Au-delà de l'UE
Bruxelles veut traquer ceux qui aident Moscou à contourner les sanctions

La présidente de la Commission européenne est symboliquement à Kiev le 9 mai, pour la «Journée de l'Europe». Elle doit y présenter un nouveau projet de règlement destiné à traquer les entreprises qui aident Moscou à contourner les sanctions de l'UE.
Publié: 09.05.2023 à 14:59 heures
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Dernière mise à jour: 09.05.2023 à 15:25 heures
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Le 9 février 2023, le président Ukrainien Volodymyr Zelensky était à Bruxelles, invité par le Conseil européen qui représente les 27 États-membres de l'UE.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Déjà en campagne pour sa réélection à la présidence de la Commission européenne en 2024, Ursula von der Leyen n’est pas seulement venue à Kiev, ce 9 mai, pour y fêter la «journée de l’Europe». Chaque année, cette date est synonyme de festivités au sein de l’Union européenne, pour commémorer la déclaration du 9 mai 1950 du ministre des Affaires étrangères Robert Schuman, considérée comme le début du processus d’intégration communautaire.

La présidente de la Commission est aussi venue dire à Volodymyr Zelensky que son institution va traquer les entreprises qui contournent les sanctions et aident Moscou à continuer à commercer. Il pourrait s’agir, si la proposition est adoptée, des premiers pas de l’UE vers des sanctions «extraterritoriales» comme celles pratiquées par les États-Unis pour prohiber, au nom de l’utilisation du dollar, les transactions avec des pays tels que l’Iran ou la Corée du Nord.

Un onzième paquet de sanctions bien différent

La nouvelle proposition de la Commission, après dix paquets de sanctions adoptés depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février 2022, est à la fois audacieuse et très politique. Audacieuse, parce qu’elle pourrait permettre de poursuivre des entités commerciales et industrielles de pays qui aident la Russie à échapper aux mesures existantes, et de leur couper l’accès au marché européen en rétorsion. Politique, parce que le voyage d’Ursula von der Leyen à Kiev intervient le 9 mai, qui est aussi la commémoration de la victoire sur les nazis par la Russie, avec le traditionnel défilé militaire sur la place Rouge à Moscou.

Plutôt que de s’en prendre à d’autres produits ou d’autres oligarques, l’Union européenne envisage désormais de s’en prendre aux pays qui continuent de fournir au régime de Poutine des revenus et des pièces de haute technologie sanctionnées en provenance d’Europe pour sa guerre brutale et illégale contre l’Ukraine. Un règlement, d’application immédiate s’il est approuvé, sera proposé aux dirigeants des 27 lors du prochain sommet européen les 29 et 30 juin 2023.

Il s’agit, selon le quotidien bien informé de Bruxelles «Politico» d’une «proposition explosive qui portera l’application des règles de l’UE à un tout autre niveau et qui pourrait toucher des pays allant du Kazakhstan à la Turquie et à la Chine». Si toutefois l’unanimité des 27 demeure, ce qui a juste là été le cas puisqu’aucun pays membre ne s’est opposé aux sanctions, même la Hongrie, soucieuse de ménager la Russie.

L’une des raisons de cette proposition est qu’après avoir accumulé les sanctions contre la Russie pendant un an, les dirigeants européens sont confrontés, selon «Politico», à des résultats décevants. «Ceux qui sont prêts à faire du profit, quelles que soient les circonstances légales ou morales, sont ingénieux dans leurs tactiques et leurs méthodes», a déclaré au quotidien David O’Sullivan, le responsable de l’application des sanctions de l’UE, qui fut auparavant négociateur en chef de l’Union avec la Suisse. «Toute proposition visant à améliorer l’application des sanctions de l’UE est certainement la bienvenue» estime cet ancien secrétaire général de la Commission, aujourd’hui avocat.

Une proposition faite aux 27

Vendredi 5 mai, la Commission a partagé avec les représentants permanents des 27 pays de l’UE une proposition pour le 11e paquet, exposant un nouveau régime de sanctions à l’encontre des États qui contribuent à contourner les mesures. L’UE y propose de sanctionner certaines entreprises chinoises et iraniennes, selon deux fonctionnaires. Ce paquet crée un nouveau régime avec un fondement juridique permettant de sanctionner d’autres pays. Le régime comporte deux annexes, l’une énumérant les pays et l’autre les produits. La question va évidemment rebondir en Suisse, puisque la Confédération a jusque-là appliqué toutes les sanctions européennes.

Selon «Politique», la proposition n’est toutefois pas aussi sévère que les sanctions extraterritoriales américaines. Il s’agit avant tout, dit-on à Bruxelles, de renforcer la pression sur des pays comme le Kazakhstan et l’Arménie qui n’ont pas fait grand-chose pour réduire le flux de marchandises vers la Russie. La Chine n’a pas été jusque-là citée nommément. Idem pour la Turquie, pays membre de l’Otan et aujourd’hui partenaire commercial très important de la Russie. Il est vrai que des élections législatives turques décisives ont lieu ce dimanche 14 mai.

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