Le Conseil constitutionnel a dit non
En France, le référendum sur les retraites est décidément maudit

Ce 3 mai, l'idée d'un éventuel référendum sur la réforme des retraites en France a été officiellement enterrée par le Conseil constitutionnel, qui se prononçait sur une seconde demande en ce sens. Pour (un peu) de démocratie directe dans l'Hexagone, on repassera.
Publié: 03.05.2023 à 13:05 heures
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Dernière mise à jour: 03.05.2023 à 19:54 heures
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Lundi 1er mai, la mobilisation en France contre la réforme des retraites a de nouveau été massive. Près de 800'000 personnes sont descendues dans les rues, dont 120'000 à Paris, selon les autorités.
Photo: imago/Le Pictorium
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il y a la rue, comme on l’a encore vu avec les manifestations massives du 1er Mai. Il y a le pouvoir, résolu à mettre en œuvre la réforme des retraites promulguée le 14 avril après son adoption sans vote par l’Assemblée nationale via le fameux article 49.3 de la Constitution. Et il y a les urnes. Pourquoi les Français ne voteraient pas, demain, sur la réforme si controversée de leur régime des pensions?

Vu de Suisse, la question posée serait simple

Oui, pourquoi? Vu de Suisse, où l’on a encore voté sur les retraites en septembre 2022, la question posée serait pourtant simple, et elle aurait le mérite de mettre tout le monde d’accord si le peuple s’exprimait démocratiquement. «Acceptez-vous le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, et une réforme de la durée de cotisation destinée à assurer l’équilibre financier du système par répartition?» Imaginez la scène. 48,7 millions d’électeurs français conviés à décider, ainsi, de leur avenir et de celui des finances publiques. Autant dire qu’il s’agit d’un rêve. Car dans les faits, le Conseil constitutionnel a de nouveau rejeté, ce mercredi 3 mai, la proposition référendaire déposée par 252 parlementaires de gauche.

Explications. En France, un référendum n’est possible, pour l’essentiel, que dans deux cas de figure. Le premier est le référendum d’origine présidentiel. Le chef de l’État convoque le peuple pour se prononcer sur un «projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité». C’est ce que le Général de Gaulle fit à plusieurs reprises, comme le 8 janvier 1961 sur l’autodétermination de l’Algérie ou le 27 avril 1969 sur la réforme du Sénat (dont le rejet entraîna sa démission).

Deuxième possibilité: le référendum d’initiative partagée, ou RIP, précisé par l’article 11 de la Constitution après sa révision de 2008. Celui-ci précise «qu’un référendum peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an». C’est dans ce cadre-ci que le Conseil constitutionnel s'est prononcé. Ses neuf juges (nommés le président de la République, celui de l’Assemblée et celui du Sénat) devaient en effet d’abord valider toute proposition référendaire. Ensuite, la collecte requise des 4,8 millions de signatures d’électeurs aurait pu commencer. Rien de tout cela n'aura lieu.

En théorie, un vote populaire était possible

Jusqu'à ce mercredi, un référendum sur les retraites restait donc encore possible, en théorie. À la suite du rejet d’une première demande le 14 avril, en même temps que la validation partielle du projet de loi par le Conseil, une seconde proposition de consultation populaire avait été déposée. Elle visait à nouveau à interdire toute fin de carrière au-delà de 62 ans (ce que les neuf juges avaient retoqué, estimant qu’il ne s’agit pas d’une réforme, mais seulement d’un critère d’âge modifiable par la loi), et elle défendait la création d’une recette fiscale liée à un prélèvement sur le capital, afin de sécuriser le financement du système par répartition. Ses promoteurs estiment que le peuple français a le droit de choisir la façon dont les retraites sont financées. De facto, le feu vert à une procédure référendaire aurait mis en veilleuse l’entrée en vigueur de la loi (prévue pour septembre) et relancé le débat politique.

Ensuite? Outre la possibilité, pour le Conseil constitutionnel, d’estimer que cette nouvelle proposition était invalide, parce que trop proche de la première ou trop peu justifiée (l’âge de la retraite est un critère socio-économique mouvant), d’autres arguments plaidaient contre un référendum: risque d’un vote pour ou contre Macron, risque de division du pays, risque de contestation des résultats, risque d’une crise politique prolongée… Ils sont légitimes, à la fois résultat de l’histoire et des limitations posées par la Constitution.

N’empêche: comment nier le fait que cette République centralisée et présidentialisée à outrance qu’est la France se porterait peut-être mieux avec un peu de démocratie directe? L'occasion était belle de ramener le débat politique dans la rue, au lieu de tout miser sur la colère sociale. Imaginons même un donnant-donnant: un engagement conjoint des forces politiques à ne pas entraver ce débat par des manifestations, pour que les Français et Françaises intéressés puissent signer (ou refuser de signer) en connaissance de cause.

Dans ce pays où le politique est roi, et où les mots l’emportent souvent sur les actes. Notre refrain helvétique est prêt à être remballé. La probabilité du rejet étant la plus forte, les opposants à la réforme des retraites misaient davantage sur une nouvelle proposition de loi visant à abroger la réforme, qui sera examinée le 8 juin.

Mais pourquoi, tout de même, ne pas comprendre que de nombreux Français et Françaises aimeraient pouvoir s’exprimer autrement que dans les manifestations? Qui, pour relayer cette soif démocratique et cet appel aux urnes?

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