Le journaliste de l'AFP Arman Soldin a perdu la vie lors d'une attaque de roquettes russes dans l'Est de l'Ukraine. Dans la soirée, Emmanuel Macron lui a rendu hommage. «Journaliste de l'Agence France-Presse, l'un de nos compatriotes, Arman Soldin, a été tué en Ukraine. Avec courage, dès les premières heures du conflit il était au front pour établir les faits. Pour nous informer», a tweeté le président français.
Peu après, le ministère de la Défense ukrainien a présenté ses «sincères condoléances à sa famille et à ses collègues», ajoutant sur le même réseau social: «Il a consacré sa vie à rendre compte de la vérité au monde».
Arman Soldin faisait partie d'une équipe de cinq reporters de l'AFP qui accompagnaient des soldats ukrainiens sur le front le plus actif de la guerre, dans les environs de Tchassiv Iar, localité ukrainienne proche de Bakhmout et visée quotidiennement par les forces russes.
Un journaliste «courageux»
La salve de roquettes Grad qui l'a atteint a été tirée vers 16H30 (13H30 GMT). Il a été touché alors qu'il s'était couché au sol pour tenter de se protéger. Le reste de l'équipe s'en est sorti indemne.
«L'Agence dans son ensemble est effondrée», a déclaré Fabrice Fries, le PDG de l'AFP. «Sa mort est un terrible rappel des risques et dangers auxquels sont confrontés les journalistes au quotidien en couvrant le conflit en Ukraine».
Phil Chetwynd, directeur de l'information de l'AFP, a salué la mémoire d'un journaliste «courageux, créatif et tenace». «Le travail brillant d'Arman résumait tout ce qui nous rend fier du journalisme de l'AFP en Ukraine», a-t-il ajouté.
Journaliste reporter d'images expérimenté précédemment en poste à Londres, Arman Soldin était le coordinateur vidéo en Ukraine depuis septembre 2022 et se rendait régulièrement sur le front.
Il faisait partie également de l'équipe AFP qui avait couvert les tout premiers jours de l'invasion russe.
«Arman était enthousiaste, énergique, courageux. C'était un vrai reporter de terrain, toujours prêt à partir y compris dans les zones les plus difficiles», a dit la directrice Europe de l'AFP, Christine Buhagiar.
Evacué de Sarajevo à un an
A l'Assemblée nationale française, les députés de tous les groupes se sont levés mardi soir pour applaudir en hommage au journaliste.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), organisation basée aux Etats-Unis, a appelé sur Twitter «les autorités russes et ukrainiennes à enquêter avec rigueur sur les circonstances» de son décès.
«Le monde a une dette envers Arman» et envers «les dix autres reporters et employés de médias qui ont perdu la vie» en couvrant le conflit, a réagi mardi Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison Blanche. «Le journalisme est l'un des fondements d'une société libre», a-t-elle relevé.
De son côté, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken s'est dit «dévasté» par l'annonce de cette disparition. «Tant de journalistes travaillent pour exposer et rapporter la vérité dans des conditions extrêmement dangereuses», a-t-il souligné.
Recruté à Rome en 2015 en tant que stagiaire avant de rejoindre le bureau de Londres la même année, Arman, de nationalité française et bosnien d'origine, était né à Sarajevo. Il était l'un des premiers évacués en France en 1992 au début du siège de la ville. Il avait à peine un an.
«Les histoires de réfugiés me touchent», racontait-il en 2022 pour le blog Making Of de l'AFP, interrogé depuis Kiev alors qu'il s'éclairait à la bougie.
Il parlait couramment français, anglais et italien mais ses origines l'aidaient dans son travail en Ukraine: «Je baragouine un peu en bosniaque, c'est aussi une langue slave, on se comprend un peu (...) «Beaucoup de femmes s'appellent Oksana, ma mère aussi».
Au moins le onzième journaliste tué en Ukraine
Footballeur doué, il avait joué, jeune, au Stade Rennais dans l'ouest de la France mais avait abandonné ses espoirs d'accéder à une carrière professionnelle.
Quand la Russie a envahi l'Ukraine en février 2022, Arman s'est porté volontaire pour faire partie des premiers envoyés spéciaux de l'Agence.
«Un an presque jour pour jour depuis mon arrivée en Ukraine pour la première fois qui a changé ma vie», écrivait-il en février, se disant «très fier et ému du travail, des efforts et des larmes que nous y avons consacrés avec mes collègues». «Ce n'est pas fini», ajoutait-il.
Il est au moins le onzième reporter, fixer ou chauffeur de journalistes a avoir été tué en Ukraine depuis le début de l'invasion russe le 24 février 2022, selon un décompte des ONG spécialisées RSF et CPJ.
(AFP)