C'est désormais une réalité qui prend à la gorge de nombreuses personnes: les prix de l'électricité explosent. Les ménages suisses doivent s'attendre à une augmentation de 30%. Pour le moment, aucune aide de l'Etat ne semble pointer le bout de son nez. Pour le Conseil fédéral, les prix sont supportables.
Le gouvernement préfère pointer du doigt les grands groupes énergétiques. «Qui gagne vraiment dans cette situation et fait de grosses affaires?», demandait jeudi la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga dans une interview accordée à Blick. «Certaines entreprises vont peut-être soudainement faire des milliards de bénéfices. Il faut se demander ce que l'on fait de ces bénéfices excédentaires.»
Attaque frontale contre les grands groupes
Il s'agit donc d'une attaque frontale contre les barons de l'électricité. Ceux-ci vendent le courant à des prix toujours plus élevés alors que les coûts de production restent les mêmes. Axpo, par exemple, a réalisé 500 millions de francs de bénéfices au premier semestre. Alpiq 114 millions. FMB présentera ses résultats semestriels mardi.
Mais quel est le réel impact direct de la crise actuelle sur ces résultats? Comment peut-on mieux filtrer les bénéfices excédentaires? Il n'y a pas de réponse miracle à cette question, c'est pourquoi les débats sont vifs sur le sujet.
Martin Hirzel, président de Swismem - une association industrielle - reproche aux géants de l'électricité d'avoir réalisé d'énormes bénéfices sans avoir à fournir l'effort correspondant à de tels chiffres. L'association mène désormais des discussions avec les grands groupes. Interrogée à ce sujet, elle ne souhaite pas s'exprimer concrètement. Mais l'objectif semble clair: les bénéfices excédentaires doivent être versés à des entreprises en difficulté.
Le Conseil fédéral appelé à agir
De leurs côtés, l'Union suisse des arts et métiers et Gastrosuisse veulent en revanche mettre le Conseil fédéral face à ses responsabilités. Celui-ci doit permettre aux entreprises qui achetaient jusqu'à présent de l'électricité sur le marché libre de revenir dans l'approvisionnement de base: «L'explosion des prix constitue une menace existentielle pour d'innombrables entreprises et employés, lance le président de Gastrosuisse Casimir Platzer. Le Conseil fédéral doit agir.»
Pour Alexander Keberle, responsable de l'énergie chez Economiesuisse, il faut envisager de l'aide pour les entreprises dont l'existence est menacée. Il affirme toutefois: «Nous sommes sceptiques vis-à-vis d'un retour à grande échelle des entreprises dans l'approvisionnement de base ou d'un écrémage des bénéfices des fournisseurs d'énergie. Il en va de même pour un plafonnement étatique des prix de l'électricité.»
Pourtant, au Parlement, la colère gronde. La conseillère nationale socialiste Gabriela Suter tonne: «Il est inacceptable que les groupes énergétiques produisent de l'électricité à un prix de revient de six centimes par kilowattheure et la vendent ensuite sur le marché à plus d'un franc».
Histoire de centraliser un peu tous ces avis divergents, la commission de l'énergie du Conseil national a envoyé cette semaine une lettre au Conseil fédéral. Elle demande une table ronde avec les grands groupes électriques et leurs propriétaires publics - les communes, les villes et les cantons. «En tant que propriétaires, ils doivent veiller à ce que les entreprises renoncent à leurs bénéfices de crise, poursuit Gabriela Suter. Sans cela, la Confédération doit plafonner les prix». Le PS lancera une intervention dans ce sens lors de la session d'automne si nécessaire.
Réinvestir les bénéfices dans les énergies renouvelables?
Qu'en dit-on du côté des cantons? Le conseiller d'État valaisan Roberto Schmidt est le nouveau président de la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie. Il déclare à Blick: «Les têtes pensantes des grands groupes, qui profitent aujourd'hui de la situation, doivent bien réfléchir à ce qu'ils font des bénéfices.» Le président de la Conférence propose une solution concrète: «Le mieux serait d'investir cet argent à des fins précises, dans le développement des énergies renouvelables en Suisse.»
Roberto Schmidt ne voit pas l'intérêt d'un plafonnement des prix: «On ne peut pas dire pendant des années que l'électricité est trop bon marché et qu'il faut la renchérir, par exemple par des taxes d'incitation, et une fois qu'elle augmente, plafonner les prix», explique-t-il.
Des discussions oui, mais pas en public
De sont côté, le groupe énergétique FMB affirme ne pas profiter du niveau actuel élevé des prix. «Nous ne pouvons pas proposer l'électricité à nos clients à un prix plus avantageux dans ces conditions», souligne l'entreprise bernoise. Le groupe romand Alpiq déclare quant à lui: «Les prix actuels extrêmement élevés de l'électricité sur les marchés boursiers ne sont durables pour personne.» Selon le groupe, des discussions ont lieu, mais pas en public.
Dans la classe politique, les Verts libéraux soutiennent les fournisseurs d'électricité. Leur président Jürg Grossen l'affirme: «Il faut rejeter un prélèvement des bénéfices de la crise tout comme un plafonnement des prix. Ce sont des exigences populistes qui passent à côté de la réalité». Car selon lui, tous les fournisseurs d'électricité ne font pas de bénéfices, loin de là. «En outre, les soi-disant bénéfices de crise ne peuvent pas être facilement distingués des bénéfices normaux. Ce n'est pas praticable.» Le débat sur le prix de l'électricité promet donc une multitude de points de vue et un automne agité. Sous la coupole, comme dans les administrations.
(Adaptation par Thibault Gilgen)