Mario Irminger, patron de la firme
«Nous allons complètement transformer les magasins Denner!»

Les affaires sont florissantes chez Denner. Le patron de la firme, Mario Irminger, annonce une grande transformation à venir de ses succursales, ainsi que son plan pour récupérer des parts de marché à Lidl et Aldi. Ces transformations devraient profiter aux clients.
Publié: 18.12.2022 à 10:49 heures
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Dernière mise à jour: 18.12.2022 à 12:22 heures
Les clients et les clientes de Denner ne sont pas les seuls à vouloir sabrer le champagne. Le patron de la chaîne de supermarchés, Mario Irminger a des raisons de se réjouir.
Photo: Philippe Rossier
Ulrich Rotzinger, Philippe Rossier

L’approche de Noël n’emplit pas de joie que les enfants. Le patron de Denner, Mario Irminger, se réjouit lui aussi. Le cinquantenaire sait que le renchérissement pousse les consommateurs à se tourner vers les chaînes de supermarchés discount comme la sienne. Et les acheteurs semblent prêts à se faire plaisir pour les fêtes.

Cigares, champagne, vins fins pour Noël. Quand on regarde votre publicité, on pourrait croire que nous ne sommes pas en crise.
L’inflation et la hausse des coûts sont omniprésentes. Mais nous constatons que nos clients n’économisent pas trop à Noël et sont prêts à se faire plaisir et à gâter leurs proches.

Un tiers de l’économie mondiale pourrait entrer en récession en 2023. La population est-elle vraiment prête à sabrer le champagne?
Nos chiffres d’affaires ne montrent pas encore que les gens se restreignent en matière de nourriture et de boissons. Nous nous attendons à ce que les affaires de Noël soient aussi bonnes que les années précédentes.

Avons-nous atteint le pic d’inflation de 3%?
Nous espérons l’avoir atteint, oui. Les prix à la consommation resteront probablement au niveau actuel.

Combien coûte aujourd’hui un panier moyen chez Denner?
Chez nous, le renchérissement est actuellement d’un peu plus de 2% par rapport à l’année précédente. Au cours du deuxième semestre, nous avons également dû augmenter nos prix. Rien qu’en novembre, le panier d’achat Denner a augmenté de 3,5%. Mais n’oubliez pas qu’en Allemagne, les produits alimentaires ont augmenté de 20% en octobre. Les pays baltes et la Hongrie sont même bien au-dessus.

Denner a récemment travaillé à améliorer le bien-être animal et la durabilité climatique de ses marques. L’inflation ne pousse-t-elle pas à nouveau les consommateurs vers les rayons de viande bon marché?
Avec le label IP-Suisse dans le secteur des produits frais et Ener-Bio (ndlr: marque allemande de produits bio), nous avons une alternative plus durable et comparativement moins chère pour les consommateurs. Même nos clients les moins fortunés sont actuellement prêts à payer les 10 à 15% de frais supplémentaires par rapport aux produits conventionnels Suisse Garantie.

Les clients remarquent que Denner propose en partie les mêmes produits, par exemple du poulet, qui coûtent nettement plus cher chez Migros. Comment expliquer cette différence?
Nous sommes souverains en ce qui concerne notre assortiment et la fixation des prix, tout comme la maison mère Migros l’est pour ses supermarchés. Nous fixons les prix pour qu’ils soient compétitifs par rapport à ceux des autres discounters.

Les clients des discounters sont-ils très sensibles aux baisses et aux hausses des prix?
Pour la majorité des clients, le prix est le facteur d’achat le plus important. Grâce à l’entrée sur le marché de nos deux concurrents allemands Aldi et Lidl, le discount est aujourd’hui devenu présentable. La totalité de la croissance du marché due à l’augmentation de la population a été pratiquement absorbée par nous trois, les discounters.

Les discounters sont un indicateur de la solvabilité de certaines couches de la population. Dans quelle mesure le comportement d’achat a-t-il changé?
En cette année d’inflation, nous constatons clairement que nos clients laissent davantage de côté les produits de marque et se tournent plus souvent vers les articles bon marché et les produits Denner. En outre, ils achètent davantage de marchandise en promotion. Bien entendu, la proximité avec le client est également déterminante pour les chiffres d’affaires nationaux.

Une zone réfrigérée pour les produits à base de poisson et les substituts de viande végétale devrait voir le jour dans les nouvelles succursales Denner.
Photo: Philippe Rossier

En matière de proximité avec le client, Aldi et Lidl accélèrent, s’offrent des magasins dans les gares et envahissent les centres-villes. Pourquoi assistez-vous, impuissant, à ce phénomène?
Denner a gagné des parts de marché. De plus, nous faisons partie du groupe Migros qui a ses petits magasins Migrolino pour les endroits très fréquentés. Nous nous en tenons résolument à l’écart. Mais cela ne veut pas dire que nous ne faisons rien.

Comment vous défendez-vous contre Aldi et Lidl?
D’une part, nous ouvrons de nouvelles succursales. Cette année, notre réseau de 850 magasins Denner et succursales partenaires a été enrichi de dix magasins. Nous voulons poursuivre notre croissance nette l’année prochaine avec dix à quinze succursales. Parallèlement, nous déploierons à partir d’avril notre nouveau concept de magasin dans toute la Suisse. Ce dernier offre une plus-value à nos clients.

