à l’Assemblée nationale
A cet écueil de taille s’ajoute la fin annoncée d’une autre partie qui devrait trouver son épilogue à l’Assemblée nationale ce jeudi 8 juin. Un groupe de députés indépendants, le groupe LIOT, espérait pouvoir faire voter un projet de loi assez surréaliste, abrogeant le texte de la réforme adopté sans vote le 20 mars, après le rejet à neuf voix près de la motion de censure déposée contre le gouvernement.
Je vous épargne les détails, mais l’initiative de ces députés frondeurs aurait pu aboutir à rebattre toutes les cartes, et à faire repartir de zéro le processus législatif. Raté. Enfin presque. Sauf énorme surprise, le projet de loi d’annulation de la réforme sera écarté. Pas de référendum non plus à l’horizon, comme continue de le réclamer la gauche. Circulez, la réforme des retraites est adoptée. C’est en tout cas ce qu’a compris l’agence de notation financière Standard and Poors qui n’a finalement pas dégradé la note de la France. Pas question de tacler un président qui s’évertue à réformer ce pays si prompt à s’embraser...
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Et les Français? Coté sondages, c’est la pente douce. En direction d’une mobilisation en baisse. Au plus fort des manifestations, 70% des personnes interrogées rejetaient les 64 ans et défendaient les grèves. Le chiffre, désormais, est toujours de deux-tiers pour les opposants à la réforme, mais de 55% seulement pour le soutien aux grévistes. Et coté colères dans les rues des grandes villes, la dernière salve de protestations violentes, le 20 avril, n’a guère laissé de traces. Les graffitis subsistent. A Paris, les rues goudronnées sont percées de nids-de-poule, résultat des poubelles brûlées durant les échauffourées du printemps.
Mais le soleil et les touristes ont changé la donne dans la capitale française. Ce mardi, le défilé syndical, entre la place des Invalides et la Place d’Italie, sur la rive gauche de la Seine, n’aura d’ailleurs pas lieu sur l’itinéraire mythique Bastille-République-Nation. «Multipliant déplacements, commentaires sur l’actualité et annonces, le chef de l’Etat cherche à relancer son quinquennat, explique ces jours-ci «Le Monde». Une hyperactivité qui semble porter, si l’on se fie à la cote présidentielle, en léger rebond dans les sondages». Le président français voit en effet remonter sa cote de popularité: il affiche désormais 30% de satisfaction, soit une progression de 2 points en un mois.
Des braises sociales moins rougeoyantes
Les braises sociales seraient-elles en train de s’éteindre? Le sociologue Jean Viard l’avait pronostiqué dans nos colonnes. «A l’approche de l’été, les Français passeront à autre chose. Chaque réforme des retraites a connu le même scénario» admettait-il en mars, après avoir redouté pendant des semaines «un point de tension extrêmement dangereux et un dérapage qui peut arriver n’importe quand».
Deux explications permettent d’y voir plus clair. La première est conjoncturelle. Qui dit été dit vacances, mais aussi saison touristique et emplois liés. «Beaucoup de jeunes en colère qui défilaient dans les rues sont maintenant au boulot. Ils ne veulent pas gâcher cette chance de gagner un peu d’argent» ironise un patron de café parisien en pointant deux serveurs arrivés depuis peu, «qui ont provisoirement troqué leur colère contre un bon salaire».
Deuxième explication: la promesse de l’exécutif d’un «donnant-donnant» social, même si l’on n’en voit pas encore les contours. Il pourrait intervenir à la rentrée, sur le modèle des annonces d’Emmanuel Macron pour les enseignants qui percevront une hausse de 100 à 230 euros nets par mois, sans condition, dès la prochaine rentrée scolaire.
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En attendant un prochain conflit
Reste la violence. Les médias l’ont-ils exagéré? Les poubelles brûlées dans les rues de Paris et des grandes villes et les affrontements entre manifestants et policiers sont-ils à conjuguer au passé? «Les chaînes d’information continue, qui ont focalisé sur la violence, ont déformé la réalité, analyse l’écrivain suisse François Garçon, auteur de «France, démocratie défaillante» (Ed. L’Artilleur), installé de longue date à Paris.
Je n’ai pas vu Paris s’embraser. Il y a une colère contre la réforme des retraites parce que les Français estiment perdre au change, sans contrepartie. Mais je ne vois pas l’atmosphère prérévolutionnaire souvent décrite». Et si les Français, sensibles aux sirènes de l’été, refermaient d’eux-mêmes la parenthèse? En attendant un prochain conflit...