Nouvelles armes, nouvelles bases, nouveaux pays membres...
L'OTAN, une alliance rendue encore plus puissante par la guerre en Ukraine

Un an après l'agression russe contre l'Ukraine, l'Alliance atlantique est encore plus puissante. Sur le terrain, elle parait même impossible à battre. Problème: la guerre l'a rendu plus offensive. Ce qui pourrait engendrer d'autres difficultés.
Publié: 22.02.2023 à 17:46 heures
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Dernière mise à jour: 23.02.2023 à 19:51 heures
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Le Norvégien Jens Stoltenberg est, depuis le 1er octobre 2014, le secrétaire général de l'OTAN. Son mandat vient théoriquement à échéance cette année. Mais lors du sommet de Vilnius en juillet prochain, il pourrait être prolongé dans ses fonctions.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

La plus puissante coalition militaire au monde est devenue, un an après l’agression russe contre l’Ukraine le 24 février 2022,… encore plus puissante. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: aucun autre pays ou alliance n’est aujourd’hui capable d’aligner autant de moyens militaires que l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) crée le 4 avril 1949 autour des États-Unis, pour protéger les pays d’Europe de l’Ouest face au défunt pacte de Varsovie, bras militaire de l’ex-bloc soviétique. On peut même avancer, sans crainte de se tromper, que l’OTAN est aujourd’hui une coalition imbattable. Problème: sa mission est toujours sujette à un intense débat. Après un an de guerre, voici ce qu’il faut retenir.

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L’OTAN joue en défense, mais en mode offensif

Selon le texte du Traité signé en 1949, à San Francisco, «l’OTAN est une alliance défensive dont les membres sont déterminés à sauvegarder leur liberté et leur sécurité mutuelles, face à toutes les menaces, d’où qu’elles viennent.» Il ne s’agit donc pas, pour ses trente pays membres (bientôt 32 avec l’intégration programmée de la Suède et de la Finlande), de se muer en force d’attaque contre l’une ou l’autre puissance. Mais peut-on continuer de parler de force «défensive» alors que l’OTAN soutient militairement l’Ukraine, pays non-membre auquel les alliés ont imprudemment entrouvert la porte, avec la Géorgie, dans leur déclaration de 2008 à l’issue du sommet de Bucarest?

La fameuse déclaration de Bucarest sur l’Ukraine

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La réalité est que cette année de guerre a transformé l’OTAN, avec laquelle la Suisse coopère via le «partenariat pour la paix» dont la Russie et l’Ukraine étaient aussi membres ensemble dans le passé. Première transformation: l’élargissement à deux anciens pays neutres frontaliers de la Russie. Actuellement compliqué par le veto de la Turquie à l’entrée de la Suède, cet élargissement devrait être achevé au sommet de Vilnius (Lituanie) les 11 et 12 juillet, où le président Ukrainien Volodymyr Zelensky envisage de se rendre. Seconde transformation: la forte poussée des budgets militaires dans tous ses pays membres. Longtemps, l’OTAN a désespéré de voir ces derniers consacrer moins de 2% à leur défense. Or voilà que la Pologne y consacre 4% de son budget, et que l’Allemagne a débloqué en 2022 une enveloppe de 100 milliards d’euros pour transformer la Bundeswehr. Troisième transformation enfin: le leadership américain au sein de l’Alliance n’est plus remis en cause. Une crise avait eu lieu en 1966, lorsque le Général de Gaulle avait sorti la France du Commandement intégré de l’Alliance, et ordonné la fermeture des bases américaines sur le territoire français. Le président Nicolas Sarkozy est revenu sur cette décision en novembre 2007. La guerre entre la Géorgie et la Russie en 2008, l’annexion russe de la Crimée en 2014, puis le déclenchement du conflit en Ukraine il y a un an ont ramené, sans surprise, Washington au premier plan.

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L’OTAN est la machine de guerre la plus puissante au monde

3,37 millions de soldats actifs et environ 1,3 million de réservistes mobilisables. L’équivalent de 35 divisions (chacune d’environ 10'000 hommes) équipées de 7600 chars et 2000 avions. Sans parler des moyens marins, sous-marins, cyber et bien sûr nucléaires. Une présence renforcée depuis un an dans la partie orientale du territoire de l’Alliance avec le déploiement de huit groupements tactiques multinationaux en Bulgarie, en Estonie, en Hongrie, en Lettonie, en Lituanie, en Pologne, en Roumanie et en Slovaquie. Le tout, au service d’un traité dont l’article 5 de défense collective énonce «qu’une attaque contre un membre de l’Alliance est considérée comme une attaque dirigée contre tous les Alliés». C’est d’ailleurs cet article que Joe Biden a, sans surprise, cité dans son discours prononcé à Varsovie ce mardi 21 février, évoquant un «engagement solide comme le roc» des États-Unis envers leurs alliés. Une promesse répétée ce mercredi par le président américain devant les neuf pays membres du groupe de Bucarest (Bulgarie, République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Monténégro, Macédoine du Nord, Pologne, Roumanie et Slovaquie).

