L'écrivain fait fulminer les féministes
Les confessions ridicules (mais parfois drôles) de l'insupportable Beigbeder

Frédéric Beigbeder est insupportable. Et dans ses «Confessions d'un hétérosexuel légérement dépassé», il se couvre souvent de ridicule. A jeter? Non, à lire comme un plaisir inutile.
Publié: 21.05.2023 à 13:01 heures
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Dernière mise à jour: 21.05.2023 à 23:09 heures
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Le dernier livre de Frédéric Beigbeder lui a valu quelques mésaventures avec des collectifs féministes, notamment lors de ses présentations en librairie
Photo: albin michel
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Richard WerlyJournaliste Blick

Frédéric Beigbeder est un scandale ambulant très français. Il ne pense qu’à lui. Il n’écrit que sur lui. Il ne parle que de lui. Bref, il croit que le monde entier tourne autour de ses 57 ans et de ses tourments.

Alors que franchement, tout le monde s’en fout. À quoi bon passer du temps à lire ses «Confessions d’un hétérosexuel légèrement dépassé» alors que son seul objectif d’auteur est de jouer le rebelle mondain et intello sur papier glacé et sur les plateaux de télévision, en racontant partout son destin affreusement banal: avec l’âge, Beigbeder le scandaleux s’est mué en homme-sandwich de son honorabilité bourgeoise retrouvée. Bref, en apprenti vieux c… Ce qui, avouons-le, nous menace tous.

Le plus simple? Se critiquer soi-même

Reste une chose que l’écrivain marié à une Suissesse et réfugié au Pays basque sait encore éveiller à merveille: notre curiosité. Beigbeder a compris du défunt Jean d’Ormesson, aristocrate badin roué à tous les ressorts de la société médiatique, que le plus simple est se flageller avant de l’être par les autres. Il vaut mieux, après tout, se critiquer soi-même pour déjouer les embuscades, faire sourire les méchants et décourager les tueurs à gage des réputations littéraires si nombreux en France.

Or, que faire pour y parvenir: se couvrir de ridicule. Mission accomplie. Ces «confessions» sont juste insupportables. L’on y apprend que Beigbeder déteste Annie Ernaux, prix Nobel de littérature 2022, animosité taillée pile pour les petits cercles littéraires parisiens amoureux des haines. L’on découvre qu’il a renoncé à la cocaïne en partie parce qu’elle le privait de ses érections (oui, qui sniffe débande). L’on a droit au refrain tricolore de circonstance après un stage de trois jours avec les soldats de l’infanterie de marine. Et l’essentiel est au début et à la fin (du sexe pour commencer et pour terminer, vieille recette): l’hétérosexuel quinquagénaire Beigbeder sollicite notre compréhension. Que voulez-vous, cher lecteur, c’est tellement difficile aujourd’hui de profiter de son statut de vedette pour déclencher les émois de la gent féminine!

L’intérêt du livre est en fait ailleurs. Il faut le lire à l’envers. Pour ce qui n’y est pas. Car cela donne une idée du monde parallèle dans lequel vit l’auteur, révolté à juste titre d’avoir vu sa maison du Pays basque taguée. Voici donc ce que vous ne trouverez pas chez Beigbeder, fils de (très) bonne famille insolent supposément devenu réaliste. Pas un mot sur les ravages du trafic de cocaïne, l’avalanche de morts provoqués par la poudre blanche, l’indécence de l’élite occidentale qui critique cette drogue et en abuse. Pas un mot sur le funeste passé colonial des troupes de marine françaises, qui furent jadis l’instrument d’une domination féroce sur des populations «indigènes» entières, ce qui n’enlève rien à leur patriotisme et à leur courage aujourd’hui. Pas un mot sur ces écrivains qui, contrairement à lui, ont su raconter leurs désirs les plus intimes sans sombrer dans l’exhibitionnisme commercial. Pas un mot sur les raisons pour lesquelles Annie Ernaux, égérie féministe, a su conquérir un tel public mondial, sur ce trouble de la passion sur lequel elle sait mettre les mots justes.

Une machine à laver pour quinquagénaires

Je le reconnais: j’ai lu ces «confessions» d’une traite. Et cela m’a fait du bien. Beigbeder parle des femmes, du porno, de la fierté nationale indispensable, de la religion, de la foi, de toutes ces questions et de ces pulsions qui passent dans nos têtes. Son livre est une machine à laver pour quinquagénaires inquiets d’avoir raté quelque chose à force de croire avoir tout compris.

Frédéric Beigbeder est une lessive littéraire. Il rince. Il essore. Il ressort tout blanc. Puis, il repart dans l’armoire comme le linge, entassé sur une pile. Être un «hétérosexuel légèrement dépassé» est un truc qui peut toujours servir dans un dîner, dans un train, dans un avion ou à la plage. Beigbeder, c’est l’Ikea de la littérature. Il y a toujours une phrase à retenir dans son insupportable magasin.

A lire: «Confessions d’un hétérosexuel légèrement dépassé» par Frédéric Beigbeder (Ed. Alain Michel)

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