Scandale financier à la Patrouille des Glaciers
L'armée avait anticipé les problèmes

Il y a quatre ans, un rapport de l'armée avait prévu que la collaboration avec l'association de soutien de la Patrouille des Glaciers poserait des problèmes. Pourtant, rien n'a été fait pour éviter les abus.
Publié: 12.07.2021 à 05:50 heures
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Dernière mise à jour: 12.07.2021 à 11:12 heures
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Ces derniers mois, la Patrouille des Glaciers, la course légendaire de ski de randonnée en Valais, a fait la une des journaux.
Photo: Keystone
Camilla Alabor, Louise Maksimovic (adaptation)

Ce ne sont pas de brillantes performances sportives qui ont fait parler de la Patrouille des Glaciers il y a quelques mois, mais bien un scandale financier. Au sein de l’armée, personne n’a vraiment été surpris lorsque les accusations ont fusé et que le scandale a éclaté.

Pour rappel, le conseil d’administration de l’Association de soutien, de gestion et de promotion de la Patrouille des Glaciers (ASPdG) s’était généreusement servi dans les caisses de l’association. Si aucune infraction pénale n’avait été relevée, les rémunérations de membres du comité directeur de l’association, du représentant de l’Etat du Valais et des membres de sa famille s’élevaient à plus de 900’000 francs en deux ans. Une somme moralement discutable, surtout dans le milieu associatif.

Ces faits n’ont pas surpris l’armée. Cette dernière, co-organisatrice de l’événement, avait déjà pointé du doigt dans un audit de 2017 les problèmes que cette collaboration avec l’ASPdG pouvait soulever, et les dommages qu’elle pouvait causer à l’image de la Confédération: «Le fait est qu’une association privée gagne de l’argent avec une mission de l’armée», établit le rapport. Les membres de l’association sont en plus actifs pour l’armée. «Cela soulève des questions d’indépendance et de conflits d’intérêts». Le rapport estimait déjà qu’il était nécessaire d’agir, en envoyant par exemple un représentant indépendant auprès de l’association pour pouvoir garder un œil sur les finances.

Les requêtes du DDPS ont été ignorées

L’armée était donc consciente qu’un risque existait et que des membres de l’association pouvaient s’enrichir avec l’argent public. Malgré cela elle n’a rien fait à part réviser légèrement l’accord avec l’association, tout en étant incapable d’imposer des ajustements au conseil d’administration de l’ASPdG. Grâce au principe de transparence, le SonntagsBlick a pu se procurer des procès-verbaux de réunions qui attestent de ces faits. En retour, les cinq membres du conseil ont tenté de mettre en difficulté le commandant Daniel Jolliet, chef de la Patrouille, qui a posé des questions critiques de la part de l’armée.

Le commandant avait insisté pour que le conseil s’en tienne à son accord avec l’armée, à savoir lui transmettre une liste de tous les sponsors qui soutenaient la course, ainsi que le total des montants de l’argent reçu pour le sponsoring.

Or ces documents n’ont jamais été remis au Département de la Défense (DDPS). Les cinq membres ont remis à plus tard leurs obligations face au DDPS (acceptant ainsi un état de fait illégal).

Pas de solidarité du côté de l'armée

Au-delà d’un certain montant, l’association est en théorie obligée de transférer une partie de ses bénéfices à l’armée.

On ne sait pas encore comment l’association s’en est sortie et si l’armée a fini par recevoir les documents demandés initialement. Blick n’a pas encore pu obtenir des réponses de la part du DDPS à cause de la période actuelle de vacances.

De son côté l’ASPdG s’en prend au commandant de l’armée. C’est ce que montrent les notes du conseil d’administration de la réunion du 30 novembre 2020.

Selon le compte-rendu, le conseil de l’administration de l’association accuse le commandant Daniel Jolliet de mensonge. Il manquerait selon eux de loyauté et d’intégrité, et se serait immiscé de manière indue dans le travail de l’association. On ne sait pas encore si et comment les représentants de l’armée vont réagir à ces accusations: le DDPS n’a pas émis de procès-verbal pour la réunion en question.

Les représentants de l’armée ne répondent pas aux accusations

Lors d’une réunion ultérieure, le 12 février, les membres de l’ASPdG sont revenus à la charge au sujet des agissements du commandant. Un membre du conseil s’est plaint que le commandant avait pris contact directement avec les sponsors et les fournisseurs de la patrouille. Les membres présents auraient même parlé d’un «coup de poignard dans le dos» de la part du commandant contre l’association.

Daniel Jolliet ne reçoit pratiquement aucun soutien de ses collègues, comme le montrent les procès-verbaux. Au lieu de contredire le conseil d’administration de l’association, les représentants de l’armée n’ont même pas répondu aux accusations, dont certaines semblaient infondées.

Le plan de sauvetage prévu sera-t-il efficace?

Le plan de sauvetage de la ministre de la Défense Viola Amherd ressemble davantage à un coup d’épée dans l’eau: à la mi-juin, elle a annoncé que l’armée mettrait fin à la coopération avec l’association de soutien. À partir de 2024, une fondation devrait reprendre ses missions. D’ici là, une solution provisoire entrera en vigueur, dans laquelle Fabrice Favero, ex-président de l’ASPdG, jouera un rôle de premier plan (alors qu’il avait lui-même touché plus de 370’000 francs).

Fabrice Favero fera partie du comité directeur, afin d’assurer la «meilleure transition possible» pour l’organisation de la Patrouille 2022, comme l’indique le canton du Valais.

L’ex-directeur n’aura pas à craindre les questions critiques de l’armée. Son homologue, le commandant Daniel Jolliet, n’est plus responsable de la Patrouille: il y a une semaine, il a demandé un transfert au gouvernement fédéral.

Le DDPS indique que cette volonté serait due à des «raisons personnelles» et n'a pas donné plus de détails.

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