Le président de l'UDC Marcel Dettling sur l'UE et l'asile
«Aujourd’hui, une puissance étrangère veut nous dicter comment nous devons voter»

Le président de l'UDC Marcel Dettling se confie à Blick sur sa méfiance à l'égard des syndicats dans le cadre des accords avec l'UE, ce qu'il pense des photos de Viola Amherd avec Ursula von der Leyen, et l'initiative sur la protection des frontières. Entretien.
Publié: 29.12.2024 à 13:18 heures
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«Il faut un moratoire sur la croissance de l'Etat au niveau fédéral», s'exclame Marcel Dettling, le chef de l'UDC.
Photo: Philippe Rossier
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Reza Rafi

Lorsqu’il est question des accords avec l’Union européenne, Marcel Dettling se méfie des syndicats. Il s’est même rendu vendredi matin sur la Place fédérale pour s’opposer au traité «de soumission» avec l’Union européenne (UE). «Aujourd’hui, le combat pour la liberté commence», a-t-il déclaré dans une vidéo en tenant une hallebarde à la main. Entretien avec le président de l’UDC.

Marcel Dettling, vous n’avez pas apporté votre hallebarde, cette fois?
Voulez-vous que j’aille la chercher?

Ce ne sera pas nécessaire. La semaine dernière, vous et vos collègues de parti avez utilisé cette arme sur la Place fédérale pour protester contre l’accord avec l’UE. Quel message vouliez-vous faire passer?
Un petit retour en arrière s’impose. La hallebarde représente la défense de notre démocratie et de notre liberté. Ce thème reste d’actualité. Les temps sont différents aujourd’hui, mais la lutte pour l’indépendance reste la même. C’est ce que nous voulions montrer. Mais il est clair que nous n’allons pas nous rendre à Bruxelles avec la hallebarde.

Vous considérez vraiment que la démocratie suisse est à ce point menacée?
La démocratie n’a jamais été aussi menacée dans un Etat fédéral moderne – le fait que vous et moi puissions voter et que le vote ait un impact mérite d’être protégé comme jamais auparavant. Aujourd’hui, une puissance étrangère veut nous dicter comment nous devons voter.

C’est un problème que vous avez vous-même créé: vos conseillers fédéraux ont contribué à enterrer le premier accord-cadre en 2021…
… et ils ont ainsi montré qu’ils avaient les reins solides.

Le Conseil fédéral aurait pu le laisser passer à l’époque; le peuple aurait alors réglé l’affaire si vous aviez été suffisamment convaincant. A présent, le PLR, le Centre et le PS disent de concert que ce nouvel accord-cadre est le meilleur! La situation devient donc plus compliquée pour vous.
En quoi est-il mieux? Il faut tourner les choses différemment. Au départ, un meilleur accord sur l’électricité était nécessaire. Ce fut pour ainsi dire la porte d’entrée de l’UE, qui a ensuite ouvert la boîte de Pandore. Et que s’est-il passé? Aucun accord n’a été trouvé sur l’électricité. Le Conseil fédéral a donc dissocié ce dossier. Tout le reste est en gros similaire à l’accord-cadre de 2021. Mais il y a une différence.

Laquelle?
En 2021, Guy Parmelin était président de la Confédération. Il avait du cran. C’est ce qui manque au gouvernement actuel. Il aurait envoyé un message clair à Bruxelles: nous pouvons négocier, mais nous restons fermes sur la question de la souveraineté! Aucun accord de libre-échange avec un pays tiers ne porte sur des questions de souveraineté. Je ne sais pas pourquoi l’UE a eu l’idée d’imposer un droit étranger à la Suisse.

La Suisse reprend déjà depuis longtemps le droit de l’UE.
Mais volontairement! Là où cela fait sens, je n’ai absolument aucun problème avec cela. D’ailleurs, Ignazio Cassis raconte n’importe quoi quand il dit que peu d’adaptations législatives seront nécessaires. Pourquoi faut-il alors un document de 1400 pages pour le Parlement? Je n’ai pas souvenir d’un papier du Conseil fédéral d’une telle longueur.

Ignazio Cassis pourrait être votre principal adversaire lors d’une votation…
Il semble un peu pâlichon sur cette question. Cela vaut pour l’ensemble du Conseil fédéral. Avez-vous repéré un membre qui s’enflamme pour cet accord? A part la présidente de la Confédération Viola Amherd, bien sûr.

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Viola Amherd ne s’intéressait qu’à sa photo avec Ursula von der Leyen. Le contenu de la rencontre ne joue aucun rôle pour elle
Marcel Dettling, président de l'UDC
»

Qu’avez-vous donc à reprocher à Viola Amherd?
Il est évident qu’elle ne s’intéressait qu’à sa photo avec Ursula von der Leyen. Le contenu ne joue aucun rôle pour Viola Amherd.

