À l'occasion de la campagne de sensibilisation du cancer du sein qui a lieu chaque année durant le mois d'octobre, nous avons republié ce témoignage paru initialement en mai 2022.
«Le Covid m’a sauvé la vie. Oui, je sais, c’est bizarre à dire, mais c’est vrai. C’est lorsqu’on m’a diagnostiqué un Covid qu’on a appris que j’avais un double cancer au niveau des seins.
C’est par souci de protection de la personnalité que Blick a accédé à la demande d’anonymisation de notre témoin. Cette dernière a souhaité protéger son identité afin de ne pas mettre à mal sa carrière professionnelle et sa vie de famille.
C’est par souci de protection de la personnalité que Blick a accédé à la demande d’anonymisation de notre témoin. Cette dernière a souhaité protéger son identité afin de ne pas mettre à mal sa carrière professionnelle et sa vie de famille.
Tout a commencé en décembre de l’année dernière. J’avais une sorte de grippe avec des douleurs articulaires et des maux de tête. Jusque-là, rien de bien alarmant. J’ai fait un autotest qui s’est révélé être positif. J’ai ensuite foncé faire un test PCR qui, lui aussi, était positif. Apparemment, ce n’était pas Omicron, mais un variant plus agressif. Après une semaine passée au fond de mon lit, j’ai été prise d’une grosse toux. J’avais l’impression que j’allais cracher mes poumons! Comme la situation devenait inquiétante, j’ai appelé le Service du médecin cantonal qui m’a demandé d’aller faire une radio des poumons le jour même. Je suis donc allée à la clinique où le médecin a décidé de m’hospitaliser car mon état se dégradait à vue d’œil. C’était le 5 janvier 2022. Sur place, ils m’ont fait un scanner et il s’est avéré que l’organe était touché entre 10 et 15%.
À l'occasion de la campagne de sensibilisation du cancer du sein qui a lieu chaque année durant le mois d'octobre, Blick a prévu toute une série d'articles sur le sujet.
Voici les épisodes à lire au plus vite!
- Rétrospective sur la maladie et son histoire: «La vie des survivantes du cancer du sein reste encore difficile»
- Témoigne d'une survivante: «Le Covid m'a sauvé la vie: il m'a permis de détecter mon cancer du sein»
- L'étude du cancer dans la science: «Les jeunes générations ont plus de risques d'avoir un cancer du sein»
- Autoexamen et cancer du sein: Tout savoir sur les symptômes et l'auto-palpation
À l'occasion de la campagne de sensibilisation du cancer du sein qui a lieu chaque année durant le mois d'octobre, Blick a prévu toute une série d'articles sur le sujet.
Voici les épisodes à lire au plus vite!
- Rétrospective sur la maladie et son histoire: «La vie des survivantes du cancer du sein reste encore difficile»
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- Autoexamen et cancer du sein: Tout savoir sur les symptômes et l'auto-palpation
Une myriade d’analyses
Face aux images, le médecin m’a expliqué voir un ganglion sous l’aisselle gauche en plus du Covid dans les poumons. Même si le ganglion était assez gros, soit 2,8 centimètres, les médecins ont essayé de ne pas m’inquiéter en m’expliquant que ça pouvait être une réaction du système immunitaire face au virus. Cependant, ils refusaient de me laisser partir avant d’avoir effectué des analyses supplémentaires.
Comme j’étais en isolement, le personnel médical n’avait pas le droit de m’emmener dans d’autres services pour faire les analyses. Je suis donc restée dans ma chambre d'hôpital jusqu’au 19 janvier. La semaine suivante, j’ai dû passer tout un tas de tests: mammographie avec échographie et biopsies, IRM, échocardiogramme, prise de sang, PET-scan, tout y est passé ou presque…
C’est le lundi 31 janvier que la nouvelle est tombée. J’avais rendez-vous chez ma gynécologue qui avait reçu les résultats des examens. Elle m’a expliqué que j’avais une tumeur dans chaque sein, en plus du ganglion. Deux jours après, j’avais rendez-vous chez une chirurgienne qui m’a annoncé de but en blanc qu’on m’opérait le vendredi 4 février. J’allais subir une double mastectomie, suivie d’une reconstruction mammaire.
Pas le temps de réfléchir
Vous devez vous dire qu’au moment d’apprendre la nouvelle, je devais être effondrée, apeurée, en colère, triste… mais non. En fait, je n’ai pas eu le temps de digérer l’information et de réaliser ce qu’il se passait. Tout est allé tellement vite. Dans ma tête, je devais déjà récupérer du Covid qui m’avait beaucoup fatiguée. Pour le reste, je me disais: 'On verra bien'.
