Les opposants français à la réforme des retraites ont trouvé leur bouc émissaire. Haro sur la Rotonde, ce restaurant parisien du boulevard du Montparnasse, régulièrement fréquenté par Emmanuel Macron et son épouse Brigitte. La façade rouge caillassée et taguée de l’établissement restera en effet comme l’image symbole de la onzième journée d’action et de grèves, jeudi 6 avril.
Une journée marquée par une nouvelle baisse de la mobilisation, à l’issue de laquelle les syndicats unis ont annoncé qu’ils repartiront dans une semaine à l’assaut du projet de loi dont ils exigent le retrait. Nouveau rendez-vous dans la rue le 13 avril, la veille du jour où le Conseil constitutionnel doit, ou non, valider le texte législatif adopté sans vote le 16 mars, grâce au recours à l’article 49.3 de la Constitution.
Restaurant de l’élite intellectuelle
La Rotonde, restaurant de l’élite. La Rotonde, restaurant fétiche d’Emmanuel Macron qui y avait convié ses soutiens le soir du 23 avril 2017, après sa qualification pour le second tour devant Marine Le Pen et François Fillon. Nicolas Sarkozy avait le Fouquet’s, cet établissement des Champs Elysées où l’ex-chef d'État français avait organisé sa soirée électorale victorieuse, le 6 mai 2007. Durant la crise des Gilets jaunes de l’hiver 2018-2019, ce restaurant avait aussi été pris pour cible, en partie incendié. Même sort pour la Rotonde, où un incendie rapidement éteint a pris ce jeudi, à l’issue du passage des manifestants. Cernée par les policiers antiémeutes, sa terrasse avait l’allure d’une forteresse. Difficile d’imaginer, dans ces conditions, un rapide retour du couple Macron qui aime d’ordinaire y dîner en fin de semaine.
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La preuve est à nouveau faite, à travers l’agression contre ce restaurant du quartier Montparnasse, autrefois QG des artistes, des écrivains et des éditeurs, que le mouvement de colère qui secoue la France dépasse la question du report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite (au lieu de 62 actuellement). Il s’agit en fait d’une convergence des colères, dopée par le refus de la Première ministre Élisabeth Borne de mettre en pause le texte de loi controversé. Après l’échec de la rencontre entre la cheffe du gouvernement et les syndicats, mercredi matin à l’hôtel Matignon, l’impression d’impasse n’a jamais été aussi forte, même si la baisse du nombre de manifestants peut laisser présager d’une fatigue du mouvement.
Violences policières, la question récurrente
La Rotonde, symbole aussi de la question des violences qui surviennent de part et d’autre en France, lors des journées de protestation. 111 personnes ont à nouveau été interpellées à Paris ce jeudi 6 avril, tandis que les critiques fusent, dans les rangs des syndicats, sur l’attitude répressive des forces de police soutenues par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et commandées, à Paris, par le préfet de Police Laurent Nunez.
D’après les images et les témoins de scènes de caillassage du restaurant, jeudi, les responsables ne sont pas des manifestants ordinaires. Il s’agit de casseurs, aimantés par les devantures des lieux connus et par la présence des forces de l’ordre pour les protéger. Le 23 mars, un kiosque à journaux de la place de l’Opéra, à Paris, avait été incendié.
À nouveau ce jeudi, le spectacle des poubelles brûlées a jalonné le défilé, même si la plupart des ordures de la capitale ont été enfin ramassées par les éboueurs, après l’interruption de leur mouvement de grève. Où autoriser les manifestants à marcher, jeudi 13 avril, contre la réforme des retraites? Ce ne sera de toute façon pas devant le Fouquet’s. Depuis le début du mouvement, et après des scènes d’émeutes initiales place de la Concorde, les Champs-Elysées sont interdits d’accès aux syndicats.