Retrouvez Richard Werly sur BFM TV lors du discours de Joe Biden à Varsovie

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La force de l’OTAN vient d’abord, comme on le voit en Ukraine où la plupart de ces armes sont malheureusement testées, de son équipement militaire de pointe. L’Alliance, dont le commandement suprême se trouve à Mons et le quartier général à Bruxelles (Belgique) dispose par ailleurs en propre d’une flotte d’avions de surveillance AWACS (système aéroporté de détection et de contrôle). Citons, parmi les équipements terrestres les plus performants mis à la disposition de l’armée ukrainienne: les chars lourds Leopard II, Challenger et Abrams (même si les modèles les plus récents ne seront pas livrés), les batteries de missiles antimissiles Patriot, les systèmes de défense antiaériens Nasams et Starstreak, les lance-roquettes Himars, les canons Caesar, les drones de fabrication turque Bayraktar… L’OTAN prend aussi en charge la police de l’espace aérien des trois pays baltes, actuellement assurée par des avions allemands, italiens et Hongrois. Dans ce cadre, des avions de chasse russes sont régulièrement interpellés et reconduits hors de cet espace aérien, y compris les fameux Tupolev TU-160, appareil de dernière génération surnommé «le cygne blanc» (ou blackjack, dans le jargon otanien). Le prochain exercice majeur des forces de l’OTAN, Cold Response, est prévu en mars en Norvège.

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L’OTAN est bien plus qu’une alliance militaire

C’est là que réside l’un des nœuds de l’actuelle guerre en Ukraine. C’est aussi cette caractéristique politico-militaire, résumée par la formule du «parapluie américain», qui enrage les tenants d’une souveraineté stratégique de l’Union européenne, pour lesquels l’UE devrait pouvoir assumer ses décisions seule, sans en référer à Washington. Problème: cette thèse est aujourd’hui irréaliste sur le plan des moyens militaires, et elle est rejetée par une grande partie des 27 pays membres de l’Union, désireux de continuer à être protégés par les États-Unis comme cela fut le cas tout au long de la guerre froide. La conséquence de la guerre en Ukraine est, sur ce plan, à l’opposé de ce qu’espérait sans doute Vladimir Poutine, persuadé que les milieux pro russes influents dans de nombreux pays de l’Alliance parviendraient davantage à se faire entendre. Échec sur toute la ligne. Le président français Emmanuel Macron, qui avait défrayé la chronique en dénonçant en 2019 la «mort cérébrale» de l’Alliance, est aujourd’hui presque moqué par ses pairs.

La sécurité de l’Europe en 2023 vue par le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg

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Il faut lire, pour s’en convaincre, le dernier rapport stratégique de l’OTAN publié lors du sommet de Madrid en juin 2022. Il «ratisse» les menaces de façon très large, de la part d’une Alliance qui considère, depuis 2021, que la Chine pose des défis «systémiques». Jugez plutôt: «Des acteurs autoritaires s’en prennent à nos intérêts, à nos valeurs et à nos démocraties, énonce le rapport de l’OTAN. Au mépris de l’exigence de transparence, des règles internationales et de leurs engagements internationaux, ils investissent dans des capacités conventionnelles, nucléaires et missilières avancées. Des compétiteurs stratégiques testent notre résilience et tentent d’abuser de l’ouverture et de l’interconnexion de nos pays ainsi que de la transformation numérique qui s’y opère. Ils s’ingèrent dans nos processus et institutions démocratiques et mettent en danger la sécurité de nos concitoyens en ayant recours, directement ou via des intermédiaires, à des procédés hybrides. Ils commettent des actes de malveillance dans le cyberespace et dans l’espace, soutiennent des campagnes de désinformation, instrumentalisent la migration, jouent sur le levier de l’énergie et usent de la coercition économique. En outre, ces acteurs sont au cœur d’une entreprise visant à fragiliser les règles et institutions multilatérales ainsi qu’à promouvoir des modèles de gouvernance autoritaires.»

Comment ne pas considérer, dès lors, cette Alliance comme autre chose qu’une simple coalition militaire défensive? D’autant qu’elle s’est impliquée dans le passé, à la demande des États-Unis, dans des missions discutables antiterroristes, comme le déploiement d’une force internationale, l’ISAF, entre 2001 et 2014 en Afghanistan? On voit aussi, dans le cas des crises régulières entre la Turquie et la Grèce (tous deux entrés dans l'OTAN en 1952), que l'Alliance est bien plus qu'une question de sécurité. L'interrogation posée par la Russie sur le rôle de l'OTAN ne peut donc pas être écartée. Elle engendre évidemment un sérieux problème à des pays neutres tels que l’Autriche ou la Suisse, située au milieu du continent européen. L’alliance la plus puissante du monde, aujourd’hui imbattable, est aussi un carcan pour ses membres. Et encore plus pour ses partenaires.

Prochain épisode (3/4): La Russie sanctionnée, l'économie mondiale déstabilisée

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