C’est-à-dire?
Nous allons fondamentalement transformer nos magasins. L’assortiment de produits frais, comprenant la boulangerie et les légumes, sera plus grand, il y aura désormais une zone réfrigérée pour les produits à base de poisson et les substituts de viande végétale. Les magasins ne seront plus approvisionnés par des palettes, il y aura plus de place pour faire circuler des chariots d’enfants et des caddies. Tous les prix seront dorénavant affichés numériquement.

Les prix seront-ils modifiés 24 heures sur 24, en fonction du moment de la journée?
Ce serait certes techniquement possible, mais les prix dynamiques dans les magasins en fonction de l’heure ne sont pas prévus. Toutefois, nous sommes actuellement dans une période d’inflation qui nous accompagnera encore pendant un ou deux ans. Les étiquettes de prix numériques ont l’avantage de permettre des changements de prix hebdomadaires beaucoup plus efficaces et de soulager nos collaborateurs.

Mais pourquoi renoncer aux caisses automatiques, qui sont la norme partout?
Nous n’avons pas encore dit notre dernier mot à ce sujet. Nous verrons bien si nous supprimons à l’avenir une caisse au profit d’automates de paiement ou si nous maintenons le système à deux caisses.

Une transformation aussi importante coûte très cher.
Une transformation conséquente tous les dix ans est nécessaire, car c’est la période pendant laquelle les besoins des clients évoluent. Nous parlons ici d’un investissement substantiel de plusieurs centaines de millions sur les quatre à cinq prochaines années, jusqu’à ce que la transformation de notre réseau soit achevée.

Par le passé, Denner avait tenu tête à Coca-Cola, Nestlé et Cie en boycottant les fournisseurs de marques en Suisse et en se procurant les marchandises moins chères à l’étranger sur le marché gris. Pourquoi êtes-vous devenus si dociles?
Nous menons une lutte très active avec nos fournisseurs pour obtenir des prix plus bas. Actuellement, pratiquement tous les fabricants de marques essaient d’imposer des prix plus élevés chez nous. Je pense toutefois que la réputation que nous avons acquise au cours des dix dernières années est de nature à nous éviter de devoir recourir à des importations parallèles.

L'étiquette numérique de prix devrait remplacer durablement les étiquettes papier.
Photo: Philippe Rossier

Voulez-vous dire que les fournisseurs ont peur des acheteurs de Denner?
(Rires) Aujourd’hui, les fournisseurs savent simplement que nous sommes cohérents.

Ils boycottent des fabricants et retirent des produits de leur assortiment?
Il y a des fournisseurs qui veulent profiter de l’aubaine. Ils mettent en avant l’inflation générale et formulent des exigences de prix excessives que nous ne pouvons pas comprendre sur le fond. C’est pourquoi nous ne répondons pas à de telles demandes. Cela a pour conséquence que les articles du fournisseur de la marque en question ne se trouvent plus dans les rayons.

À qui s’adresse le boycott de Denner?
Mars Suisse, par exemple, a récemment exigé des prix que nous n’avons pas acceptés. Par conséquent, nous avions annulé les commandes et ne vendions plus les produits Mars, par exemple dans le domaine des confiseries et des snacks. Les produits ont été retirés de l’assortiment jusqu’à ce que nous parvenions à un accord.

Vous abordez la nouvelle année avec une guerre des prix. C’est sans doute nécessaire si vous avez à l’esprit la menace d’une hausse des coûts pour vos clients de la part des caisses d’assurance maladie, des bailleurs et des fournisseurs d’énergie?
Nous constatons que même la classe moyenne regarde plus souvent les prix à l’achat et doit économiser. En Suisse, nous avons déjà un grand nombre de ménages à faible revenu qui dépendent de prix bas et qui sont de toute façon déjà fortement touchés par l’inflation. Les prix des carburants sont certes en baisse, mais l’augmentation des primes d’assurance maladie et des charges locatives n’interviendra que dans les prochains mois et devra être supportée par la population suisse.

Vous comptez également sur une augmentation de la clientèle à long terme?
Dans les prochaines années, la population continuera d’augmenter en raison de la migration. Ces personnes ont tendance à avoir des revenus plus faibles. Ensuite, les baby-boomers comme moi partiront à la retraite dans les dix prochaines années. Entre le dernier revenu que chacun a et la première pension, il y a une perte de pouvoir d’achat. Les ménages deviennent plus petits. Tout cela joue en notre faveur, nous les discounters.

Vous parlez déjà de votre retraite. Allez-vous bientôt céder votre place de chef?
(Rires) Non, ce n’est pas encore le cas. J’aime mon travail chez Denner et je suis heureux. De plus, j’aimerais encore accompagner la grande transformation de nos succursales dans les années à venir.

Vous restez chez Denner et êtes également satisfait de la marche des affaires cette année?
Nous avons gagné des parts de marché, ouvert de nouvelles succursales et augmenté nos chiffres d’affaires. De plus, les journées à fort potentiel de Noël et du Nouvel An sont encore à venir.

Le gros cigare de fin d’année est déjà prêt?
Je ne fume pas, je préfère donc m’en tenir à un bon verre de vin rouge pour Noël. Comme chaque année, je mangerai de la fondue bourguignonne avec ma famille.

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