C’est peut-être le prochain mot d’ordre des syndicats français: «Tous en télétravail» pour éviter à la fois les restructurations massives en cas de récession, et contribuer à cette «sobriété» énergétique que la première ministre Élisabeth Borne a défendue lundi 29 août lors des journées annuelles du patronat à Paris. Laurent Berger, le leader du syndicat réformiste CFDT, défend déjà cette approche préventive: Il demande au gouvernement de renouer avec le chômage partiel qui avait été généralisé durant la pandémie de Covid-19, et d'encourager le plus possible le recours au télétravail. «Il va falloir, à un moment donné, qu’on sorte de la gestion d’un certain nombre de situations de crise par des conseils de défense» a-t-il ironisé alors qu’ Emmanuel Macron a consacré, ce vendredi 2 septembre, une réunion ministérielle d’urgence à la situation énergétique qui s’annonce cet hiver.
Mobilisation générale
La mobilisation générale, sociale et politique, est justifiée. La France est à son tour dans le viseur de Vladimir Poutine, puisque le géant gazier Gazprom a décidé d’interrompre, à partir de ce jeudi, ses livraisons énergétiques à Engie, l'un des distributeurs énergétiques de l’hexagone. Et ce, «jusqu’à la réception en intégralité des sommes financières dues pour les livraisons». Il s’agit donc, sur le papier, d’une riposte à la décision européenne d’obliger les énergéticiens à ne pas acquitter les livraisons de gaz russe en roubles, ce que réclame Moscou. L’urgence est néanmoins surtout économique, car du côté des réserves en hydrocarbures, les experts français sont plutôt sereins. Celles-ci sont remplies entre 80 et 90% selon les sites, d’après Engie. L’objectif de 100% d’ici novembre paraît atteignable.
Fermer des bureaux et des immeubles
Pourquoi ce retour du télétravail? Parce que le maintien des employés à leur domicile pourrait permettre de fermer des bureaux, voire des immeubles entiers. Certes, rester chez soi avec son ordinateur allumé entraîne une consommation d’électricité accrue. En pleine pandémie de Covid, l’opérateur EDF tablait sur une hausse de la consommation d’électricité «de 5 à 7% par foyer». Le gain collectif, en revanche, est important: moins de déplacements pour se rendre au travail, pas besoin d’éclairer et de chauffer les bureaux, moins de pertes énergétiques dans les immeubles où les salariés oublient souvent d’éteindre la lumière et les équipements… Le recours plus massif au télétravail fait partie des dix propositions défendues par l’Agence internationale de l’énergie dans son plan présenté le 18 mars, un mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Il s’agirait, selon cette institution, du «levier le plus efficace s’il était mis en place trois jours par semaine».
Pas un remède miracle
Le télétravail seul n’est toutefois pas le remède miracle. En France, il pourrait s’accompagner de mesures de réduction de vitesse des véhicules, ou de limitation des déplacements pour les agents de l’administration. «L’État peut déjà annoncer une généralisation du télétravail. Il peut annoncer une meilleure gestion des températures de consigne dans les bâtiments. Il y a des mesures qu’on n’a pas mises en place parce qu’on les pensait socialement explosives. L’État peut très bien dire à ses agents: «vous ne dépassez pas 110 km/h sur les autoroutes»» a confirmé à la radio France Info Nicolas Goldberg, auteur d’une note pour le think-tank Terra Nova.
Sobriété collective
La note de Terra Nova inclut le recours au télétravail dans son chapitre sur la «sobriété collective», indispensable pour faire face à une éventuelle pénurie d’énergie, surtout si l’hiver est rude: «C’est un fait: nos modes de consommation dépendent largement de la façon dont sont organisées nos sociétés explique le document. Selon que nous autorisions ou non les terrasses chauffées en extérieur, que nous limitions ou non un peu plus la vitesse sur les routes, que nous développions ou non des infrastructures pour les mobilités douces et collectives, que nous aménagions ou non le territoire de manière à rapprocher les lieux de vie et commerces des lieux de travail, ou que nous facilitions ou non le télétravail, nos usages des services de la vie quotidienne et les consommations énergétiques qui en résultent seront radicalement différents». Et de préciser: «Pour un ménage qui peine à payer son plein d’essence, télétravailler et se voir offrir pour l’accès aux services rendus dans les métropoles une possibilité de mobilité via l’utilisation d’une piste cyclable et/ou d’un mode de transport collectif financé par la collectivité, constitue un moyen d’augmenter sa liberté en préservant son pouvoir d’achat».
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Question en revanche: comment gérer l’inégalité sociale engendrée par un recours massif au télétravail, entre ceux qui peuvent rester chez eux et ceux qui ne le peuvent pas, parce que leurs métiers exigent une présence sur place? Faut-il que ces derniers bénéficient par exemple de «dérogations énergétiques» tout comme ils disposaient, en France, de laissez-passer durant le Covid, voire d'avantages salariaux ?
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