De 8,5 à 9 millions de Français obèses. Soit 15% de la population du pays! Ce chiffre est, depuis la sortie d’un rapport officiel sur le fléau du surpoids, un sujet de discussion fréquent dans les hôpitaux et au sein des fameuses Agences régionales de santé, souvent citées lors de la pandémie de Covid-19.
La professeure Martine Laville, coordinatrice du rapport, a été interrogée dans la foulée par la plupart des grands médias de l’hexagone. Elle est catégorique: «L’obésité est un déterminant majeur de la santé, favorisant l’apparition de nombreuses autres pathologies. L’augmentation des diabètes, de maladies cardiovasculaires, et de cancers est programmée».
Au pays du guide Michelin…
Cette obésité, au pays du bien manger et du guide Michelin, est d’abord la preuve des changements de mode de vie. Ce fléau sanitaire frappe pour l’essentiel les zones à forte densité de population, et les classes populaires.
Selon le rapport coordonné par Martine Laville, universitaire à Lyon, 30% des personnes en insécurité alimentaire sont obèses contre 15,9% des personnes ne souffrant pas d’insuffisance alimentaire. Chiffre qui doit faire réfléchir dans un pays où les dépenses consacrées à la santé représentent environ 10% du produit intérieur brut, à 230 milliards d’euros par an, le coût direct de l’obésité (hospitalisations, pathologies, etc...) est de 20 milliards d’euros. Le coût indirect atteint le double, à 43 milliards. Et chacune de ces courbes est en augmentation.
La France comptait, selon ce document, 8,5% d’habitants obèses en 1998, soit la moitié moins qu’aujourd’hui. Un chiffre qui pourrait continuer d’augmenter, selon l’OMS, pour atteindre les 25%. A titre de comparaison, les statistiques médicales considèrent que 39% de la population des États-Unis est aujourd’hui en situation de surpoids et d’obésité, un record mondial.
Le rapport remis au gouvernement français recommande 40 pistes pour faire baisser le poids des Français obèses, et diminuer leurs addictions médicamenteuses qui résultent de la détérioration de leur état de santé.
Parmi ces pistes figurent: la mise sur pied d’une offre de restauration scolaire plus équilibrée dans les quartiers prioritaires, l’interdiction des publicités télévisées pour les produits de mauvaise qualité nutritionnelle durant les plages horaires visionnées par un grand nombre d’enfants et d’adolescents, et un recueil systématique du poids et la taille lors des examens périodiques de santé de l’enfant.
La rapporteuse suggère aussi au ministère de la Santé de renforcer le dépistage de l’obésité, notamment chez les plus jeunes. De nombreux médecins souhaitent faire reconnaître l’obésité comme une maladie chronique, afin d’obliger les personnes concernées à consulter. La proportion d’obèses est encore plus grande dans les départements et territoires d’Outre-mer.
Un élément intéressant du rapport est l’attention portée aux médicaments spécialisés dans la perte de poids, donc la consommation augmente de façon vertigineuse. En France, cela a donné lieu à un scandale avec l’affaire du Mediator, accusé d’avoir causé la mort de 1500 à 2000 personnes de 1976 à 2009. Ce médicament des laboratoires Servier, antidiabétique, était prescrit aux patients désireux de perdre du poids.
En mars 2021, en première instance, le laboratoire Servier a été condamné pour «tromperie aggravée» et «homicides involontaires» à 2,7 millions d’euros d’amende au terme d’un procès de dix mois. La firme pharmaceutique, qui a interjeté appel, est de nouveau sur le banc des accusés depuis janvier 2023.