Ne demandez pas à Emmanuel Macron de changer de cap! Alors que la bataille sociale et politique sur la réforme des retraites n’est pas terminée, le président français a choisi d’avancer «à marche forcée», comme il l’avait promis lors de son intervention télévisée en mars.
Marche forcée pour rendre la France encore plus européenne. Marche forcée pour accélérer son programme de réindustrialisation d’un pays qui a perdu près de 50'000 emplois industriels chaque année depuis vingt ans, soit un million de postes de travail! Marche forcée pour continuer de séduire les patrons étrangers désireux d’investir dans l’Hexagone: ce lundi 15 mai, 200 PDG de multinationales seront invités au château de Versailles pour un nouveau sommet «Choose France», et accueillis par le gouvernement au complet. En vedette: des annonces d’implantations d’entreprises pour près de 6 milliards d’euros, soit un record depuis l’élection présidentielle de 2017.
L'humeur maussade du pays? Ignorée
Cette avancée à grandes enjambées ne tient guère compte de l’humeur maussade du pays, ni de l’importance politique croissante des extrêmes, à droite comme à gauche. La preuve: mercredi 10 mai vers minuit, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi controversée qui rend obligatoire le drapeau européen bleu étoilé sur le fronton de toutes les mairies de plus de 1500 habitants!
Pourquoi maintenant, alors que quantité de municipalités françaises ont déjà fait ce pas? Pourquoi risquer de relancer le débat sur l’imposition de règles européennes qui n’en sont pas – rien n’oblige les pays membres de l’UE à exiger cela de leurs mairies – alors que la gauche radicale (France Insoumise) et la droite nationale-populiste (Rassemblement national) ressortent à chaque occasion le rejet populaire du projet de Constitution européenne à l’issue du référendum du 24 mai 2005 (54,68% de non)? La réponse est évidente: pour diviser les oppositions et réformer la France tant bien que mal.
Possible que cela marche? Sur le plan des décisions économiques, oui. À force d’argent public injecté dans l’économie, la France a les moyens d’attirer de nouvelles implantations industrielles et son plaidoyer pour une réponse européenne à l’Inflation Reduction Act américain et ses subventions massives doit se comprendre dans ce sens. Le plan de relance France 2030 prévoit ainsi 13 milliards d’aides pour l’industrie, soit exactement le même montant que le déficit supposé du régime des retraites actuel à cette date (avant la réforme qui entrera en vigueur en septembre).
Idem pour l’attractivité. Dans un briefing ouvert à la presse internationale jeudi 11 mai, avant la venue ce vendredi du président Macron à Dunkerque pour y saluer de nouvelles implantations d’usine, son entourage a réaffirmé les changements intervenus depuis 2017, en particulier la simplification des procédures de licenciement, l’abaissement de la taxe sur les bénéfices des entreprises à 25% et l’instauration d’une «flat tax» de 30% sur les revenus du capital.
Vive la France capitaliste? C’est en tout cas le message qui sera entonné lundi 15 mai à Versailles, dans le château construit pour le «Roi-Soleil» Louis XIV.
Le pays réel est prié de suivre
Et le pays réel? Il est prié de suivre. Pour l’heure, le curseur du président français n’est plus sur le report à 64 ans de l’âge légal de la retraite, qui doit encore surmonter une journée de manifestations et de grèves le 6 juin, puis l’examen par les députés d’une proposition de loi visant à abroger la réforme le 8 juin. C’est le baromètre de l’attractivité internationale d’Ernst & Young qui est cité. La France est de nouveau, cette année, saluée comme le pays le plus attractif d’Europe! «Nous tenons cette pole position depuis quatre ans. C’est ça, la réalité», explique-t-on au palais présidentiel de l’Élysée.
Emmanuel Macron est caricaturé comme le président d’une France trop européiste, trop mondialisée, trop pro-business? Tant mieux, semble-t-il répondre. Car c’est la vérité!