Cela vous a échappé? Eh bien, jetez un œil à ce classement. L’enseigne commerciale préférée des Français résume, dans son titre, leurs contradictions. Leader du discount non alimentaire, Action n’existe pas (encore) en Suisse. Mais dans l’Hexagone, la marque à bas prix cartonne grave. 800 magasins. Une première place en termes de popularité devant Decathlon (loisirs) et Leroy Merlin (bricolage).
C’est bien sûr une question de prix, en période de galère niveau pouvoir d’achat. Mais j’aime surtout l’intéressant jeu de mots. Dans ce pays supposé passionné d’égalité et de statu quo, le mot «action» est vénéré lorsqu’il rime avec utilité et satisfaction. Peut-être que les politiques devraient en tirer quelques menues leçons…
Le dégraissant, la peinture et les mouchoirs
Action vient des Pays-Bas, le pays d’où Emmanuel Macron a lancé, le 11 avril, son nouvel appel à la souveraineté européenne, tandis que le lendemain, à Amsterdam où le QG de Stellantis est établi, le PDG de l’ex-groupe Peugeot-Citroën se faisait voter par ses actionnaires un salaire mirobolant de 23,5 millions d’euros par an.
Vous allez me dire que je ne devrais pas faire ce rapprochement. Que les profits records des firmes du CAC 40 n’ont rien à voir avec la foule de clients, devant les caisses des supermarchés Action, dont les trois produits de l’année, primés par les clients — selon le site internet de la marque — sont le dégraissant Superfinn à 1,67 euro les 750 ml, le pot de peinture satinée à 7,99 euros et la boîte de mouchoirs à 1,11 euro. Je me dis qu’il y a matière à creuser davantage le sujet. Et si la France avait besoin de dégraissant pour sortir de la polémique des retraites qui englue tout? D’un bon ripolinage avant les JO 2024? Et de mouchoirs pour sécher toutes ses larmes?
En tête des succès commerciaux
Le quotidien économique «Les Échos» a bien résumé le succès de la marque «discount», qui caracole en tête des succès commerciaux en plein marasme lié à la baisse du pouvoir d’achat, et alors que la bataille sociale sur les retraites se poursuit malgré la promulgation de la loi controversée dans la nuit du 14 avril par Emmanuel Macron. «Action a cet effet sur de nombreux clients, notent 'Les Échos'. On y rentre avec l’idée d’acheter uniquement ce qu’il y a sur la liste de courses, on en ressort avec deux fois plus de produits, payés entre 1 et 2 euros. Une véritable mine à «bonnes affaires». Car c’est le modèle de la chaîne de magasin: vendre tout, le moins cher possible.»
Retrouvez Richard Werly sur Public Sénat:
Créée en 1993 aux Pays-Bas, dans la petite ville d’Enkhuizen, la chaîne de magasins s’est peu à peu exportée à travers l’Europe et opère aujourd’hui dans dix pays avec 2263 commerces. Logique qu’en France, elle marche fort. Selon l’Institut national de la statistique (INSEE), 68% des ménages ont changé leurs habitudes de consommation. Avec pour conséquence de chercher à dépenser le moins possible. 40% des Français ont réduit leurs achats et ont parfois changé d’enseignes pour faire leurs courses en 2022. Un choc concentré, selon l’INSEE, sur les ménages les plus pauvres, les jeunes et les couples avec enfants.
Les chiffres donnés par l’INSEE sont les suivants: sur un an, les prix à la consommation ont augmenté de 5,7% en mars 2023, après +6,3% en février. Les prix des produits manufacturés (+4,8% après +4,7%) ainsi que ceux des services (+2,9% après +3,0%) se sont approchés de l’inflation, mais le bond le plus spectaculaire vaut pour les prix de l’alimentation (+15,9%) et du tabac (+7,8%).