Impossible n’est pas français! C’est en tout cas le dicton qu’a décidé de mettre en pratique le député François Ruffin, héros de la gauche radicale, donné souvent comme futur «présidentiable» de la «France Insoumise» à la place de son actuel leader Jean-Luc Mélenchon.
Alors que la majorité présidentielle a presque réussi à torpiller mercredi 31 mai une ultime tentative d’abrogation parlementaire de la loi sur les retraites défendue par le groupe indépendant LIOT, l’élu de la Somme (Picardie) remonte au créneau. Son message: un appel à la mobilisation pour un référendum d’initiative citoyenne.
«Toutes les combines, toutes les magouilles, tout le mécano diabolique mis en place par le gouvernement pour imposer la réforme des retraites peut être défait par le peuple», s’est exclamé sur la radio FranceInfo celui qui, depuis le début, considère Emmanuel Macron comme un ennemi politique. Les deux hommes viennent de la même région de France. Dans le livre «Ce pays que tu ne connais pas» (Ed. Les Arènes), François Ruffin avait assumé sa haine et son «rejet viscéral» du chef de l’État réélu en mai 2022.
Rejet catégorique
Un référendum! A court terme, la proposition ne tient pas. Le Conseil constitutionnel a, par deux fois, le 14 avril et le 3 mai, refusé d’entrer en matière sur l’organisation d’une consultation populaire au titre du Référendum d’initiative partagée décrite par l’article 11 de la Constitution française.
Rejet catégorique les deux fois, donc. La raison? Les propositions référendaires visaient à abroger une loi qui ne porte pas sur «l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent».
La décision, compte tenu de l’impact de la réforme des retraites promulguée le 15 avril (supposée entrer en vigueur en septembre) est discutable. Des constitutionnalistes français la jugent «politique». Mais hors cet article 11, point de salut. Aucun dispositif ne permet, en France, d’instaurer un référendum d’initiative citoyenne, le fameux RIC cher aux «gilets jaunes». C'est d'ailleurs pour cette raison que, conscient du problème, le président du fameux groupe LIOT Bertrand Pancher a déposé une proposition destinée, elle, à réformer les conditions du référendum d'initiative partagée prévu par la loi fondamentale, en abaissant le seuil de signatures requises à un million de voix au lieu de 10% des électeurs. Ce qu'avait promis aussi, dans le passé, un certain ..... Emmanuel Macron.
Le RIC, en revanche, reste hors d'atteinte même si François Ruffin promet de revenir à la charge avec une nouvelle proposition législative. Il s’agit donc uniquement de déclaration et d’une posture alors que la bataille contre le report de l’âge légal de départ à 64 ans (au lieu de 62 ans jusque-là) vit ses dernières journées.
La gauche a quitté la salle
Tout semble néanmoins prêt pour une victoire du gouvernement, sur les ruines d’une France abîmée par quatre mois de protestations et de fractures. Ce mardi 6 juin aura lieu la quatorzième journée de mobilisation et de grèves à travers la France. Et le 8 juin, le groupe parlementaire LIOT devrait se retrouver en échec, dans l’impossibilité d’utiliser sa niche de propositions législatives pour faire voter l’abrogation de la réforme.
Ce groupe de députés espère encore soumettre son texte au vote en plénière. Mais le gouvernement a tout fait pour l’empêcher, y compris en obtenant un rejet du texte incriminé en Commission des Affaires sociales mercredi. Le show était total. La gauche a quitté la salle. La majorité affirme que le texte a été voté, ce qui est faux puisque la Première ministre a choisi de le faire adopter le 16 mars.
Pour être clair: la réforme des retraites a été constitutionnellement adoptée sans vote. La suite? Le gouvernement a survécu à deux motions de censure déposées dans la foulée par l’opposition.
Aucune chance d’aboutir
Pourquoi revenir à la charge avec un référendum d’initiative citoyenne qui n’a, sauf séisme politique majeur, aucune chance d’aboutir? «Pour dire au peuple que nous voulons un vote démocratique, pour dire notre refus de ce passage en force gouvernementale. La Macronie veut les pleins pouvoirs et se comporte comme tel», accuse François Ruffin.
L’attaque fait mouche dans les médias. Le mot référendum attire encore l’attention. Mais pour le reste, fin de partie. Les électeurs français ne voteront pas sur une réforme qu’une nette majorité de la population, selon les sondages, persiste à rejeter.