C’était une véritable errance à travers le canton de Berne. Toute la journée, Leon Elmazov était en voiture avec les Ukrainiennes Vesta Brandt et Olga Plastun à travers le territoire bernois: Bienne, Wabern, Ostermundigen… Initialement, l’objectif était pourtant simple: trouver une autorité qui verserait aux fugitifs l’argent dont ils ont besoin pour vivre en Suisse.
Au lieu de cela, les fonctionnaires ont envoyé les Ukrainiennes et leur soutien suisse d’un bureau à l’autre. Ils ont d’abord dû aller chercher à Wabern le passeport ukrainien que les autorités avaient confisqué des semaines auparavant; ensuite, personne ne semblait vouloir savoir où les réfugiés pouvaient retirer de l’argent.
Finalement, en fin d’après-midi, Andreas Gosch, le beau-père de Leon Elmazov, est intervenu. Contacté par téléphone, Andreas Gosch a demandé aux fonctionnaires d’Ostermundigen d’indiquer une adresse qui serait responsable du versement de l’argent. «Ils ont finalement donné l’adresse de la Croix-Rouge à Bienne», raconte le beau-père. La troupe est alors retournée à son point de départ.
Le lendemain, lorsqu’elles se sont présentées à la Croix-Rouge, les femmes ont reçu 150 francs par personne… pour deux semaines. Dix francs par jour pour les repas, le shampooing, les médicaments et les vêtements. «C’est indigne, s’énerve Andreas Gosch. Personne ne peut vivre avec ça.»
Problème de responsabilité
Le canton de Berne a pris position et a cité un montant de 140 à 160 francs versés aux réfugiés par semaine. Dans le cas cité, il semble donc qu’il y ait un «besoin de clarification». En ce qui concerne l’errance à travers le canton, le canton affirme que les réfugiés avec un statut S sont toujours informés du service en mesure de s’occuper d’eux. En outre, la commune les aide également en cas de questions.
Dans la pratique, tout ne semble pas fonctionner de manière aussi fluide. Pour Andreas Gosch, qui a participé à l’organisation de la fuite de femmes d’Ukraine, cette errance à travers le canton est emblématique des problèmes que provoque le conflit: «Personne ne veut prendre ses responsabilités. Au lieu de cela, les réfugiés passent d’un office à l’autre, comme si chaque bureau se refilait la patate chaude.»
Il y a également un manque d’informations. Andreas Gosch cite par exemple la lettre du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) qui confirme l’octroi du statut de protection S. La lettre officielle est rédigée en allemand sans aucune traduction en ukrainien. L’adresse de l’autorité bernoise à laquelle les destinataires doivent s’adresser ensuite n’y figure pas non plus.
Andreas Gosch paie en quelque sorte le prix de son altruisme, avec sa volonté d’aider rapidement et simplement. Lorsque la guerre a éclaté, il a immédiatement rassemblé des amis pour faire venir les Ukrainiennes – des connaissances de sa fille – en Suisse et leur a fourni un logement à Bienne, ainsi qu’à leur famille. Beaucoup d’autres ont agi de la même manière, en hébergeant des réfugiés chez eux à titre privé, au lieu d’attendre les autorités. Aujourd’hui, Andreas Gosch est découragé: «Nous nous sentons abandonnés.»
Les temps d’attente ne sont pas le problème
Le système mis en place par les autorités n’est pas adapté aux familles d’accueil qui avaient pris la décision d’aider les réfugiés de leur propre chef. Ce sont plutôt les particuliers qui doivent s’enregistrer auprès du service d’aide aux réfugiés. Sur cette base, la Confédération leur attribue l’accueil de réfugiés après un examen approfondi. De cette manière, la Confédération veut également garantir l’encadrement des réfugiés, la scolarisation des enfants ou l’accès à un traitement médical. Seulement, cela n’apporte pas grand-chose aux familles d’accueil qui ont commencé à héberger des Ukrainiens aux premiers jours de la guerre.
Ces familles se sentent impuissantes et peinent à trouver des informations officielles: les lignes téléphoniques comme la hotline du SEM sont occupées en permanence. Les familles sont irritées par les délais d’attente, la Confédération avait pourtant parlé d’aider «rapidement et sans complications».
De leur côté, les autorités sont confrontées à des milliers de demandes et de requêtes qui prennent du temps à être traitées. À cela s’ajoute le fait que certaines familles d’accueil font preuve d’exigences qui ne sont pas toujours faciles à gérer, comme le laissent entendre les représentants des cantons.
Pour les réfugiés et leurs hôtes, ce n’est pas tant le temps d’attente lui-même qui est source de mécontentement que le manque d’informations: Combien de temps faut-il attendre pour obtenir le statut S? Où peut-on obtenir un soutien financier? L’accès à ces informations dépend en réalité du canton: dans certains elles sont facilement accessibles, dans d’autres, pas du tout.
Des solutions sont en cours d’élaboration
Quatre experts en informatique ont décidé de créer le site helloukraine.ch pour rassembler en quatre langues (allemand, anglais, ukrainien et russe) toutes les informations essentielles disponibles pour les nouveaux arrivants en Suisse. Comme l’explique l’un des cofondateurs, Stefan Frei, le portail doit servir de premier «guide».
Entre-temps, les cantons ont également réagi en actualisant les informations accessibles au public et en mettant en place une hotline téléphonique à laquelle on peut s’adresser en cas de questions.
Le défi devrait maintenant consister à ce que les appelants trouvent effectivement un interlocuteur – et n’atterrissent pas à nouveau dans une interminable file d’attente.
(Adaptation par Lliana Doudot)