Les insultes sont violentes, les remarques affligeantes. «Grosse toque», «Encore une qui a été mal 'tirée'», «résidu de communiste», «folle»… Sur les réseaux sociaux et dans la section «commentaires» de certains journaux en ligne, la déferlante dure depuis plusieurs jours: des dizaines et des dizaines d’internautes tirent à boulet rouge sur la députée vaudoise Oriane Sarrasin.
Depuis le dépôt de son interpellation pour que les écoliers ne participent plus aux cortèges des fêtes de tirs, la socialiste est la cible d’attaques acerbes sur les réseaux sociaux. Qui pourraient, pour certaines, relever du pénal. «Cela a suscité des craintes dans mon entourage», souffle la politicienne, peinée.
D’une violence inédite
Ce n’est pas la première fois que l’élue de l’Ouest lausannois essuie une volée de bois vert sur les réseaux sociaux, nous confie-t-elle. Il y a quelques années, elle avait été la cible de haters après une intervention télévisée. Elle s’exprimait alors sur la ZAD, ce squat qui voulait empêcher l’extension de la carrière de ciment d’Holcim, à Eclepens (VD). Mais l’intensité de la shitstorm n’avait rien à voir avec celle vécue ces derniers jours.
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Revenons à l’actualité. Depuis le dépôt de l'interpellation de la socialiste, que certains prennent comme «une déclaration de guerre aux traditions», les assauts virtuels sont d’une violence inédite. Certains sujets auraient davantage tendance à provoquer le débat que d’autres, plus consensuels, avance-t-elle. «Mais rien ne justifie un déferlement de haine!»
La députée hausse les épaules. Et relativise. Les politiciens ont malheureusement toujours essuyé des remarques crasses. Par exemple, au bar du coin ou sous forme de lettres anonymes. Mais les choses auraient empiré depuis quelques années. «La possibilité de poster des commentaires incognito derrière son écran a permis à certaines personnes de 'se lâcher' plus facilement», regrette-t-elle.
Reflet du sexisme ambiant
Le problème se situerait en bonne partie en dessous de la ceinture. «Sur la toile, on est soit belle et violable, soit moche et pas baisable, s’insurge Oriane Sarrasin. Les femmes sont systématiquement attaquées sur leur physique ou leur vie sexuelle!» Internet, «miroir de la société», refléterait parfaitement le sexisme ambiant, analyse la députée.
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Celle-ci tient à recentrer le débat. «Des contacts issus tout droit des abbayes m’ont eux-mêmes confié être mal à l’aise de voir de si jeunes filles au bras d’hommes âgés. Mon interpellation n’est pas un truc de bobo des villes!» Elle soupire. «Je n’ai rien contre ces institutions! Je remets simplement en question le lien entre ces dernières, lorsqu’elles sont exclusivement masculines, et les écoles. Je soumets une proposition recevable. Et en réponse, on remet en cause mes capacités, on insulte mes parents!»
Oui, il y a une forme de bashing, dénonce-t-elle. Conséquence: on n’oserait plus aborder certains thèmes. A ses côtés, le député vaudois Romain Pilloud, président de la section cantonale du parti à la rose, hoche la tête. «On devrait d’ailleurs attendre de chaque formation politique qu’elle dénonce ces insultes», martèle-t-il. Pour lui, on peut être en désaccord avec le fond des positions. Mais on doit, dans ces cas désolants, faire front commun.
«Torrents de boue»
«Une méthode de gros cochons», «un danger pour la démocratie», «des déversoirs de haine»,… Quand on les interroge sur les odieux commentaires qui ont visé leur collègue, ce mardi matin, devant le Grand Conseil, des politiciens de tous bords s’insurgent. Qu’en pensent les directions des partis? «La pire des choses serait de bâcher!», fulmine au téléphone le député et président du Parti libéral-radical (PLR) vaudois Marc-Olivier Buffat.
L’avocat à la ville reconnaît que certains thèmes sont plus délicats à aborder. Par exemple? Ce qui touche à la relation aux animaux, au genre ou aux questions d’immigration. «Sur Internet, beaucoup ont perdu le sens des réalités, se désole-t-il. Mais si on perd la liberté d’expression, on se retrouvera presque à l’époque de Robespierre!»
Le président de l’Union démocratique du centre (UDC) vaudoise, Kevin Grangier, monte lui aussi au créneau. Il reconnaît l’existence d’un «problème de société qui s’est exporté en ligne»: «Les femmes sont probablement plus souvent sujettes à des critiques sur leur apparence que les hommes.» Il nuance: «Je relève toutefois que ces remarques sont tant le fait d’hommes que de femmes elles-mêmes.»
Les politiques essuieraient, toujours d’après le président du parti bourgeois, des torrents de boue «indépendamment de [leurs] couleurs partisanes». Ce qu’il condamne sans réserve. Alors, que faire? Oriane Sarrasin, qui hésite pour l’heure à aller en justice, a peut-être trouvé un début de solution: dénoncer publiquement ces insultes intolérables et faire changer la honte de camp.