Ses partisans les plus zélés le comparent hâtivement à Winston Churchill, ce vieux lion qui parvint, en 1940, à faire rugir l’Angleterre assiégée. Ses détracteurs lui reprochent, pêle-mêle, ses liens passés avec des oligarques, les manquements de son administration envers la corruption endémique de l’Ukraine, et son refus de céder aux injonctions de Vladimir Poutine depuis l’agression russe du 24 février 2022.
La vérité, après un an de guerre dévastatrice et très meurtrière en Ukraine est plus simple que ces deux clichés. Volodymyr Zelensky, ex-acteur transformé en icône mondiale dans ses tenues kaki ou noires de «président-résistant», a répondu au seul appel qui compte lorsque son pays est attaqué: celui de son peuple menacé par un dirigeant russe qui lui refuse tout simplement le droit d'exister et de choisir une voie indépendante de celle, autoritaire et ultranationaliste, de la Russie d’aujourd’hui.
Poutine et Biden, tous deux surpris
Cette transformation en a surpris plus d’un, à commencer par Vladimir Poutine qui croyait l’éliminer physiquement au bout de quelques jours de combat, et par Joe Biden, qui lui proposa dès les premières frappes contre Kiev un départ en exil fermement refusé par l’intéressé avec cette fameuse formule «J’ai besoin de munitions, pas d’un taxi.» Les présidents russe et américain, vétérans de leurs systèmes politiques respectifs, n’avaient sans doute pas compris combien la série télévisée du nom de Serviteur du peuple avait formé cet acteur comique, familier des chaînes de télévision russe et populaire dans le monde russophone, bien au-delà de l’Ukraine.
Car qu’est-ce que cette série, centrée sur l’arrivée au pouvoir d’un professeur d’histoire ingénu, sinon le résumé du défi qu’a dû affronter Zelensky une fois la guerre déclarée? L’homme s’est alors retrouvé face à une question aussi simple que redoutable: résister ou pas? Incarner son pays ou abdiquer? Faire confiance ou non à l’Occident? Oser affronter le maître du Kremlin et ses tentacules plongées au cœur de la société ukrainienne? Tout s’est joué, ce 24 février, sur un seul mot: la peur. Or Vassili Petrovitch Goloborodko, ce professeur-président de fiction télévisée, a choisi de ne pas avoir peur.
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L’une des grandes leçons de cette année de guerre est là. Elle tient en quelques lettres. Elle ne doit occulter aucune inquiétude, aucun reproche, aucun débat sur le terrifiant face-à-face que se livrent, en Ukraine, le camp allié autour des États-Unis, la Russie et l’arrière-cour des régimes autoritaires qui cherchent au maximum à profiter de ce conflit qui les prend en otage. Saluer le fait que Zelensky n’a pas eu peur ne signifie pas que le soutien militaire occidental dont il bénéficie, et l'impasse géopolitique provoquée par l'avancée de l'OTAN vers la frontière russe, doivent être occultés. Il ne doit pas conduire, demain, à fermer les yeux sur des dérives possibles. Il ne doit surtout pas, enfin, empêcher les diplomates à réfléchir à un cessez-le-feu possible, peut-être sur la base des propositions avancées ces jours-ci par la Chine.
Le champ de bataille est la pire des options. Volodymyr Zelensky devra savoir, à un moment donné, quitter son uniforme de chef de guerre pour celui d’artisan de paix, avec le lot de concessions que cela suppose. Soit. Mais le bilan de cette année écoulée, depuis le 24 février 2022, doit faire une juste place à l’homme. Face à un dictateur sans scrupules nommé Poutine, un ex-comédien tout juste sorti des plateaux TV a tenu bon, au nom de la défense de la démocratie et de la vocation européenne de son pays.
Une force de caractère exemplaire pour les jeunes générations
C’est cette image, cette ténacité, cette force de caractère que les jeunes générations des sociétés démocratiques doivent retenir. Cette force de caractère s’accompagne, on le sait, d’une soigneuse opération de communication mondialisée. Elle est savamment mise en scène. Et alors? Poutine, lui, abuse depuis des années de la désinformation après avoir financé quantité d’officines nationales populistes pour déstabiliser des gouvernements élus ou favoriser «ses» candidats!
Volodymyr Zelensky n’est pas un modèle. Il sera peut-être, demain ou après-demain, sanctionné par les électeurs ukrainiens comme le fut Winston Churchill, battu en juillet 1945 par le leader travailliste Clement Atlee. Mais il restera celui qui, le 24 février 2022, a dit «non», persuadé à juste titre de la volonté de résistance d’une grande majorité de sa population.
A ce titre, tous ceux qui croient en la démocratie doivent, un an plus tard, avoir le courage de lui répondre d’un simple mot: «Merci».