Il faut chercher pour les trouver. Il faut aussi avoir de l’imagination. Pourquoi vouloir sauver Emmanuel Macron, dont les quatre prochaines années présidentielles, jusqu’en mai 2027, s’annoncent fort compliquées? Réélu le 24 avril 2022 avec 58,5% des suffrages contre Marine Le Pen (41,45%), le président français est seul. Mais peut-il le rester pendant les quatre années de ce second mandat entamé sur fond de guerre en Ukraine, d’impossible dialogue avec Vladimir Poutine et de bataille sociale autour de la réforme des retraites?
La réponse est non. Alors, qui pour venir à son secours sur le plan politique? Qui pour le sauver, et réconcilier si possible les Français dans un pays de plus en plus fracturé, où les sondages affirment que Marine Le Pen gagnerait l’élection présidentielle avec 55% des voix si celle-ci avait lieu aujourd’hui?
Il ne fait confiance qu’à lui-même
Le mot «sauveur» doit d’abord être nuancé. Comme le confirme sa conversation avec les lecteurs du quotidien «Le Parisien» publiée ce lundi, un an pile après sa réélection, le chef de l’État français continue avant tout de voir en lui son meilleur allié, et son sauveur le plus sûr. «Peut-être que l’erreur a été de ne pas être assez présent pour donner une constance et porter cette réforme moi-même, juge-t-il, oubliant le niveau de détestation qu’il suscite dans le pays. Je dois me réengager dans le débat public parce qu’il y a des choses qui ne sont pas claires. Donc je le fais partout.»
Le programme est donc annoncé: comme au lendemain de la crise des «Gilets jaunes», «Super Macron» estime qu’il a encore les moyens de convaincre. Et que dans le débat avec ses compatriotes, sa ténacité et sa capacité à répondre à (presque) tout fera la différence.
Eh bien, non. Désolé, Monsieur le président! Prisonnier d’une majorité relative qui n’arrive pas à trouver de renforts à l’Assemblée nationale, votre réussite isolée est très peu probable. La preuve est faite, depuis 2017, qu’une grande partie de vos problèmes vient de votre isolement, de votre personnalité, de votre volonté de réformer la France contre la volonté d’une bonne partie de la population. Il vous faut donc des alliés. Alors qui?
Le président du Sénat (mais il y rechigne)
Allié numéro 1: Gérard Larcher, ce président du Sénat qui vous ressemble si peu. Un homme de droite, vétérinaire de son métier, élu local invétéré, ancien maire de Rambouillet. Un chasseur. Un bon vivant. Un homme de réseaux. Et surtout un conservateur madré, seul capable aujourd’hui de temporiser à droite et d’éviter (peut-être) l’implosion de sa famille politique, officiellement dirigée par le député niçois Éric Ciotti.
Son atout maître? Gérard Larcher, candidat en septembre au renouvellement de son siège des Yvelines au Sénat (où il siège depuis 1986) peut coaliser autour de lui en laissant à Macron son domaine réservé: la diplomatie et la défense. Il estime certes, pour le moment, que «les conditions ne sont pas remplies». Mais après les «cent jours» de relance décrétés par le locataire de l’Élysée, tout peut se passer. Gérard Larcher, déjà second personnage de l’État sur le plan protocolaire, peut être le Raymond Barre du «disrupteur» Macron. Ou son Pompidou.
Le syndicaliste qui pourrait devenir (enfin) un allié
Allié No 2: Laurent Berger. Là, ce serait un coup de barre à gauche et il y aura du boulot pour y parvenir. Le leader du syndicat CFDT quittera son poste à la fin juin, pour être remplacé par une femme, Marylise Léon. Sa formation syndicale suivra ainsi l’exemple de la CGT avec Sophie Binet, 41 ans. Tous seront d’ailleurs en tête de la prochaine manifestation contre la réforme des retraites, le 1er mai.
D’accord, Laurent Berger a pris Macron en grippe avec de bonnes raisons. Celui-ci l’a giflé, re-giflé, répudié. Mais pourquoi pas, sur l’autel de l’unité française, une cérémonie de réconciliation en juin? Le président a ouvert la porte à des négociations sur un «pacte pour le travail». Il a commencé à lâcher du lest budgétaire en concédant des augmentations de salaires aux enseignants. Laurent Berger, nouveau Jacques Delors?
Le peuple lui-même, mais...
Alliés No 3: les Français. Pour le moment, beaucoup ont des casseroles en main à chacun des déplacements présidentiels. Ils ne sont plus que 26% à faire confiance à ce président qu’ils ont pourtant réélu il y a pile un an, même si 28% des électeurs avaient choisi de s’abstenir et que 2,2 millions d’électeurs avaient voté blanc, un triste et double record.
Que se passerait-il, toutefois, si Emmanuel Macron se mettait à les respecter et à les écouter? S’il arrêtait de signer des (petits) chèques et de les traiter comme des quémandeurs? Humilité à tous les étages. Décentralisation véritable. Écoute du terrain et prise en compte des préoccupations de base. Les remèdes sont connus.
Retrouvez Richard Werly sur TV5 Monde:
Le 3 mai, le Conseil constitutionnel va décider, ou non, de valider une nouvelle proposition de référendum d’initiative partagée sur les retraites. Emmanuel Macron va-t-il saisir l’occasion? Pourquoi pas un référendum sur la fin de vie? Quid des travaux du Conseil national de la refondation, mis sur pied voici un an? Les «Cent jours» sur lesquels la Première ministre doit donner ce mercredi sa «feuille de route» seront un test.
Pourquoi pas, aussi, oser la clarification politique avec une dissolution de l’Assemblée et un retour aux urnes, par exemple en 2025? Si les Français cessent d’être traités comme des «Gaulois réfractaires» par le premier d’entre eux, peut-être seront-ils apprivoisables? Et pas seulement grâce aux promesses, cravache des 64 ans en main, de les remettre d’urgence au boulot...
Trois alliés potentiels. Trois défis. Avec à chaque fois la même obligation: accepter d’être sauvé. Au lieu de rallumer le feu.