D'une guerre de Crimée à une autre
Descendante de Tolstoï, elle accueille des réfugiés ukrainiens en Suisse

Sous le regard perçant de Léon Tolstoï, l'arrière-petite-fille du vénéré écrivain russe écoute intensément les horreurs qu'a vécues Anastasia Sheludko avant de fuir l'Ukraine pour la Suisse.
Publié: 06.04.2022 à 13:40 heures
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Un portrait de Léon Tolstoï accroché dans un appartement de son arrière-petite-fille, Marta Albertini, le 31 mars 2022 à Lens, en Suisse
Photo: FABRICE COFFRINI

L'invasion de l'Ukraine par le pays natal de son illustre ancêtre a été un choc immense, confie Marta Albertini à l'AFP, poussant la dame de 84 ans à vouloir faire quelque chose. «C'était instinctif», confie celle qui prête un appartement à Anastasia Sheludko et sa mère, dans le petit village alpin de Lens, non loin de la station très huppée de Crans-Montana. Mme Albertini a ôté les photos de famille qui tapissaient les murs du chalet mais a laissé en place un grand portrait de l'auteur de «Guerre et Paix» et «Anna Karénine».

Il se serait dit: «Quelle horreur, à quoi sommes-nous arrivés?» assure Marta Albertini. Tolstoï, qui a connu la terrible guerre de Crimée et le siège de Sébastopol au début des années 1850, était un pacifiste, rappelle-t-elle.

«Contre l'horreur»

Mme Albertini, qui a publié l'année dernière un ouvrage sur les femmes de l'illustre famille, partage son indignation avec beaucoup de membres de sa vaste famille et ils l'ont fait savoir par courrier à Vladimir Poutine.

Pourquoi? «Parce que nous sommes contre les horreurs qui ont été perpétrées maintenant, on a envahi un pays innocent désireux seulement de garder ses frontières», explique-t-elle même si elle imagine que le président russe «a dû regarder (ses lettres) et les jeter a la poubelle». Pour autant il fallait faire entendre sa voix parce que l'Europe ne sera plus jamais comme avant, estime-t-elle. Assise à ses côtés, la jeune Anastasia, dont le monde s'est effondré il y a quelques semaines.

«C'est surréaliste», lâche-t-elle, «parfois j'ai l'impression de rêver». La jeune femme de 24 ans est arrivé avec sa mère le 13 mars dans les montagnes suisses, plus d'une semaine après avoir fui la ville de Mikolaïv, dans le sud de l'Ukraine, soumise à d'intenses bombardements par les forces russes. Elles font partie des quelque 23.000 Ukrainiens qui ont été accueillis en Suisse, sur les plus de 4,2 millions qui ont fui le pays depuis l'invasion russe le 24 février.

Tout a changé

Et Marta Albertini était là quand les deux femmes sont arrivées, en compagnie d'une autre famille qui a depuis poursuivi son chemin. Une première rencontre pleine d'émotions. Anastasia Sheludko a commencé à rebâtir sa vie. La jeune femme, sweat gris et lunettes qui lui mangent le visage, va à l'université de Sierre, non loin de Lens. Elle a abandonné des études de traductrice et «me voilà à nouveau une aspirante spécialiste de l'informatique», dit-elle dans un rire. Mais il s'éteint vite quand elle se rappelle sa vie d'avant, «paisible et normale».

Et puis «un matin tu te réveilles et ton aéroport a été bombardé à 05H00 du matin et ta vie ne sera plus jamais la même», se souvient-elle. Elle se souvient aussi des 10 jours passés dans une cave avant de prendre la route vers l'ouest. Et de son grand frère et de ses grands-parents laissés derrière elle. L'arrivée en Suisse a été un soulagement et «l'accueil très gentil, très chaleureux». «J'ai eu la chance d'avoir cet appartement qui m'a permis de le faire (...) C'est tout», dit simplement la descendante de l'éminent écrivain.

(AFP)

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