Soap-opera familial version Covid ou polar infectieux de laboratoire? En tout cas, la preuve est faite que le Covid rend un peu «fada» du côté de Marseille, où la fille du professeur Didier Raoult, Magali Carcopino-Tusoli exerce également comme médecin dans un hôpital.
Impossible en effet d’échapper, depuis la publication de son entretien à l’hebdomadaire «L’Express», au règlement de comptes entre celle-ci et son géniteur, que les antivax continuent de considérer soit comme un génie, soit comme un héros, au minimum comme un médecin qui a eu le courage d’affronter l’establishment pharmaceutique.
La raison de cet émoi? L’attaque au vitriol lancée contre son professeur de père, et reprise sous tous les angles sur les réseaux sociaux. Avec cette «punchline» parfaite de l’héritière qui ne parle plus à son père depuis dix ans: «Il se rêvait prix Nobel. Il est devenu leader des complotistes et des antivax.»
Décoré par Macky Sall
Didier Raoult, lui, doit peut-être jubiler. Car pour le promoteur exubérant de l’hydroxychloroquine, toute publicité est bonne à prendre après la parution de son autobiographie dont la couverture n’est autre que sa photo, flanquée de son seul nom. Place donc au jeu médiatique maximal, et aux règlements de comptes, puisque la roue a sacrément tourné depuis la visite d’Emmanuel Macron à l’IHU Méditerranée Infection le 9 avril 2020, en plein confinement et alors que la planète entière se demandait s’il serait possible de venir à bout du virus.
Depuis septembre 2022, le professeur Raoult, avec son physique de chef gaulois, n’est plus à la tête de son institut marseillais. Côté honneurs, cet universitaire auteur de nombreux articles et considéré jusqu’à la pandémie comme une référence, a été décoré par Macky Sall, le président du Sénégal, pays où il a grandi. Coté confessions, son livre démarre sur une touche d’humilité: «Je n’ai pas toujours été le Didier Raoult que l’on décrit aujourd’hui.
Parce que cet homme que je suis fait peur malgré lui et l’a compris un peu tard. Je sais que cela est dû à mon apparence et à une certaine dureté dont je n’ai pas conscience, mais j’aime me bercer de l’illusion que je fus un temps un être doux.» Soit, et après?
Tous rendus fous
Le drame familial au sein de la famille Raoult n’est pas si étonnant. Beaucoup d’autres familles, bien moins impactées directement par le Covid et ce qui était supposé être un médicament miracle, l’hydroxychloroquine, ont subi les pressions de cette année 2020-2021 propice à toutes les rumeurs et à toutes les exagérations.
Je n’avais pas eu, pour ma part, l’impression de rencontrer un illuminé lorsque j’ai parcouru avec Didier Raoult, début avril 2020, la grande salle de son IHU accolé à ce mastodonte de béton qu’est l’hôpital de la Timone de Marseille. J’y avais vu un médecin attentionné. Des patients en train de faire la queue pour obtenir leur sachet de médicaments que d’autres toubibs prescrivaient alors aussi.
Didier Raoult a perdu pied. Soit. Mais que dire de cette embuscade familiale à haute intensité médiatique et des règlements de compte post-pandémie au sommet de l’Etat?
Que dire aussi des autres acteurs de l’époque, du côté du gouvernement français? L’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn, dont le mari a été présenté par les médias comme un ennemi intime de Didier Raoult, refuse de se rendre aux convocations de la Cour de justice de la République (compétente pour juger les ministres) après l’annulation, le 20 janvier, de sa mise en examen pour «mise en danger de la vie d’autrui» par la Cour de Cassation.
Olivier Véran, qui lui avait succédé, est aujourd’hui porte-parole du gouvernement. Confronté aux évidences statistiques, Didier Raoult a persisté. Il s’est enfermé dans un tunnel de déni scientifique. «Il n’a jamais supporté la contradiction, accuse sa fille.
Il est impossible de survivre avec lui si on n’est pas d’accord sur tout. Ce comportement l’a poussé à s’isoler, à se couper de toute critique et à s’enfermer à l’intérieur d’une sphère d’adoration».
Dans son livre, l’intéressé répond: «Il faut savoir que la France a toujours entretenu une ambivalence, faisant naître en son sein de purs génies avant de les condamner dans une espèce de folie destructrice». Il se compare au chimiste Lavoisier ou au juriste Condorcet.
La preuve est faite avec ce duel Père-Fille: rien de tel que le Covid pour attiser les frustrations, les haines et les ambitions.
A lire: «Didier Raoult, autobiographie» (Ed. Michel Lafon)