L’Union européenne a refusé à la Suisse l’accès au programme de recherche Horizon, doté de plusieurs milliards. Les milieux scientifiques et industriels s’en inquiètent.
Les hautes écoles risquent de lourdes conséquences, à commencer par la fuite de cerveaux vers des horizons plus propices. Responsable du Secrétariat d’État à l’économie (SECO), le conseiller fédéral Guy Parmelin veut inciter Bruxelles à céder, tout en examinant d’autres mesures pour limiter les dégâts.
Vendredi, Guy Parmelin a rencontré son homologue allemand à Berlin. Il a répondu par téléphone aux questions de Blick.
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Monsieur le conseiller fédéral, vous avez rencontré cette semaine les ministres de l’Économie britannique, finlandais et allemand. Sur quoi ont porté vos échanges?
Guy Parmelin: Les Britanniques vivent actuellement les mêmes problèmes que nous, ils ne sont pas pleinement associés au programme de recherche Horizon. Lors de cette rencontre, il s’agissait donc de discuter d’alternatives. Des projets concrets suivront bientôt. A Helsinki et à Berlin, j’ai pu expliquer la position de la Suisse. La ministre allemande de la recherche Bettina Stark-Watzinger a fait preuve de compréhension.
Est-ce que Berlin va s’engager pour que la Suisse soit à nouveau pleinement associée à Horizon?
Oui. Le gouvernement allemand l’a d’ailleurs signalé il y a deux semaines, lorsque le président de la Confédération Ignazio Cassis s’est rendu à Berlin. Bettina Stark-Watzinger m’a confirmé que l’Allemagne soutenait la Suisse pour une association et elle espérait que nous puissions trouver une solution le plus rapidement possible avec l’UE. L’exclusion de la Suisse et du Royaume-Uni affaiblit le pôle de recherche européen dans son ensemble. L’Allemagne et la Suisse sont d’accord sur ce point.
Vous avez déclaré au printemps 2021 à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen qu’il n’y aurait pas d’accord-cadre. Vous deviez vous douter d’une telle réaction…
Bien sûr, nous devions nous attendre à des problèmes. Mais si l’UE était claire sur le fait qu’aucun nouvel accord d’accès au marché ne serait conclu et que les contrats existants ne seraient pas actualisés, il n’a jamais été question de la science et de la recherche. La Suisse, par sa place au cœur du continent européen, coopère étroitement avec l’UE dans l’espace Schengen et via un accord de libre circulation. Et voilà qu’elle est désormais moins bien lotie dans le cadre d’Horizon que, par exemple, Israël ou la Turquie… Ce n’est pas pragmatique et cela affaiblit la position de l’Europe par rapport à l’Amérique et à l’Asie. L’Europe ne peut que souffrir de cette situation.
Les universités et les entreprises innovantes paient-elles le prix d’une politique européenne qui a échoué?
L’UE a tort de lier la coopération en matière de recherche à la politique. Encore une fois, l’Europe a besoin de la coopération de ses meilleurs talents. En Suisse, nous avons un excellent pôle de recherche, c’est pourquoi une pleine association reste l’objectif principal du Conseil fédéral.
Le temps presse. L’industrie, les EPF et les universités mettent en garde contre le fait que les chercheurs et spécialistes hautement qualifiés envisagent de plus en plus des postes à l’étranger plutôt qu’en Suisse. Les mesures que vous avez prises pour compenser l'exclusion de la Suisse d'Horizon ne suffisent-elles pas?
Nous élargissons ces mesures en permanence. Bientôt, la Confédération pourra soutenir directement les PME et les start-up pour encourager l’innovation. Nous utilisons de manière échelonnée les six milliards de francs que le Parlement a initialement alloués à Horizon. Ces mesures, à court terme certes, sont en vigueur. Mais il est tout à fait possible que d’autres soient décidées dans le courant de l’année afin de soutenir le pôle de recherche et d’innovation. Nous travaillons sur ces alternatives au sein de mon département. Le Conseil fédéral en discutera bientôt, puis le Parlement pourra décider du financement.
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Mais l’argent ne fait pas tout…
Non en effet, dans la recherche, la coopération internationale et la concurrence permanente sont importantes. Nous renforçons ces réseaux, d’où nos rencontres avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou Israël.
Vous êtes-vous fixé une date limite pour le retour de la Suisse dans Horizon?
Je ne veux pas faire de pronostic. Si l’UE lève le blocus, une participation sera à nouveau rapidement possible. Mais la décision en revient à la Commission européenne.
N’avez-vous pas une idée? Plusieurs mois, des années…?
Comme je l’ai dit, j’espère que cela se fera le plus rapidement possible. Le programme actuel d’Horizon court jusqu’en 2027. Nous nous retrouvons dans la position où nous cherchons à y adhérer alors que les fonds n’ont pas encore tous été attribués et qu’une partie des projets ne sont pas encore sur les rails. Mais dans deux ou trois ans, les fonds auront été distribués et tous les projets seront en cours. Si la situation reste bloquée trop longtemps, il faudra se demander s’il est encore judicieux de viser une association complète. C’est ce que nous voulons éviter.
Une coopération plus étroite avec les États-Unis, Israël et le Royaume-Uni peut-elle compenser le blocage avec l’Europe?
Horizon est le programme scientifique le plus important en Europe, c’est un fait. Mais il est vrai que ces alternatives peuvent contribuer à renforcer les domaines dans lesquels nous sommes déjà forts et spécialisés.
À propos de science, un petit aparté: lors de la pandémie, des représentants de votre parti se sont opposés aux membres de la Task force Covid. Comment expliquez-vous cela?
Il est parfaitement normal de pouvoir discuter. On ne peut se rapprocher de la meilleure solution possible que si un débat met en lumière les différents points de vue.
En tant que ministre de l’Économie, vous avez mis en garde à l’automne contre une éventuelle pénurie d’électricité. Aujourd’hui, les partis discutent de l’avenir de l’approvisionnement énergétique du pays. Même l’énergie nucléaire est à nouveau en discussion. Cela va tout à fait dans votre sens, je suppose…
Tout d’abord, c’est mon travail. Je suis responsable de l’approvisionnement général du pays. Il est donc normal que j’explique la situation afin que les entreprises puissent se préparer. Nous devons maintenant discuter des solutions possibles à moyen et long terme. Ma collègue Simonetta Sommaruga présentera bientôt des propositions. Mais il est certain que nous devons résoudre ce problème rapidement.
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(Adaptation par Alexandre Cudré)