Les temps sont durs pour les locataires. En raison de la hausse du taux d'intérêt de référence, de nombreuses personnes risquent de voir leur loyer augmenter fortement. Selon la Commission juridique du Conseil des Etats, la classe moyenne risque de ne bientôt plus pouvoir payer ses loyers.
A savoir sur la location
Pourtant, les conseillers aux Etats ont approuvé en début de semaine plusieurs règlementations qui touchent à nouveau les locataires. Individuellement, ces mesures peuvent paraître anodines. Mais, c'est leur ensemble qui met Carlo Sommaruga en alerte.
Le conseiller aux Etats genevois PS est président de la Commission des affaires juridiques. Il préside surtout l'Association suisse des locataires, qui a lancé en début de semaine un appel d'urgence demandant de mettre un terme aux attaques contre le droit des locataires. Plus de 30'000 personnes se sont jointes à cette demande.
Cet appel n'a pas été entendu et plusieurs menaces planent désormais au-dessus des locataires.
Expulsions plus rapides
Aujourd'hui, un propriétaire ne peut résilier le contrat de location que s'il peut faire valoir un besoin personnel urgent, c'est-à-dire si lui-même ou un proche a absolument besoin du logement. Le Conseil national s'est déjà prononcé en faveur d'un assouplissement de cette réglementation. A l'avenir, les locataires pourraient être expulsés plus facilement et surtout plus rapidement de leur logement.
Alors que Carlo Sommaruga critique vivement cette mesure, d'autres parlementaires comme la conseillère aux Etats du Centre Andrea Gmür trouvent «absolument légitime» qu'un propriétaire puisse jouir de son logement comme il l'entend. Compte tenu de la composition du Conseil des Etats, l'assouplissement devrait être quasiment décidé.
Davantage d'obstacles à la sous-location
Quiconque souhaite sous-louer son appartement – que ce soit à titre privé ou par le biais de services comme Airbnb – devra à l'avenir obtenir l'accord écrit du bailleur. L'argument principal étant qu'il faut empêcher les abus.
Mais la gauche met en garde contre le fait que le bailleur peut désormais résilier le contrat de location pratiquement avec effet immédiat. Avec la validation de la commission juridique du Conseil des Etats, l'adoption du projet est quasiment certaine. «Cette modification et celle relative à l'expulsion des locataires pour besoin personnel ne servent qu'à faciliter la résiliation des baux, afin d'augmenter les loyers», reproche Carlo Sommaruga.
Favoriser les loyers excessifs
Les propriétaires ne peuvent pas fixer le loyer à leur guise. Il y a trois ans, le Tribunal fédéral a ainsi établi qu'un bailleur pouvait obtenir un rendement supérieur de 2% au maximum au taux d'intérêt de référence. Mais de nombreux bailleurs ne respectent pas cette règle.
Par ailleurs, la Commission juridique du Conseil des Etats souhaite lever ce plafond. La décision, prise à l'unanimité, fait craindre à la gauche que le lobby immobilier au Parlement ne tente par ce biais d'ancrer dans la loi des rendements plus élevés pour les bailleurs, ce qui entraînerait une nouvelle hausse des loyers.
«Beaucoup de ces changements profitent aussi aux locataires», estime pour sa part le conseiller aux Etats Andrea Caroni, même s'il admet lui aussi qu'il s'agit surtout d'un renforcement des droits des bailleurs.
Sur le marché immobilier
L'Association des locataires envisage un «double référendum»
Carlo Sommaruga, en revanche, parle de «scandale». D'autres interventions visant à modifier le droit de bail sont déjà dans les tuyaux. Les représentants des locataires s'inquiètent en particulier d'une demande formulée par Hans Egloff, président de l'Association des propriétaires fonciers et ex-conseiller national de l'UDC. Selon lui, les nouveaux locataires ne devraient pouvoir contester un loyer initial présumé excessif que s'ils se trouvent dans une situation de détresse. A l'heure actuelle, seuls 0,2% des loyers initiaux sont contestés.
L'Association des locataires a déjà annoncé un «double référendum» contre l'affaiblissement du droit des locataires en cas de sous-location et d'expulsion en raison de besoin personnel. De quoi ébranler le lobby immobilier en Suisse, pays des locataires.