Accueil des réfugiés en Suisse
Famille ukrainienne, famille d'Erythrée: le deux poids-deux mesures

Nos collègues alémaniques de Blick TV ont rencontré deux familles de réfugiés résidant en Suisse. L'une est arrivée le mois dernier, l'autre il y a sept ans. Bien que les deux aient fui des conflits armés, leur accueil et leur traitement ont été bien différents...
Publié: 06.04.2022 à 06:13 heures
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Dernière mise à jour: 07.04.2022 à 10:54 heures
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À gauche, une famille de réfugiés érythréens. À droite, une famille de réfugiées ukrainiennes.
Photo: Siggi Bucher
Sermîn Faki

Olga Natalukha est arrivée en Suisse il y a une semaine avec ses filles: Sonya, âgée de 18 ans, et Christina, 16 ans. Elles ont fui Soumy, une cité proche de la frontière russe, au nord-ouest de la ville ukrainienne de Kharkiv. Pendant des jours, des bombes et des roquettes se sont abattues sur Soumy. Les trois femmes vivaient dans une cave avec des voisins, espérant chaque jour l’ouverture d’un corridor humanitaire. En vain. Olga Natalukha et ses filles ont alors pris le risque de s’enfuir.

Après un voyage long, dangereux et éprouvant, elles vivent désormais chez Franziska et Bruce Campell, à Riggisberg (BE). «Nous leur sommes infiniment reconnaissantes», assure la mère de famille. Elle a déposé les documents nécessaires pour se procurer le statut de protection S. Dès qu’elle l’aura obtenu, elle pourra chercher un travail et ses filles pourront aller à l’école: «Nous attendons cela et sommes très reconnaissantes d’avoir de telles possibilités.»

Un manque de solidarité «de la part de la Suisse»

Bereket Andom, sa femme Aster Tekle et leurs deux enfants de 6 et 3 ans, Rodas et Rai, ont également été recueillis par une famille d’accueil. Ils rêvent de pouvoir travailler et aller à l’école. Et cela, bien qu’ils vivent en Suisse depuis plus de... sept ans! «Nous sommes reconnaissants de la solidarité de notre famille d’accueil, affirme Bereket Andom. Nous ne la ressentons pas de la part de la Suisse.»

La famille est originaire de la ville érythréenne de Keren. En 2015, le couple a fui son pays vers la Libye, en passant par le Soudan. Pour Bereket Andom, c’était le seul moyen d’échapper au service militaire, qui peut durer des années, voire des décennies, et qui équivaut à une mise en servitude par l’État. En Libye, ils ont embarqué avec 900 autres migrants sur un bateau en direction de l’Italie, d’où ils ont pris le train pour la Suisse.

Mais il n’y a pas d’asile pour eux ici (comme pour la plupart des Érythréens). Si l’on en croit la Confédération, ils devraient retourner en Érythrée. «Mais ce n’est pas si simple, explique le pasteur de Riggisberg, Daniel Winkler, qui s’occupe de la famille. Même si nos autorités le répètent en boucle.» Selon lui, le régime érythréen est très répressif. Bereket Andom risque la prison en tant que déserteur. Dans le meilleur des cas, il serait simplement réengagé dans l’armée et sa famille serait livrée à elle-même. «Nous ne pouvons tout simplement pas rentrer», déplore-t-il. Depuis un an, la famille vit grâce à l’aide d’urgence.

Les Ukrainiennes accueillies les bras ouverts

L’expérience d’Olga Natalukha a été très différente. Les gardes-frontières se sont montrés très aimables avec elle et sa famille: «Ils nous ont demandé si nous venions d’Ukraine, ont regardé nos passeports et nous ont distribué des dépliants avec des informations pour obtenir l’aide.» Pour l’instant, la mère de famille se trouve à son aise en Suisse. Son pays natal lui manque bien sûr, tout comme à ses deux filles: «Nous n’avons pas quitté l’Ukraine de notre plein gré, les bombes et les missiles nous ont poussées à partir.»

Une fois la guerre terminée, elles aimeraient rentrer chez elles. En attendant, Olga Natalukha veut se rendre utile en Suisse: «J’aimerais aider d’autres réfugiés, éventuellement en tant que bénévole. Quand on a soi-même traversé un parcours aussi difficile, on est prêt à aider les autres.»

«On a l’impression d’être en prison»

Bereket Andom et Aster Tekle aimeraient eux aussi travailler, ne serait-ce que dans le cadre d’un stage. «Nous voulons être autonomes et nous rendre utiles», martèle le père de famille. Mais sans papiers, c’est impossible. «Pas de papiers, pas d’école, pas de travail», se désole Aster Tekle. Son mari a peur d’un contrôle de police à chaque fois qu’il va à la Migros.

Daniel Winkler compare leur situation à celle d’une voiture sans plaques d’immatriculation. Bereket Andom ajoute: «On a l’impression d’être en prison.» Bien que leurs deux enfants soient nés en Suisse, l’avenir de la famille Andom-Tekle ne semble pas prometteur. Le régime d’aide d’urgence est conçu pour inciter les gens à quitter le pays, pour les «effrayer et les affamer», dénonce le pasteur.

Olga Natalukha et ses filles sont attristées par la situation de la famille érythréenne. Elles souhaitent qu’elle puisse se construire un avenir ici, en Suisse.

(Adaptation par Louise Maksimovic)


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