«Nulle ton attaque sur le procureur. Tu n’es bonne qu’à sucer ou te faire enculer.» Jessica Jaccoud, présidente du Parti socialiste vaudois, vient de recevoir un courrier anonyme révoltant. Une lettre dactylographiée obscène et sexiste, expédiée à la suite de sa chronique sur le Procureur général Eric Cottier publiée par Blick. Et ce n'est pas la première fois que la députée au Grand conseil est prise pour cible. Courant 2019, la Rolloise avait reçu un courrier presque en tous points similaire.
Le contexte et quelques mots changent, mais le «style» et la mise en page sont identiques. Ce qui peut légitimement faire penser que la même personne se cache derrière ces quelques lignes rédigées à trois ans d’intervalle. «Mon plus grand fan est de retour», écrit ce lundi sur son profil Facebook Jessica Jaccoud, qui a décidé de rendre public ces missives «pour ne pas les banaliser».
«J’avais déposé une plainte après la première lettre et je vais le refaire», annonce-t-elle à Blick. L’élue assure accueillir avec beaucoup de bienveillance les courriers des personnes qui expriment leurs désaccords de façon correcte. «Par contre, j’applique la tolérance zéro avec les insultes et menaces que je dénonce systématiquement.»
Mais ces démarches sont restées vaines. «Après la première lettre, mon mari et moi avions dû 'déposer' nos empreintes à la police pour les différencier de celles potentiellement présentes sur la feuille de papier et sur son enveloppe, explique Jessica Jaccoud. Quelque temps plus tard, il m’a été communiqué que la procédure était suspendue parce qu’il n’y avait pas d’élément permettant d’identifier l’auteur.»
Plusieurs célèbres victimes
Ces conclusions provisoires ont aussi été annoncées à la conseillère d’État vaudoise Rebecca Ruiz, qui avait déposé une plainte en 2019 après avoir reçu une lettre du même acabit. «Je ne sais pas où en est actuellement la procédure», glisse-t-elle ce mercredi à Blick.
La liste des personnalités romandes ciblée ne s’arrête pas aux deux socialistes vaudoises. Alexis Favre, producteur et présentateur de l’émission de la RTS Infrarouge, a — selon toute vraisemblance — lui aussi eu affaire au même corbeau.
Le journaliste avait publié sur Facebook une bafouille ordurière qui lui était adressée, en juin 2019. «Au total, je pense en avoir reçu deux ou trois de lui, souffle-t-il au téléphone. Mais nous n’avons jamais porté plainte, estimant qu’il n’y avait pas de menaces concrètes. Aujourd’hui, nous réagirions peut-être différemment.»
L’ADN de l’auteur identifié?
Récapitulons. Depuis plusieurs années maintenant, l’auteur de ces missives poursuit tranquillement ses activités répréhensibles sans que personne n’arrive à lui mettre la main dessus. Pour l’instant, du moins. Car l’étau se resserre: Blick a appris que le Ministère public de la Confédération (MPC) s’intéresse de très près au dossier. Toujours selon nos informations, une concordance est apparue entre l’ADN retrouvé sur une série de courriers anonymes et injurieux — tiens donc — et celui relevé sur la première lettre anonyme adressée à Jessica Jaccoud.
Pourquoi est-ce le MPC, normalement occupé par de plus vastes affaires, qui instruit cette procédure? Depuis quand? Pour quel résultat? Un élément de réponse pourrait se trouver dans la liste d’infractions pénales soumises à la juridiction fédérale, dont font partie celles commises contre les magistrats de la Confédération, contre les membres de l’Assemblée fédérale, contre le procureur général de la Confédération ou contre les procureurs généraux suppléants de la Confédération. Le corbeau s’en est-il pris à un gros bonnet de la Berne fédérale?
«L’instruction est en cours»
Face à nos questions, l’organe d’investigation et accusateur est peu loquace. «Je suis en mesure de vous confirmer que, depuis mai 2021, le Ministère public de la Confédération a été saisi de différentes procédures pénales cantonales et par des dénonciations au niveau fédéral relatives à des courriers anonymes de menaces et d’injure envoyés à des personnalités publiques», répond dans un courriel son porte-parole Anthony Brovarone.
Il enchaîne: «La présente affaire étant soumise aussi bien à la juridiction fédérale qu’à la juridiction cantonale, il a été convenu, de concert avec les partenaires cantonaux, d’en confier l’instruction et le jugement aux autorités fédérales, pour en assurer l’uniformité».
Quelles personnalités publiques sont-elles concernées? Combien? Sont-elles toutes romandes? Quid des traces ADN? «L’instruction étant en cours, aucune autre information ne sera donnée», coupe court Anthony Brovarone. Maintenant que le corbeau se sait dans le viseur des autorités, va-t-il continuer de croasser à tout va? La prochaine tournée du facteur nous le dira.