Poutine, Xi et les autres
Comment arrêter les empires autoritaires?

Dans «Démocraties contre empires autoritaires», l'essayiste français Nicolas Baverez lance un appel à la mobilisation. Les démocrates doivent réapprendre à se battre. Un appel qui tombe pile au moment où Donald Trump se trouve dos au mur face aux juges.
Publié: 09.04.2023 à 14:17 heures
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Dernière mise à jour: 10.04.2023 à 13:21 heures
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Le président Russe Vladimir Poutine n'aurait pas seulement agressé l'Ukraine pour des raisons de sécurité.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Je connais Nicolas Baverez. Nous intervenons parfois, ensemble, dans le podcast «Le Nouvel esprit public» animé par Philippe Meyer.

Je préfère le dire d’emblée, car certains lecteurs, surtout sur les réseaux sociaux, aiment s’emparer de ce genre d’informations et en déduire des conflits d’intérêts qui n’existent pas. Les cartes sont sur la table. J’ai choisi de vous parler du dernier livre de cet auteur parce qu'il mérite qu’on s’y attarde et qu’on se plonge dedans. Parce qu’il fait réfléchir. Un point c’est tout.

Tocqueville et Aron

Nicolas Baverez aime Alexis de Tocqueville et Raymond Aron. Je le dis parce que le regard inquiet de ces deux grands intellectuels français sur la démocratie, l’un lors de son fameux «Voyage en Amérique» en 1831, l’autre durant l’entre-deux-guerres et la Seconde Guerre mondiale, plane au-dessus de son dernier essai «Démocraties contre empires autoritaires» (Ed. Observatoire).

L’auteur, avocat de métier, livre en fait en 230 pages son plaidoyer pour cette démocratie qu’il estime menacé. «Dans ce siècle de l’histoire universelle qui bascule et où la liberté redevient l’enjeu central, l’Europe doit se ressaisir et renouer avec les valeurs qu’elle a inventées», assène-t-il.

Son langage est celui du combat. Démocrates européens, unissez-vous (et armez-vous), car vous n’aurez pas d’autre choix que de combattre pour défendre le suffrage universel, les libertés et la justice indépendante.

«Qui est Donald Trump?»

Il se trouve que j’ai lu l’essai de Nicolas Baverez dans la foulée d’un petit livre publié en 2016 par la journaliste du «Figaro» Laure Mandeville. Dans «Qui est Donald Trump?», cette ancienne correspondante à Washington, d’où j’écris ces lignes, cherchait à décrypter la personnalité de celui qui n’était pas encore président des États-Unis. La relire aujourd’hui est passionnant. On y voit, une fois de plus, combien les hommes de pouvoir autoritaires – ou tentés par l’autoritarisme – font ce qu’ils disent lorsqu’ils prennent les commandes.

Donald Trump était devant les juges le 4 avril à New York. Une première pour un ancien président américain.
Photo: DUKAS

Trump avait promis de faire ce qu’il a fait. Il avait promis de s’en prendre à l’élite américaine, de livrer les juges en pâture au peuple, d’utiliser tous les moyens possibles pour éliminer ses adversaires. Il l’a fait. Et pour le vaincre dans les urnes, le 3 novembre 2020, Joe Biden et les siens ont dû le combattre sans relâche. Ils ont su profiter de la pandémie et du doute qu’elle avait engendré. Ils ont su résister politiquement à la vague qui, le 6 janvier 2021, a fini par déferler sur le Capitole.

Je parle de Donald Trump parce qu’il vient de comparaître devant la justice à New York, et que sa saga judiciaire va scander les prochains mois politiques aux États-Unis. J’en parle aussi parce que Trump ne serait rien sans ses électeurs, très nombreux et souvent fanatiques. Résister suppose dès lors de tenir bon longtemps et, dans les pays européens, de tirer les leçons de ce qui s’est passé outre-Atlantique. L’autoritarisme, dans nos démocraties, peut gagner une manche puis perdre la partie. À condition de combattre sans relâche dans le respect des règles. «Ultimement, la résistance des démocraties dépendra de la sagesse de leurs dirigeants et de la raison de leurs citoyens», pronostique Nicolas Baverez.

L’auteur croise les registres

Chroniqueur au «Point» et au «Figaro», l’auteur aurait sans doute pu économiser quelques chapitres, en particulier celui où il refait l’histoire de la fin des années 80, de l’écroulement de l’ex-URSS et des opportunités manquées qui en ont résulté. Il manque aussi un éloge des faiseurs obstinés de paix, car la démocratie doit aussi rimer avec diplomatie. La force de son livre réside néanmoins dans sa capacité à croiser les registres et à dresser un diagnostic complet des menaces pour nos sociétés et nos libertés.

Nicolas Baverez est un scanner intellectuel. Il manie les chiffres, l’économie, les questions de défense, les références intellectuelles, les échéances politiques. C’est rare. Il a aussi pour lui l’avantage d’avoir pris de l’avance en dressant, depuis longtemps, le portrait de l’incapacité de son pays – la France – à se réformer et à s’adapter. Les électeurs tentés par les partis nationaux populistes me répondront que proposer de résister à Trump, Poutine, Orban, Xi et tous les autres – qui ne sont pas pour autant à mettre dans le même sac – est un peu facile. Peut-être. Mais les défaites viennent souvent des combats que l’on a oubliés de mener. Or, Nicolas Baverez ne veut pas perdre une bataille sans l’avoir engagée.

Sa force, en revanche, est de juger les idées, pas les gens. Baverez n’est pas un procureur. Il enquête à charge et à décharge, comme un juge d’instruction. Il redoute que les démocraties oublient de se défendre, mais il ne grossit pas le trait. Il dit que le temps est compté, mais il croit la résistance possible. Il redoute le déclin sans être défaitiste.

La démocratie est un combat. On le savait. Elle est surtout une chose vivante, qui s’alimente et se défend. Le livre de Nicolas Baverez nourrit le débat sans lequel il n’y a pas de liberté de penser digne de ce nom. Son livre n’est pas un pamphlet contre les empires autoritaires. C’est un traité sur l’impuissance qui nous menace.

A lire: «Démocraties contre empires autoritaires» de Nicolas Baverez (Ed. Observatoire)
«Qui est vraiment Donald Trump ?» de Laure Mandeville (Ed. Équateurs, 2016)

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