En revanche, je me souviens avoir eu très peur de me retrouver le torse tout plat, à l’image des photos de femmes opérées de cancer du sein que l’on trouve sur Net. Je trouve ces clichés horribles et ils m’ont vraiment marquée. Vous savez, c’est très difficile pour une femme de ne plus avoir de poitrine. C’est comme si on vous enlevait une partie de votre féminité. Heureusement pour moi, le plasticien a reconstruit ma poitrine directement après que la chirurgienne m’a retiré les tumeurs sous chaque mamelon, un ganglion sentinelle sous l’aisselle droite et tous mes ganglions sous l’aisselle gauche (dont deux atteints). L’intervention a duré 4h30 au total, un vrai massacre!
Au moment de me réveiller, j’avais deux ballons à la place des seins [rires]. Oui parce que c’était tout enflé donc ma poitrine paraissait plus grosse. Je me suis dit 'Yes!'. Je m’en amuse aujourd’hui parce qu’entre nous, c’est mieux que d’en pleurer…
En tout cas j’étais rassurée, mes seins étaient encore là, il ne me manquait 'que' mes tétons, qui ont malheureusement été remplacés par deux grosses cicatrices. Et d’horribles douleurs durant plus d’un mois…
Un cancer à 8 ans…
Pendant l’opération, les médecins ont prélevé un échantillon qu’ils ont envoyé aux États-Unis. Là-bas, des analyses très poussées sont effectuées afin de savoir si le patient devra subit une chimiothérapie et laquelle il faut privilégier. Et puis, tous les mardis soir, les médecins discutent lors de ce qui s’appelle un tumor board. La réunion rassemble plusieurs docteurs Romands ayant diverses spécialisations médicales. Ensemble, ils prennent les décisions concernant les traitements à effectuer et les diverses médications. Finalement, l’oncologue en discute avec le patient, qui peut accepter ou refuser une intervention. Heureusement, ils ont décidé que je n’avais pas besoin de suivre une chimiothérapie. Pour moi, la chimio était la pire chose envisageable. J’avais extrêmement peur. C’est comme si je devais revivre ce cauchemar d’enfant à nouveau.
Petite, j’avais déjà eu un cancer: une tumeur du thymus aussi appelée un lymphome T, un cancer rare, tout comme le fait d’avoir un double cancer des seins… Au début, on pensait que c’était une simple angine. Mais plus le temps passait, plus j’avais du mal à boire et manger. Sur la fin, je me souviens que je suçais des glaces calippo juste pour avoir un peu de fraîcheur et de goût. Je recrachais ensuite ma salive qu’il m’était impossible d’avaler tant j’avais mal et tant ma gorge était enflée. Au bout de quatre jours sans rien ingurgiter, j’ai été emmenée aux HUG. Après de multiples recherches, les médecins ont enfin découvert ce que j’avais. J’ai finalement été hospitalisée pour m’ôter la tumeur juste avant de fêter mes 9 ans…
J’ai ensuite subi une seconde opération pour me placer un port à cath (PAC) sous la peau. Il s'agit d'un dispositif qui permet m'administrer les chimiothérapies et autres médicaments et ainsi éviter ainsi d’abîmer les veines dans lesquelles on pique usuellement.
Éviter la chimio à tout prix
Cette période de ma vie m’a laissé de nombreuses séquelles physiques et psychologiques que je tente de guérir encore aujourd’hui, 30 ans plus tard. À l’âge de 9 ans, j’ai vu mes beaux cheveux tomber par poignées, la cortisone m’a rendue obèse en quelques mois, j’ai perdu tous mes amis, tous mes repères. Je souffrais dans mon corps et dans mon âme et je voulais mourir.
Les autres enfants se moquaient de moi et parfois même certains adultes. Des gamins s’amusaient même à me piquer mon bonnet en hiver alors que je n’avais plus un cheveu sur la tête. Durant des années on m’a insultée et humiliée parce que j’étais malade et différente. Mon enfance et mon adolescence m’ont été volées par le cancer, le manque de soutien et la méchanceté des gens.
Sans oublier que je passais des semaines à l’hôpital et je n’avais le droit à aucune visite. En effet, j’étais souvent en isolement car mes défenses immunitaires étaient trop basses. Je me sentais très seule et trahie par mes propres parents qui m’emmenaient dans cet horrible endroit où je ne faisais que souffrir.
Physiquement, j’en ai bavé aussi. J’ai beaucoup vomi, ce qui est plutôt fréquent lorsqu’on subit des chimiothérapies. Ça a laissé des séquelles puisque j’ai eu des ulcères et que je souffre désormais d’une gastrite de l’œsophage. On a aussi récemment découvert que j’ai des soucis cardiaques, des reliquats de mes chimiothérapies effectuées durant l’enfance…
Alors, lorsqu’on a prélevé un peu de ma chair pour la faire analyser outre-Atlantique et savoir si j’allais revivre le calvaire de la chimio, j’ai eu une bouffée de stress. Après dix jours d’attente, le verdict est tombé: j’échappais à la chimiothérapie. Je l’ai vécu comme une sacrée délivrance.
