Les éclairs zèbrent le ciel sombre, le tonnerre gronde. Ces jours-ci, de violents orages s'abattent régulièrement sur la Suisse. Il n'est pas rare que des arbres soient victimes de ces fortes intempéries dans les forêts. Les gardes forestiers doivent alors intervenir pour enlever les troncs tombés à terre. C'est une activité très risquée: être garde forestier est le métier le plus dangereux de Suisse. Il n'est alors pas rare que des accidents graves se produisent lors de ces missions.
Peter Hofstetter, d'Entlebuch (LU), fait partie des victimes de ce genre d'accidents. Le 8 janvier 2018, sa vie a basculé. Ce paysan de montagne et exploitant de fromagerie se rappelle du jour du drame, alors que la tempête Burglind balayait la Suisse le 3 janvier 2018. Divers arbres de la forêt familiale avaient été victimes des fortes rafales de vent. L'agriculteur de formation n'a pas hésité: «J'ai dit à mon fils que c'était maintenant qu'il fallait aller abattre les frênes pourris - sinon un mouton dans le pâturage pourrait être écrasé par la chute d'un arbre.»
Presque asphyxié
Comme il en avait l'habitude, Peter Hofstetter prend la scie quelques jours plus tard et abat arbre après arbre. Mais comme ceux-ci ne font généralement pas de feuilles en janvier, il n'avait pas pu constater l'étendue de la maladie et des ravages des troncs. C'est cela qui lui aura été fatal. Il a abattu un frêne comme il l'a toujours fait, raconte l'agriculteur formé, «mais la cime de l'arbre s'est brisée et m'est tombée dessus. Je n'avais aucune chance de l'éviter.»
Heureusement, son fils était lui aussi dans la forêt non loin de là. «Il m'a appelé, raconte le Lucernois. Comme il n'avait pas de réponse, il a voulu voir si j'allais bien et m'a trouvé par terre.» Peter Hofstetter est resté presqu'inconscient après avoir heurté par l'arbre coupé, il a eu des trous de mémoire, explique ce père de cinq enfants, «mais je me souviens d'un moment où j'ai dit à mon fils que je n'en pouvais plus.» L'agriculteur arrachait l'herbe autour de lui en se tordant de douleur. En outre, il a failli s'étouffer: une côte s'était enfoncée dans ses poumons et lui avait coupé le souffle. Sa vie ne tenait qu'à un fil.
«Comme si j'avais deux manches à balai dans le dos»
L'éleveur de moutons est resté six semaines aux soins intensifs, il n'a aucun souvenir des quatre premières. Il se souvient bien des deux dernières et de sa rééducation intensive au Centre suisse des paraplégiques. Il a subi plusieurs opérations: «Sur ma peau, je n'avais que deux petites égratignures, mais j'ai eu diverses blessures internes graves, et la moelle épinière a été touchée. Aujourd'hui encore, j'ai quatre barres de fer et 22 vis dans le dos.» Si cela est désagréable, il ne ressent aucune douleur: «J'ai l'impression d'avoir deux manches à balai dans le dos.»
Ces dernières années, ce père de famille s'est battu pour redevenir actif: «J'ai la chance de n'avoir qu'une paraplégie incomplète, explique-t-il. Après quelques semaines seulement, j'ai retrouvé des sensations dans mes jambes et j'ai même pu faire quelques pas.» L'espoir a grandi en lui grâce aux progrès constants de sa guérison. «Et la foi m'a beaucoup aidé.»
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Le rêve d'abattre des arbres
Une vie sans fauteuil roulant ne sera sans doute plus jamais possible. Mais Peter Hofstetter sait se débrouiller: «Je suis très indépendant. Je travaille comme chef d'exploitation dans la fromagerie et je suis employé à temps partiel par la paroisse, je conduis une voiture spécialement aménagée, j'ai un vélo électrique à trois roues, et l'hiver dernier, j'ai même recommencé à skier.» Sur les pistes, il n'est toutefois pas aussi à l'aise qu'avant, dit-il en souriant: «Je skie assis avec un monoskibob, ce qui demande beaucoup d'équilibre.»
Malgré son accident, le paraplégique aime toujours la forêt. «Cette odeur de sciure fraîche, il n'y a rien de mieux», s'enthousiasme-t-il. Est-ce qu'il retournerait s'occuper des arbres? «Actuellement, c'est un grand rêve pour moi, mais qui restera probablement un rêve. Physiquement, ce n'est tout simplement plus possible.» S'il le pouvait, il le ferait donc même après son accident. Il conclut: «Il y a toujours un risque, il faut simplement en être conscient.»
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(Adaptation par Lliana Doudot)