Au sommet de Bruxelles
Giorgia Meloni s'affirme comme la reine italienne de l'Europe

Beaucoup redoutaient à Bruxelles la présidente du Conseil italien, issue de la mouvance néo-fasciste. Mais au sommet européen de Bruxelles ce jeudi et vendredi, Giorgia Meloni mène la danse. Ou presque.
Publié: 30.06.2023 à 12:03 heures
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La présidente du Conseil italien défend becs et ongles la nouvelle approche européenne sur la migration.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il manquait à Giorgia Meloni un bon sujet pour devenir la bonne élève de l’Europe. C’est fait. Au sommet des chefs d’État ou de gouvernement des 27 qui s’est ouvert ce jeudi 29 juin à Bruxelles, la présidente du Conseil italien est arrivée avec un autre plat de résistance que l’Ukraine.

Qui aurait imaginé que cette Première ministre issue de la mouvance néofasciste se fasse, devant ses 26 partenaires, l’avocate de la Tunisie, cette démocratie menacée du Maghreb, cruciale pour le contrôle des flux migratoires. «Ce pays représente également une opportunité pour la sécurité énergétique et le développement économique», a d’emblée affirmé la locataire du palais Chigi. Pas question pour cette défenseure affirmée de l’OTAN, d’oublier le flanc sud de l’Alliance. Les conclusions du sommet des dirigeants européen feront, vendredi, référence à l’accord récent entre l’UE et la Tunisie.

L’histoire d’une transformation

Giorgia Meloni, ou l’histoire d’une transformation européenne. Après sa victoire électorale du 27 septembre 2022, ses premiers pas bruxellois, lors du sommet européen des 20 et 21 octobre, avaient eu lieu sous surveillance.

Changement radical d’ambiance huit mois plus tard, alors que dans quelques semaines, une «melonisation» de la politique espagnole est possible, lors des élections générales du 23 juillet. Vox, le parti d’extrême droite ibérique qui avait accueilli Giorgia la candidate en juin 2022, est bien placé dans les sondages et désormais allié de la droite traditionnelle du Partido Popular (PP). Une copie conforme de l’accord passé, en Italie, entre Fratelli d’Italia et Forza Italia, la formation du défunt milliardaire Silvio Berlusconi.

Résultat: une possible reconfiguration générale des cartes du camp conservateur aux élections européennes de juin 2024. Meloni et son parti sont ouvertement courtisés par le PPE, le parti conservateur européen dirigé par l’Allemand Manfred Weber. Les «frères d’Italie» pourraient donc, après le scrutin, quitter le groupe ECR qu’ils forment avec leurs alliés polonais du PIS, le parti au pouvoir à Varsovie.

Surmonter les tensions

L’atout maître de Giorgia Meloni est la faiblesse de l’Italie. Pour la présidente du Conseil, rien ne se fera en Europe si une stratégie sur la migration conforme aux intérêts de Rome n’est pas adoptée. Or l’accord récent sur la réforme du pacte de Dublin sur l’asile lui convient. Elle considère comme un «bon point de départ» l’appel lancé par la Commission européenne en vue d’obtenir plus de 12 milliards d’euros pour aider à financer le travail de l’UE en matière d’immigration.

Elle mise surtout sur la possibilité, en cas d’accord au sein des 27, de renvoyer les migrants dans des camps installés à l’extérieur des frontières de l’UE, par exemple en Tunisie. Pour Giorgia Meloni, l’objectif est de parvenir à surmonter les tensions de longue date entre les pays où les migrants arrivent en premier et leurs destinations secondaires. Or elle estime y être parvenue: «Il s’agit d’une approche unique qui a permis de résoudre les problèmes de chacun», a-t-elle déclaré, même si la Pologne et la Hongrie restent opposées au projet d’accord actuellement sur la table.

La carte de l’Ukraine

Sa deuxième carte maîtresse est l’Ukraine. Jamais Giorgia Meloni n’a flanché. Le flanc pro russe de son alliance électorale, incarné par la Lega de Matteo Salvini, est réduit au silence. L’Alliance entre l’Italie et les États-Unis est systématiquement mise en avant. Impossible de la coincer sur ce terrain géostratégique. A trois semaines du sommet de l’OTAN à Vilnius (Lituanie), l’Italie est au premier rang des soutiens à l’armée ukrainienne.

En marge du sommet européen de Bruxelles, où la dissidence du groupe Wagner est dans toutes les têtes, Rome affiche un impeccable bilan pro-Zelensky. Soutien au 11e paquet de sanctions contre la Russie adopté cette semaine par les 27, et bientôt un septième paquet d’armes italiennes (le deuxième à être approuvé par le gouvernement de Giorgia Meloni) en route pour Kiev: l’Italie «méloniste» occupe une place de premier plan dans la coalition en appui de l’actuelle contre-offensive.

Résultat: tous les dirigeants européens ont changé de ton. Emmanuel Macron, qui a reçu Giorgia Meloni le 20 juin à Paris, se garde bien maintenant de lui faire la leçon. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission soucieuse d’être reconduite, ménage cette alliée électorale. Le chancelier allemand Olaf Scholz ne la voit plus comme la dirigeante du «pays malade» de l’Europe. En huit mois, Giorgia Meloni a bel et bien dompté Bruxelles.


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