Certains livres disent à la fois le malheur, les larmes, l’espoir et l'indispensable dérision. «Fichez-nous la paix», l’album de dessins de presse tout juste publié par les éditions Gallimard avec Cartooning for peace et Amnesty International, est de ces livres-là.
Le feuilleter, un an après le début de l’agression russe contre l’Ukraine le 24 février 2022, est une obligation pour se dire que tout n’est pas perdu. Car cet ouvrage n’est pas seulement un réquisitoire contre la violence extrême déclenchée par le maître du Kremlin au nom de la sécurité de son immense pays. Il est un cri. Lancé à tous les dirigeants impliqués dans ce conflit. Les crayons, on le sait, font bien plus souvent mouche que les mots.
Dessinateurs du monde entier
Tous les dessinateurs de presse se sont donné rendez-vous. Ils se nomment Chapatte, Dilem, Antonio, Delambre, Plantu, Kak… pour évoquer ceux dont la signature et les caricatures ornent régulièrement les journaux francophones.
Puis il y a tous les autres: les Ukrainiens, les Russes (en exil, car la censure leur interdit de travailler en Russie aujourd’hui), les Iraniens (en exil aussi)… Le monde entier se retrouve dans ces pages qui ne sont pas toujours tendres pour l’Occident. C’est tant mieux.
Chaque guerre a ses horreurs et ses arrière-pensées. Chaque conflit est le résultat d’occasions manquées, de diplomatie piétinée, de respect des droits humains jeté aux orties.
Pierre Haski, l’éditorialiste français convié à préfacer l’ouvrage, a cette phrase très juste en forme de question pour l’avenir: «On voit bien qu’on a changé d’époque, mais pas de système de sécurité mondial.»
La force de cet essai graphique est qu’il dit tout, ou presque. Il dit l’horreur du rêve de grandeur de Vladimir Poutine. Il dit la résistance des Ukrainiens. Mais il dit aussi le ressentiment des pays du sud, les manigances des alliés au sein de l’OTAN, les vies gâchées au service d’ambitions nationalistes.
Pierre Haski, là encore, résume l’interrogation historique: «L’Ukraine a-t-elle eu tort de renoncer à l’arme nucléaire en 1994, en échange des garanties internationales que la Russie n’a pas respectées? Si c’est la leçon qui doit s’imposer de cette guerre, alors, le monde va au-devant de graves problèmes…»
Les plaies du monde
Les dessinateurs ont l’avantage du crayon qu’ils mettent dans les plaies du monde. Ils ne font que poser des questions, que nous interpeller, que nous obliger à regarder le monde en face, sans explications alambiquées, sans prendre en compte l’inévitable contexte. Tant mieux.
Les pacifistes ont aussi cette force: défendre la paix envers et contre tout, lorsque la guerre est jugée comme la seule solution. Après un an de conflit, cette trêve s’imposait. Malheureusement, elle ne figure que sur le papier. Les dessinateurs nous ouvrent les yeux. Mais dans l’est de l’Ukraine, les missiles et les bombes pleuvent encore.
À lire:
«Fichez-nous la paix», Ed. Gallimard, avec Cartooning for Peace et Amnesty International