Après l'explosion de dimanche
Le cauchemar de Marseille continue au milieu des gravats

Quand finira le cauchemar de Marseille? Après les tueries entre trafiquants de drogue, revoici la vétusté de la métropole mise au jour par l'explosion d'un immeuble survenue dimanche, rue de Tivoli.
Publié: 11.04.2023 à 15:55 heures
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L'explosion est survenue rue de Tivoli, dans un quartier central de Marseille, dimanche peu après minuit. Six corps avaient été retrouvés mardi après-midi.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Un cauchemar. Quel autre mot employer pour désigner la succession de catastrophes qui s’abat sur Marseille, la grande métropole méridionale française? Plus qu’un cauchemar même: une tragédie éveillée, qui se déroule sous les yeux de sa population et au regard de la France entière.

Ce 11 avril, de grandes bâches cachent les ruines de l’immeuble qui a explosé dans la nuit de dimanche à lundi, rue de Tivoli, à environ vingt minutes à pied du Vieux-Port, en contrebas de la gare Saint-Charles. Deux personnes restaient portées disparues mardi. Six corps ont été retrouvés, dont celui d’une octogénaire très populaire dans le quartier, qui vivait là, au premier étage. Marseille cache sa misère et ses larmes. Ses marins-pompiers tentent l’impossible avec leurs chiens venus renifler d’éventuelles traces de vie. Rue de Tivoli, Marseille a l’allure d’un cimetière.

La raison de cette explosion? Tout le monde suspecte le gaz. Deux appartements de l’immeuble seulement étaient pourtant raccordés. Mais la mention d’odeurs suspectes depuis des jours par des riverains accrédite provisoirement cette thèse. Un compteur de gaz, retrouvé, est en train d’être disséqué. La procureure de Marseille a tenu ce mardi une conférence de presse pour indiquer que tous les moyens étaient encore mis en œuvre pour retrouver d’improbables survivants.

Ces larmes marseillaises sont celles du sang versé. On se souvient, sur place, de l’autre catastrophe: celle des deux immeubles effondrés de la rue d’Aubagne, dans la nuit du 5 novembre 2018. Il y a quelques jours, trois ans de prison avec sursis et une amende de 5000 euros ont été requis à l’encontre de propriétaires, accusés d’avoir profité de l’insalubrité d’une copropriété du centre-ville de Marseille. L’un d’entre eux était un ancien vice-président de la métropole. Les immeubles en question se trouvaient eux aussi près de la gare. Tout un symbole, alors que le quartier de Noailles, où se trouve la rue d’Aubagne sinistrée, n’a toujours pas vu démarrer les opérations promises de réhabilitation urbaine.

Tout un symbole

La rue de Tivoli est plus éloignée du Vieux-Port que la rue d’Aubagne. Elle se situe à mi-chemin entre la gare et la préfecture, dans un quartier populaire. Tout un symbole. C’est par la gare Saint-Charles que la plupart des visiteurs et des touristes arrivent pour admirer cette ville riche d’histoire, ouverte sur la Méditerranée. C’est à la préfecture que l’incapacité du pouvoir central se mesure, dans cette métropole rongée par les trafics et les arrangements locaux.

Y a-t-il eu défaillance d’un service municipal ou départemental? On ne le sait pas encore. Ce sera à l’enquête policière de le dire.

Dans les gravats de la rue de Tivoli

Les souffrances de Marseille se lisent dans les gravats de la rue de Tivoli. Toute la nuit, les curieux filment, déposent des fleurs, viennent se recueillir ou simplement parler avec les pompiers. De l’autre côté des bâches tendues? Un immeuble écroulé, aplati, qui a littéralement disparu. Pas de problème d’insalubrité connu dans l’édifice. Soit. Mais pourquoi cela se passe de nouveau à Marseille?

Le maire socialiste, Benoît Payan, est quadragénaire. Il n’est pas un «roi fainéant», pour reprendre l’accusation utilisée contre son prédécesseur Jean-Claude Gaudin, 83 ans, qui régna sans partage sur la ville de 1995 à 2020. Payan a obtenu de l’État des promesses budgétaires à hauteur de 1,5 milliard d’euros et un plan «Marseille en grand».

Mais là, rue de Tivoli, le sort s’acharne. Il suffit de lire l’éditorial du quotidien «La Provence», publié lundi de Pâques, pour le comprendre. «Marseille a vacillé, écrit le quotidien régional, désormais propriété du milliardaire du transport maritime Rodolphe Saadé. Ce 9 avril 2023, l’impensable vient de se reproduire. Dans un tragique télescopage du calendrier, le drame est survenu cette fois en pleine veillée pascale – dont le sens profond, la résurrection du Christ, marque dans la Bible la victoire de la vie sur la mort…»

Marseille s’interroge. Sa force tient dans sa mixité sociale. Sa cohésion. Son inimitable ferveur populaire. Son ouverture sur le monde symbolisée par la CMA-CGM de Rodolphe Saadé qui affiche, en 2022, 23,5 milliards d’euros de profits! Mais Marseille est en ruines. Au sens propre comme au sens figuré.

«Demain viendra le temps de l’enquête et des questions. Mais pour l’heure, le maître-mot, c’est la solidarité, concluait lundi 'La Provence'. Dans cette ville ô combien résiliente, les Marseillais n’ont pas attendu pour venir en aide à leurs voisins en état de choc. Dans les moments les plus sombres, le cœur de Marseille bat encore plus fort.»

Mais le cœur des Marseillais tremble et saigne. Eux n’en peuvent plus de ces catastrophes à répétition.

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