Ils font du bruit. Pardon, beaucoup de bruit. Depuis cette semaine, les jeunes anti-Macron ont une nouvelle arme pour se faire entendre: le concert de casseroles. D’ici au 1er mai, nouvelle journée de manifestations et de grèves à l’appel des syndicats toujours unis contre la réforme des retraites, ces lycéens, étudiants ou jeunes professionnels préparent ce qui pourrait bien être leur offensive ultime. «Inoxtag, Seb la Frite, Léna Situations… les influenceurs bientôt dans la rue contre la réforme des retraites?» interrogeait le 21 mars le quotidien «Libération», qui fête ses cinquante ans ce mardi 18 avril.
La réponse est venue. Sur Instagram, TikTok ou Twitter, et via des émissions telles que «Quotidien», quelques vedettes des réseaux comme Sulivan Gwed, Léna Situations, EnjoyPhoenix ou Maghla sont montées au créneau pour défendre, en vain, le maintien de l’âge de départ à la retraite à 62 ans. La radio publique France Inter leur a même consacré un épisode de son podcast d’actualité.
Le concours d’anecdotes de Mc Fly et Carlito:
Dans un pays où la jeunesse est habituée à descendre dans la rue, cette mobilisation des influenceurs n’est pas surprenante. «Dans un thread vu quasiment 3 millions de fois sur Twitter, le journaliste spécialisé dans l’influence Vincent Manilève a relevé les noms de tous les youtubeurs, streameurs, instagrameurs qui ont manifesté leur mécontentement face au 49.3 dans leurs stories ou dans des tweets», note France Inter.
Mais elle frappe d’autant plus que cette colère des moins de 25 ans est cette fois dirigée contre… le plus jeune président du pays, lui-même fan de réseaux sociaux, de selfies et d’influenceurs. Emmanuel Macron avait même répondu positivement, le 23 mai 2021, à l’invitation lancée par les youtubeurs Mc Fly et Carlito, désireux de l’enrôler pour un concours d’anecdotes au sortir de la pandémie de Covid. Le chef de l’État français les avait accueillis à l’Élysée, il avait devant eux téléphoné au dieu du stade de cette génération, alias Kylian Mbappé! Bingo! Plus de 10 millions de vues et l’image d’un président cool, cultivée depuis par de nombreuses vidéos selfies, où Emmanuel Macron prend lui-même la parole, comme lors de sa récente visite officielle au Gabon pour y défendre la forêt tropicale.
Concert de casseroles anti-Macron à Lyon:
Quelques-uns de ces opposants «nouvelle génération» sont devenus des champions du buzz médiatique depuis le début de la contestation contre la réforme des retraites, en janvier. Le plus mobilisé sur le plan politique est le député La France Insoumise (gauche radicale) Louis Boyard, 22 ans, élu du département du Val-de-Marne proche de Paris. C’est sur lui que Jean-Luc Mélenchon comptait pour soulever les lycées et les universités, mais ses appels à bloquer les campus et les établissements scolaires n’ont pas été couronnés de succès, à quelques exceptions près.
Louis Boyard profite, en plus de son statut de parlementaire et de son écharpe bleue-blanc-rouge, de sa notoriété acquise grâce à son clash en direct en novembre 2022 avec Cyril Hanouna, dans l’émission «Touche pas à mon poste», dont il fut chroniqueur. Les réseaux sociaux constituent son royaume. Compliment flatteur: le quotidien conservateur «Le Figaro» lui a consacré une tribune accusatrice intitulée «Louis Boyard, l’élu-influenceur symbole du grand effondrement de la vie politique». Une garantie supplémentaire de buzz auprès des moins de 25 ans, dont «Le Monde» a raconté la mobilisation.
Mathilde Caillard, «techno-activiste» et «pétasse contre Macron»:
Le deuxième visage familier des réseaux et des écrans de téléphones portables est celui de la «techno-activiste» Mathilde Caillard. Lunettes noires, déhanchements dignes d’une techno parade, cheffe de bande lors des manifs, cette jeune assistante parlementaire, elle aussi, a eu les faveurs du «Monde». Son pseudo était jusque là «MC Danse pour le climat».
Mais c’est le vent anti-Macron qui la porte bien plus haut, sur le devant de la scène. Son cri de ralliement? «Retraites, climat: même combat! Pas de retraités sur une planète brûlée». Un cri assuré de retentir dans le défilé parisien du 1er mai.
Les attaques au vitriol du lycéen Manès Nadel:
Troisième vedette, dont «Le Temps» a récemment dressé le portrait: Manès Nadel, présenté par le quotidien suisse comme «un petit syndicaliste lycéen de 15 ans à la gueule d’ange qui est devenu incontournable dans le paysage médiatico-syndical français». Dans les faits, la notoriété de cet adolescent n’a pas vraiment déferlé au premier plan. Mais son vocabulaire vaut bien celui des leaders syndicaux.
Dernier exemple de tweet, après l’allocution télévisée d’Emmanuel Macron le 17 avril et sa promesse de réformer les lycées professionnels, en grande difficulté, dans le cadre du chantier de l’éducation nationale: «Macron apporte enfin une réponse aux lycéens révoltés contre la réforme des retraites: la réforme du BacPro! Vous avez aimé voir vos parents trimer deux ans de plus? Vous allez adorer rentrer au travail précarisé deux ans plus tôt! Un crachat au visage de plus. Ne lâchons rien!».
Autre sortie récente de cet ado révolté dont la devise est «Celui qui ne bouge pas sent ses chaînes», cette fois contre le Conseil constitutionnel après l’aval des juges au texte législatif promulgué dans la foulée: «Les «sages» auront choisi le passage en force plutôt que la démocratie, le chaos social et la crise démocratique généralisée plutôt que l’apaisement. On lâchera jamais rien.»
Retrouvez Richard Werly sur Public Sénat:
Influenceurs ou militants? Surfeurs de la colère, au sujet d’une réforme des retraites qui, à coup sûr, sera de nouveau retouchée plusieurs fois avant qu’ils ne terminent leur vie active? La tradition française de la jeunesse révoltée est respectée.
En mai 1968, lors de la fameuse révolte étudiante, l’opposant numéro un au Général de Gaulle se nommait Daniel Cohn-Bendit, alias «Dany le rouge». Il avait alors 23 ans. Un demi-siècle plus tard, Dany est retraité, ancien député européen, affirme comprendre la nécessité de cette réforme des retraites. «Oui, on devrait travailler plus longtemps», reconnaît-il, tout en défendant une diminution de la durée hebdomadaire du travail. La vie est tout, sauf un long fleuve tranquille.