Le Parlement risque de perdre patience. Depuis que le Conseil fédéral a interrompu les négociations sur l’accord-cadre avec l’Union européenne (UE) en mai 2021, tout le monde attend un plan B. Le rapport sur l’Europe annoncé depuis longtemps par le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis n’est toujours pas disponible.
Les commissions de politique extérieure du Conseil national et du Conseil des États n’ont pas seulement envie d’enfin consulter ce document promis. Elles ont aussi envie d’avoir leur mort à dire. De plus en plus de parlementaires remettent en question la traditionnelle prétention du Conseil fédéral à diriger la politique étrangère. La pression sur le gouvernement augmente.
Une initiative pour «sortir de l’impasse»
Participant à cette pression, le mouvement Operation Libero, avec en tête de file sa coprésidente Sanija Ameti, et les Verts, ont présenté mardi leur initiative européenne.
Intitulée «Oui à l’Europe!», elle demande une coopération active avec l’UE. Sa pièce maîtresse est le mandat contraignant donné au Conseil fédéral d’entamer immédiatement des négociations avec l’UE afin de clarifier les questions institutionnelles. Le Conseil fédéral doit négocier sans délai des accords permettant une solution institutionnelle et les soumettre au Parlement.
En interrompant unilatéralement les négociations sur l’accord-cadre, la Suisse a affaibli sa capacité d’action, a constaté la vice-présidente des Verts Sibel Arslan. L’alliance se présente pour nettoyer les dégâts causés par le Conseil fédéral.
Par peur de se déchirer en interne et de perdre le pouvoir, le Conseil fédéral et les partis gouvernementaux ne veulent pas trouver de solution en matière de politique européenne, juge l’écologiste. L’initiative populaire est donc une forme d’opposition constructive et une possibilité d’inscrire dans le cahier des charges du Conseil fédéral ce qu’il ne prend pas en main lui-même.
Un manque cruel de soutien
L’initiative devait être soutenue par une large alliance. Sur ce point, on peut déjà parler d’un échec: les associations économiques avaient déjà refusé très tôt d’afficher leur soutien à l’initiative. Le PS et les Vert’libéraux ne sont pas non plus de la partie. Même le Mouvement européen suisse (MES) s’est désisté, sans parler des partis bourgeois.
Il reste une mini-alliance avec l’Union des étudiants de Suisse, l’association Suisseculture ainsi que l’association La Suisse en Europe dirigée par Thomas Cottier, spécialiste du droit européen.
Une initiative jugée inadaptée
«Dans la situation actuelle, personne n’est vraiment content de l’initiative», constate le président de la SEE et conseiller national PS Eric Nussbaumer. Celle-ci ne serait en effet soumise aux urnes que dans quatre à cinq ans. «C’est beaucoup trop long. Nous avons besoin que les choses bougent beaucoup plus rapidement», appelle le socialiste.
Les Vert’libéraux invoque la même raison pour justifier leur manque de soutien. Pour le président du parti, Jürg Grosse, «même si l’initiative était acceptée dans plusieurs années, cela ne signifierait rien de gagné. Nous aurions certes une disposition constitutionnelle, mais cela ne signifierait pas pour autant que des discussions seraient entamées avec l’UE.»
Les partis préfèrent encore miser sur le Conseil fédéral et le Parlement. Le gouvernement a entre-temps entamé de nouveaux entretiens exploratoires avec l’UE. Parallèlement, le Conseil national a adopté une loi sur l’Europe qui vise à donner une nouvelle base à la politique européenne sur le plan intérieur et à mieux la légitimer sur le plan démocratique. Par ailleurs, la commission de politique extérieure du Conseil des États fait également pression. À cela s’ajoute la guerre en Ukraine, qui montre l’importance de la coopération avec l’UE.
Un projet superflu?
«La voie parlementaire est nettement plus prometteuse qu’une initiative», estime le président vert’libéral. Le co-chef du PS, Cédric Wermuth, avait déclaré à la «SonntagsZeitung» que l’objectif principal de cette initiative, à savoir donner un nouvel élan aux relations entre la Suisse et l’UE, était actuellement atteint.
Entre-temps, l’initiative populaire est tout simplement superflue pour beaucoup: «Le Conseil fédéral ou le Parlement doivent décider, alors il n’y a pas vraiment besoin d’initiative», soutient Eric Nussbaumer. Il est important que le Parlement donne un mandat clair au gouvernement national. Le Conseil national a déjà fait un premier pas en demandant une loi sur l’Europe.
L’initiative n’est pas encore lancée
On pourrait également supputer que les initiants eux-mêmes ont perdu en confiance et se laissent une porte de sortie: l’initiative n’a pas encore été lancée et aucune signature n’a été récoltée.
Avant cela, on veut encore donner au Parlement la chance, lors de la session d’automne en septembre, «de donner le mandat pour une loi européenne qui pourrait prescrire au Conseil fédéral les mêmes objectifs plus rapidement et plus simplement que l’initiative européenne». Cette dernière entend soutenir la voie parlementaire, et non la remplacer.