Vous faites allusion à la séance photo avec la présidente de la Commission européenne la semaine dernière à Berne
Le vol le plus cher de l’histoire.

Que voulez-vous dire?
Madame von der Leyen n’est pas venue gratuitement. Sa visite nous a coûté, à nous Suisses, 350 millions de francs. L’UE est en crise, très endettée et a besoin d’argent. Nous ne devons pas nous laisser lier plus étroitement à un gouvernement en crise. Cela n’a absolument aucun sens.

Vous parlez de la contribution à la cohésion de 350 millions de francs que la Suisse doit payer à l’UE chaque année.
Exactement. Et la séance photo était vraiment un scandale. Viola Amherd est montée brièvement sur scène pour serrer la main de la représentante de l’UE, s’est pavanée et a ensuite envoyé ses trois collègues Ignazio Cassis, Guy Parmelin et Beat Jans devant les médias. J’aurais attendu de la présidente de la Confédération qu’elle soit en avant et réponde aux questions.

Qu’avez-vous pensé de Viola Amherd en tant que présidente de la Confédération?
Elle a surtout brûlé l’argent du contribuable. Cela a commencé avec la conférence du Bürgenstock, où elle a joué un rôle tragique…

Mais cela partait d’une bonne intention…
Avec quel résultat? Ils ont d’abord dit que c’était un pas vers la paix, jusqu’à ce que l’on s’aperçoive que les Russes ne venaient pas. Ensuite, ils ont évoqué une conférence de suivi. En avez-vous entendu parler? Moi non. C’est un désastre! Sauf pour Madame Amherd, qui a pu flatter son ego.

Pour revenir sur l’Europe: vous aspirez à une victoire, comme le non à l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen en 1992.
Ce que j’aurais préféré, c’est que le Conseil fédéral mette un terme à ces accords. Ce combat sera dur. Il représente même un marathon, car je pense que cela pourrait être très très serré. Je ne suis pas aussi convaincu, comme le sont beaucoup d’autres, que la votation est déjà gagnée d’avance.

«
Les syndicats sont achetés pour qu’ils se tiennent tranquilles par la suite
Marcel Dettling, président de l'UDC
»

C’est intéressant. Qu’est-ce qui vous fait douter? Des personnes pensent comme vous, jusque dans l’éventail de la gauche.
Les syndicats sont achetés pour qu’ils se tiennent tranquilles par la suite.

Le président de l’USS Pierre-Yves Maillard vient pourtant de critiquer l’accord dans Blick!
Les syndicats jouent la comédie en sachant qu’ils obtiendront ensuite davantage. Ils font monter les prix.

C’est ce que nous allons voir. Il est donc d’autant plus important que vous ne vous contentiez pas de brandir la hallebarde, mais que vous ayez des alliés.
Nous en avons.

Qui?
Avec l’association Boussole/Europe, cela fait plus de 2000 personnes issues de l’économie qui se battent séparément de nous pour choisir la voie indépendante. Ce n’était pas le cas en 1992. Aujourd’hui, des entrepreneurs à succès comme Urs Wietlisbach et Alfred Gantner, ainsi que de nombreuses PME, sont contre l’accord. C’est un front important, car je suis convaincu que la question économique sera centrale. Nous avons aussi l’association Pro Suisse avec Adrian Amstutz, qui a l’habitude de se battre. Nous avons donc une assise plus large qu’en 1992.

Des discussions sont-elles en cours entre vous?
On échange des idées. Nous allons nous concerter. Mais nous sommes indépendants les uns des autres.

Avec l’initiative pour le développement durable, vous avez un projet avec la même force explosive.
C’est pourquoi les autres ont si peur! Le conseiller fédéral Beat Jans a déjà invité les autres chefs de parti pour discuter de comment mettre l’initiative à terre – il ne nous a pas parlé à nous.

Mais vous pouvez comprendre l’inquiétude des milieux économiques face à cette initiative? C’est en effet l’économie qui fait venir la main-d’œuvre de l’étranger.
Nous avons à présent atteint un pic. Nous avons un taux d’immigration record, mais l’économie en demande toujours plus…

… c’est aussi le cas pour certains représentants de votre parti.
Nous avons des pages et des pages d’offres d’emploi malgré une immigration record. Je pose la question: de combien d’immigrants en plus avons-nous besoin pour que les entreprises disent stop – 200’000? 300’000? Je n’ai jamais reçu de réponse. Plus important encore: le domaine qui connaît la plus forte croissance est le secteur public. L’Etat impose toujours plus de règles aux entreprises, et décide aussi d’en retirer des travailleurs! J’ai donc bon espoir que le nouveau gouvernement américain se mette à la tâche et envoie des signaux forts en ce sens.

