Emmanuel Macron ne doute pas. On le savait, mais il vient de le confirmer dans son allocution télévisée de 13 minutes supposée clore la bataille sociale sur la réforme des retraites. Le président français avait pris rendez-vous avec le pays, ce lundi 17 avril à 20h. Et il n’a pas changé de stratégie. Une seule direction: en avant. Une demande aux Français: plus d’efforts et de cohésion nationale. Une affirmation de nouveau répétée: le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans était «nécessaire» pour éviter «les déficits accumulés». Tant pis pour la bataille sociale qui dure depuis des semaines, même s’il la regrette. «À l’évidence, cette réforme n’est pas acceptée. Un consensus n’a pas été trouvé.» Dont acte. Mais la loi, promulguée dans la nuit de vendredi à samedi après l’avis favorable du Conseil constitutionnel, ne sera pas mise en mode pause comme le réclament toujours les syndicats.
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Le reste? Trois «chantiers», dont l’ouverture d’une vaste négociation sur le travail, qui était attendue et pour laquelle le locataire de l’Élysée affirme que sa porte sera «toujours ouverte». Un «nouveau pacte de vie au travail» donc, mais aussi «l’ordre républicain et la justice» et «le progrès pour mieux vivre». Trois chantiers sur lesquels le président français promet de premiers progrès dans les 100 prochains jours «au service de la France», jusqu’au 14 juillet, en misant sur une mobilisation collective similaire à celle à l’œuvre pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame, incendiée le 15 avril 2019.
De la peine à convaincre
Vu de l’étranger, et vue l’ampleur du malaise social et politique en France, cette énumération de promesses aura de la peine à convaincre. Le pays est à court de ressources budgétaires. L’inflation érode dangereusement le pouvoir d’achat. Emmanuel Macron n’a même pas décrit une méthode. Il a fait une leçon de plus à ses compatriotes en leur parlant de ce qu’il considère à juste titre comme la principale réussite de ses années passées à l’Élysée: la création de près de deux millions d’emplois.
Emmanuel Macron n’a au fond rien annoncé, parce qu’il sait pertinemment que les moyens financiers font défaut. Même sa promesse sur «de grandes pistes pour que le fonctionnement des institutions gagne en efficacité» n’avait rien de précis. Pas de proposition sur le référendum. Pas de dissolution de l’Assemblée nationale. Rien d’autre que l’évocation du Conseil national de la refondation, cet organisme innovant créé après son élection voici un an, mais aujourd’hui perdu dans le brouillard des colères engendrées par la réforme des retraites.
Une partie de poker
Le pari macroniste de 2023 s’apparente plus que jamais au poker. Le chef de l’État pense encore être celui qui a le plus d’atouts en main. Il croit que les syndicats finiront par accepter sa main tendue. Il croit que la majorité de la population aspire à l’ordre. Il pense que la modernisation de la société française qu’il juge indispensable est une affaire de volonté. Il parie sur le fait que la mobilisation sociale du 1er mai, date butoir pour l’intersyndicale, trahira la fatigue du conflit qui gagne une partie du pays.
«Des coalitions et des alliances nouvelles, […] un élan national». Emmanuel Macron croit que la parole est encore sa meilleure arme, en l’appuyant sur cette volonté «d’indépendance nationale» qu’il met désormais en avant. Risqué. Ce président de 45 ans croit toujours en sa bonne étoile. Il parle de «100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action» comme s’il pouvait, tout seul, refermer la parenthèse des colères. Il lui reste quatre ans de présidence. Et il ne cherche même plus à convaincre.
«Je nous fais confiance», a-t-il conclu de manière révélatrice. La nouvelle de cette allocution télévision est là: malgré les manifestations, malgré les violences urbaines, malgré sa popularité naufragée, Emmanuel Macron affirme croire dans ses compatriotes. Mais il croit surtout toujours en lui et en sa bonne étoile.