Pierre-Yves Maillard, le patron de l'Union syndicale suisse (USS), sonne le ralliement. La nouvelle hausse des primes d'assurance maladie annoncée ce mardi — 8,7% en moyenne — doit être un signal pour se mobiliser en vue des élections fédérales, estime le conseiller national socialiste vaudois.
Celui qui est par ailleurs candidat au conseil des États tire à boulet rouge sur la majorité de droite, qui s'accommoderait très bien de la situation. Toujours selon l'ancien conseiller d'État, l'initiative de son parti d’allégement des primes est plus que jamais nécessaire. Interview.
Pierre-Yves Maillard, alors, ça y est, avec cette nouvelle hausse, c’est la fin de notre système de santé?
Écoutez… J’ai l’impression que les partis bourgeois majoritaires font le pari qu’il y aura de l’émotion pendant l’automne et, qu’après les Fêtes de Noël, tout le monde sera passé à autre chose. Les personnes qui trouvent à juste titre que le système est à bout sont celles qui paient bien plus que ce qui est supportable. On ne trouve pas beaucoup d’entre elles sous la Coupole, à Berne.
La Fédération romande des consommateurs (FRC) demande un moratoire sur les primes. C’est une solution réaliste et souhaitable?
C’est plus que souhaitable. Cela nous forcerait de reformer fondamentalement le système dans un délai d'un an. C’est possible, mais cela forcerait le parlement à agir. Il n’y aura malheureusement pas de majorité pour le faire.
Concernant la proposition du Parti socialiste de faire payer des primes en fonction du revenu, le PLR Philippe Nantermod s’étrangle en disant que cela ferait de nos impôts les plus élevés de l’OCDE. C’est impensable, non?
Et il ne s’étrangle pas quand des gens de la classe moyenne paient 20% de leur revenu pour leur prime d’assurance maladie? C’est déjà largement supérieur à ce qui se pratique ailleurs. Les partis qui s’opposent à ce qu’on prenne 7% d’impôt fédéral direct aux plus riches du pays ne voient parallèlement aucun problème à ce qu’on ponctionne 20% de primes à un couple de retraités. C’est le paradoxe: ils sont contre tous les impôts, sauf ceux qui concernent la classe moyenne.
Cela fait depuis le début de cette année qu’on s’attend à une hausse des primes. On parle ce mardi de 8,7% en moyenne, presque 10% dans le canton de Vaud: vous vous attendiez à un tel choc?
Peu de parlementaires le font, mais il faut regarder les chiffres. En 2022, il y a eu un déficit de 5% pour l’assurance de base, soit environ 1,7 milliard de francs. Avec la hausse de 2023, nous avons globalement épongé le déficit de 2022. Il reste désormais à financer 2023 et 2024. Nous sommes donc un peu plus hauts que les 6-8% nécessaires à cette fin. Peut-être pour renflouer les caisses après une mauvaise année boursière ou pour gagner une année de paix dans le but d’éviter une nouvelle hausse massive l’année prochaine.
Pour vous, quel bilan tirer de cette situation?
Cette fois, les choses sont très claires! Les partis majoritaires qui disaient vouloir agir sur les coûts de la santé n’ont fait aucune proposition digne de ce nom en ce sens. Les propositions faites par le Conseil fédéral et la gauche ont, au contraire, toutes été balayées. Ces partis n’ont ni agi sur les primes, ni sur les coûts. Ce qui veut dire que pour eux, la situation leur convient assez bien. Il ne faut se faire aucune illusion: si la population ne saisit pas l’occasion des urnes qui approche, rien ne changera.
Vous parlez des élections fédérales?
Et de notre initiative d’allégement des primes, dans laquelle nous veillons à ce qu’aucun ménage ne doive consacrer plus de 10% de son revenu disponible aux primes d’assurance maladie. C’est une occasion qu’il faudra saisir l’an prochain, car elle ne se représentera pas avant longtemps.
Visiblement, cette nouvelle hausse n’est pas une si mauvaise nouvelle pour vous non plus! Elle vous sert d’argument dans votre campagne.
Pour moi, c’est une très mauvaise nouvelle, point final. Mais ce n’est pas une surprise. Depuis longtemps, c’est le concert de larmes de crocodiles en automne. La vérité, c’est que tous les milieux qui orientent les partis majoritaires ne sont pas intéressés par le fait de diminuer les coûts: ni la FMH, ni les cliniques privés, ni la pharma. Je le répète: quand il y a une initiative qui se présente et qui va dans le bon sens, il faut la saisir. C’est la seule chance de la population.