Aux Etats-Unis, Elon Musk, l’entrepreneur de Tesla, doit faire plier l’administration. Que proposez-vous pour la Suisse?
Nous avons déjà lancé la proposition selon laquelle une ancienne loi doit disparaître pour chaque nouvelle réglementation. Le problème, c’est qu’à chaque nouvelle loi, nous avons de nouveaux employés de l’Etat. C’est pourquoi il faut maintenant un moratoire sur la croissance de l’Etat au niveau fédéral. Le Conseil fédéral ne devrait pas permettre l’embauche de nouveaux employés de l’Etat jusqu’à nouvel ordre. A plus forte raison à une époque où la Confédération doit faire des économies. Un autre sujet préoccupe toutefois la population.

Vous voulez parler de l’asile.
Le peuple est en ébullition. Des événements tels que l’attaque au marché de Noël de Magdebourg sont le symbole d’une mauvaise gestion de l’asile, et très honnêtement, je m’inquiète pour notre culture. Nous ne sommes pas loin du monastère d’Einsiedeln où, en novembre, un Afghan prétendument âgé de 17 ans a profané une statue de la Vierge.

Ce jeune homme est psychiquement malade, dit-on.
Je ne sais pas s’il est psychiquement malade. Je ne sais pas non plus s’il a 17 ans. J’ai simplement vu la vidéo – pour moi, c’était une démonstration de force. Et cela s’inscrit dans la lignée des attaques meurtrières de Solingen, Mannheim, Brandebourg ou Zurich, où un jeune d’origine nord-africaine a attaqué un juif en mars, mettant sa vie en danger.

«
Nous abandonnons peu à peu notre tradition et notre culture. Cela m’inquiète beaucoup
Marcel Dettling, président de l'UDC
»

Vous citez différents cas. Où s’arrête la dénonciation des abus, et où commence l’incitation à la haine?
Le problème est la punition. Il manque un signal clair. Le cas de l’abbaye d’Einsiedeln le montre. Au lieu de porter plainte, les moines ont prié pour l’abuseur de la Vierge. Le monastère aurait-il réagi de la même manière si vous ou moi l’avions fait? J’ai des doutes à ce sujet. Dans certaines écoles, par respect, on ne chante plus de chants de Noël, on décroche les croix et on déroule des tapis de prière à l’armée. Nous abandonnons peu à peu notre tradition et notre culture. Cela m’inquiète beaucoup. Je tiens toutefois à souligner que je n’ai pas le moindre problème avec ceux qui respectent les règles et s’intègrent ici.

S’il vous manque un signal fort de la part de l’État, à quoi ressemblerait-il?
Le problème commence par l’absence de sanction en cas d’infraction aux règles. Les migrants demandeurs d’asile se moquent de nous. Le pire, c’est la mise en œuvre. Pratiquement personne n’est forcé de retourner dans son pays d’origine. Pourquoi la Hongrie a-t-elle si peu de demandeurs d’asile? Parce qu’elle n’accepte que ceux qui ont vraiment un motif d’asile valable. C’est pourquoi nous avons lancé l’initiative pour la protection des frontières: pas d’asile si quelqu’un arrive par un pays tiers sûr, plus de statut de séjour illégal, plus d’admission provisoire.

Où en êtes-vous avec cette initiative?
Aux trois quarts des signatures nécessaires – et nous n’avons commencé à les récolter que cet été.

Le Parlement a serré la vis face aux Ukrainiens et a suscité des critiques. Le statut de protection S n’est plus valable que pour certaines régions d’Ukraine.
Et qui a fait pression dans les cantons? Le conseiller d’Etat zurichois Mario Fehr…

Mario Fehr a fait savoir par lettre au ministre de la Justice Beat Jans que Zurich n’acceptait plus les familles nombreuses qui ne venaient pas de régions en conflit.
J’ai alors demandé à nos conseillers d’Etat de le suivre. Si le grand canton de Zurich n’accepte plus de réfugiés, vous savez qui en fera les frais.

Votre appel a-t-il eu un impact sur vos collègues dans les cantons?
Berne, Saint-Gall, Glaris et Thurgovie ont suivi Zurich.

Vous semblez peu enthousiaste à l’égard du conseiller fédéral Beat Jans.
C’est un ministre qui ne fait que des annonces. Il n’a pas réussi à passer du statut de soldat du parti à celui de magistrat.

Alors pourquoi l’UDC ne reprend-elle pas le département de l’asile dès que la prochaine occasion se présente?
Cette question revient sans cesse. Nous ne pouvons pas occuper tous les départements. Mais je suis convaincu qu’à long terme, nous ne pourrons pas éviter de faire le ménage dans ce département. Le Danemark et la Suède montrent que même les gouvernements socialistes et libéraux peuvent sévir.

On vous jugera certainement sur ces paroles: vous êtes président de l’UDC depuis un peu moins d’un an, et au début, les responsables du parti vous ont présenté comme le nouveau Toni Brunner, l’ex-chef de l’UDC très polémique. L’êtes-vous devenu?
Je ne peux pas en juger, mais je vais certainement me coucher beaucoup plus tôt que Toni lors des assemblées des délégués.

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