«Salut, le nabot! Au bon moment ta fête viendra»
L'ex-commandant de la Patrouille des Glaciers menacé par son adjoint

Deux anciens dirigeants de la Patrouille des Glaciers se sont écharpés devant la justice mercredi, comme le rapporte «24 heures». L'accusé aurait harcelé le plaignant par messages entre 2020 et 2021, quand une crise avait ébranlé la mythique course de ski-alpinisme.
Publié: 08.09.2023 à 18:03 heures
La Patrouille des Glaciers a été ébranlée par une crise interne en 2020-2021. Les no 1 et 2 d'alors ont été entendus par la justice pour un différend qui les oppose.
Photo: keystone-sda.ch
Thibaud Mabut

Nouvel épisode dans la saga de la Patrouille des Glaciers (PDG): deux ex-chefs de la course de ski-alpinisme ont été entendus par la justice vaudoise mercredi, comme le rapporte «24 heures». L'un d'eux est accusé de diffamation, calomnie, injure et menaces. Les faits remontent à la période 2020-2021, quand la PdG avait frôlé l'annulation.

Qui sont les principaux protagonistes?

L'accusé

Ce lieutenant-colonel, né en 1964 et actuel municipal d’une commune vaudoise, a requis l’anonymat. A l'époque des faits, il est adjoint du commandant de la PDG et fait aussi partie (en tant que membre du comité et ancien président) de l’Association de soutien, de gestion et de promotion de la course (ASPdG). Cette double casquette lui est reprochée lorsqu'une crise interne éclate au sein de l'ASPdG. 

L’armée annonce rompre sa collaboration avec l’association à cause de dysfonctionnements en novembre 2020. L'ASPdG du lieutenant-colonel est condamnée. Aujourd’hui en cours de liquidation, elle a été remplacée par la Fondation Patrouille des Glaciers, chapeautée désormais par l’État du Valais. Le lieutenant-colonel est également licencié par la Confédération. Son recours en justice pour renvoi abusif est toujours en cours. C'est Jean-Luc Addor, avocat et conseiller national UDC, qui le défend.

Le plaignant

Daniel Jolliet est colonel d’état-major général (EMG). Il devient commandant de la PDG en 2018. Une fois que la controverse autour de l'ASPdG éclate, c'est lui qui, sans prévenir, interdit à son adjoint d'alors (l'accusé aujourd'hui) l’accès à ses bureaux de l’administration militaire à Saint-Maurice et le renvoie à son activité d’instructeur militaire. Daniel Jolliet a mandaté les services de l'avocat Luc Esseiva.

Le lanceur d'alerte

Jean-Marie Cleusix est l'ancien chef du Service de l’enseignement valaisan est membre l’ASPdG à l'époque des faits. C'est lui qui est à l'origine de la controverse autour de l'association. Il devient lanceur d'alerte en suggérant d’éventuels dysfonctionnements internes dont des salaires mirobolants de certains membres. L’affaire, qui n’a pour l’instant rien révélé d’illégal, est toujours ouverte. Jean-Marie Cleusix est défendu par Me Christophe Sivilotti.

Le cœur du procès

Qu'est-ce qui est reproché à l'accusé? En bref, le lieutenant-colonel s'en prend à ceux qu'il estime responsables de sa chute: le commandant de la PDG Daniel Jolliet et le lanceur d'alerte Jean-Marie Cleusix. Au premier, il envoie des messages dénigrants et insultants, dont ce SMS anonyme mentionné par «24 heures»: «Salut, le nabot! 162 cm… Au bon moment ta fête viendra.» En mars 2021, il publie un commentaire sous un article du «20 minutes» dans lequel il appelle au licenciement de Daniel Jolliet et l'accuse de «semer la zizanie».

L'accusé attaque également Jean-Marie Cleusix, en dénonçant son non-respect de règles Covid. Dans un mail envoyé aux collègues enseignants du lanceur d'alerte, il écrit: «Jean-Marie Cleusix a passé une partie de ses vacances estivales (avant la reprise scolaire 2020) dans une zone rouge de la pandémie Covid-19 (Macédoine) et ne l’a pas déclaré à son retour en Suisse afin d’échapper à la quarantaine obligatoire?»

Fusible politique ou «délinquant de rue»?

L'accusé a admis avoir envoyé tous ces messages, mais nie tout machiavélisme: «Rien n’était calculé. C’est venu comme cela», a-t-il avoué devant le juge yverdonnois en charge du dossier. Jean-Luc Addor a défendu son client en arguant que ses actes – pas «bien», mais «admis» – ne méritaient «pas une condamnation pénale». Selon l'avocat, le lieutenant-colonel, qui a tout perdu, est un fusible dans une affaire politique, pour sauver la face de l’armée.

En face, les avocats de l'ex-commandant de la PDG et du lanceur d'alerte ont donné une autre lecture du comportement de l'accusé, digne d'un «petit délinquant de rue». Ses actes sont graves, car ils ont bafoué l'honneur de leur client respectif. Selon Me Esseiva, les messages de l'ex-président de l'ASPdG constituent de réelles menaces. Daniel Jolliet en a perdu le sommeil à l'époque et en souffre aujourd'hui encore.

Le Ministère public demande une peine pécuniaire de 7800 frans (60 jours-amende à 130 francs), assortie d’un sursis de deux ans et le paiement d’une amende de 1500 frans. Le tribunal devrait donner son verdict prochainement.

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