Le cancer: même pas peur
J’imagine que malgré tout, beaucoup de femmes auraient été écroulées à ma place. Enchaîner les cancers, dont deux en même temps alors que je n’étais censée avoir qu’un 'simple' Covid, ce n’est pas vraiment commun. Mais à part la crainte de subir une autre chimio, le cancer ne m’a pas tant effrayée que cela. Dans ma tête, je me disais que c’était du déjà-vu, que j’avais déjà vaincu cette saloperie…
Et puis, il faut dire que je ne l’avais pas du tout vu venir. À part une grande fatigue, je ne sentais rien du tout. La mammographie de 2019 était normale et lors de mon contrôle médical annuel en septembre 2021, ma gynéco n’avait rien vu du tout.
Protégée par un doudou
Le plus difficile dans tout ça, c’est d’avoir dû laisser mon fils entre les mains d’autres personnes. J’ai été absente trois semaines au total et pour un enfant de 4 ans, ça fait beaucoup. Heureusement, ma sœur a pu s’en occuper lorsque j’ai été opérée. Avant de m’en aller à l’hôpital, il a tenu à me prêter son doudou pour qu’il prenne soin de moi. C’était très mignon. Du coup, lorsqu’on s’appelait en visioconférence, j’étais toujours accompagnée du doudou pour le rassurer et lui montrer que tout allait bien.
Franchement, heureusement qu’on a WhatsApp ou FaceTime aujourd’hui. Ça facilite tellement la communication et le contact! Moi, je n’avais pas ça lorsque j’étais petite. Je pense que ça aurait fait toute la différence.
Maintenant que je suis enfin de retour à la maison, je remarque que mon fils, d’habitude assez brusque, se montre très doux avec moi et me couve de baisers. Je lui ai montré mes cicatrices et lui ai expliqué qu’il s’agissait de 'gros bobos' et qu’il fallait faire attention. Il a tout de suite compris!
Boucler la boucle
Aujourd’hui, j’ai l’impression que le plus lourd est derrière moi. Après mon opération, j’ai suivi une radiothérapie qui a pris fin le 29 avril. L’intervention consiste à utiliser des radiations pour détruire les cellules cancéreuses et vous savez, 25 séances c’est long… ça fatigue énormément! Le soir même je suis quand même allée fêter ça avec mes copines car finalement, on n’a qu’une vie et il faut en profiter. Tant pis pour les douleurs et la fatigue. Aujourd’hui je veux vivre!
Je vais bientôt débuter une hormonothérapie: je devrai prendre un médicament tous les jours et recevoir une injection tous les 29 jours durant 5 ans! Et dans une année, je pourrais probablement enfin bénéficier d’une reconstruction esthétique de la poitrine.
Alors oui, je suis épuisée puisque je n’ai pas arrêté depuis décembre. Mais peut-être que cet épuisement n’est pas anodin, justement. J’ai comme l’impression de m’être libérée d’un gros poids. J’ai fermé la boucle d’un truc qui n’avait jamais guéri mentalement depuis mon enfance. Je ne me demande plus 'pourquoi moi', je ne me dis plus que c’est de ma faute car maintenant je sais que ce n’est pas le cas. En fait, je vois tout avec un regard d’adulte désormais et je sais que la maladie n’est pas une punition pour quelque chose que j’aurais mal fait. Cette conviction de petite fille s’en est allée. J’ai le sentiment que je peux enfin souffler, que tout est sorti. Tout ça, c’est un peu le Covid qui l’a déclenché… c’est le virus qui m’a permis de déceler le cancer du sein numéro 2 et le numéro 3. Donc oui je peux dire merci, merci au Covid!»
* Nom connu de la rédaction
D’après une enquête de l’Organe national d’enregistrement du cancer (ONEC), plus de 6200 nouveaux cas de cancer du sein ont été diagnostiqués chaque année en Suisse entre 2013 et 2017. Le cancer du sein est donc l’un des cancers le plus fréquent chez les femmes.
La moitié des cancers du sein sont diagnostiqués après 64 ans et la moitié des décès sont enregistrés après 75 ans. Le risque de mourir d’un cancer du sein est 2,4%. À noter que le risque de mourir à la suite d’un cancer du sein augmente à partir de 30 ans.
D’après une enquête de l’Organe national d’enregistrement du cancer (ONEC), plus de 6200 nouveaux cas de cancer du sein ont été diagnostiqués chaque année en Suisse entre 2013 et 2017. Le cancer du sein est donc l’un des cancers le plus fréquent chez les femmes.
La moitié des cancers du sein sont diagnostiqués après 64 ans et la moitié des décès sont enregistrés après 75 ans. Le risque de mourir d’un cancer du sein est 2,4%. À noter que le risque de mourir à la suite d’un cancer du sein augmente à partir de 30 ans.