Grands espoirs à Lausanne
Trois patients paraplégiques remarchent grâce à l'électronique

Grégoire Courtine à l'EPFL et Jocelyne Bloch au CHUV de Lausanne ont franchi une nouvelle étape dans leurs efforts pour rendre leur mobilité aux paraplégiques. Trois de leurs patients peuvent désormais marcher hors laboratoire grâce à une technologie améliorée.
Publié: 07.02.2022 à 19:38 heures
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Dernière mise à jour: 07.02.2022 à 21:18 heures
Un patient paraplégique après plusieurs mois de réadaptation.
Photo: EPFL

L’image avait fait le tour du monde, fin 2018. David Mzee, un patient rendu paraplégique lors d’un accident de sport ayant provoqué une lésion partielle de sa moelle épinière, quittait sa chaise roulante pour se mettre à marcher avec l’aide d’un déambulateur. La réactivation de la moelle épinière avec des stimulations électriques donnait là les premières preuves de sa pertinence.

Trois ans plus tard, une nouvelle étape est franchie par les équipes de deux Professeurs, Grégoire Courtine, neuroscientifique à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), et Jocelyne Bloch, neurochirurgienne au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Ensemble, ils présentent de nouveaux résultats dans la revue «Nature Medicine».

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Grâce au développement d'implants optimisés pour stimuler la région de la moelle épinière qui contrôle les muscles du tronc et des jambes et d’un nouveau logiciel intégrant de l’intelligence artificielle, trois patients qui ont souffert d’une lésion complète de la moelle épinière sont à présent capables de marcher en dehors du laboratoire, ont indiqué lundi les deux institutions lausannoises.

«Imiter la nature»

«Nos algorithmes de stimulation continuent à imiter la nature», explique Grégoire Courtine. «Les nouveaux implants souples que nous plaçons sous les vertèbres au contact de la moelle épinière sont capables de moduler les neurones qui régulent l’activité de groupes musculaires précis. On peut ainsi activer la moelle épinière comme le cerveau le ferait naturellement pour tenir debout, marcher, faire du vélo ou de la natation», ajoute le chercheur.

Michel Roccati, un patient italien qui souffre d’une paraplégie complète à la suite d'un accident de moto survenu quatre ans plus tôt, a reçu en 2020 le nouvel implant. «Au début, après l'opération, j'étais déjà capable de bouger les muscles. Les tout premiers pas ont été vraiment incroyables, inespérés», a-t-il déclaré lors d'un point de presse organisé par l'éditeur de la revue scientifique.

«Je m’entraîne énormément depuis plusieurs mois. Je fixe mes objectifs. Je peux même monter et descendre des escaliers. Je pense pouvoir franchir un kilomètre d'ici au printemps», ajoute M. Roccati. Deux autres patients suivent avec succès le même protocole.

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La vidéo complète de l'EPFL sur les patients.

Des différences importantes

«Il n'y a pas de miracle, tout n'est pas parfait, et la réadaptation est un élément important», a souligné Grégoire Courtine. Il y a aussi des différences selon le type de lésion, l'âge ou encore la motivation du patient.

«La clé de ces progrès a été de pouvoir insérer un implant plus long et plus large, avec des électrodes disposées de manière à les faire correspondre précisément aux racines nerveuses de la moelle épinière qui nous permettent d’accéder aux neurones contrôlant les muscles», précise Jocelyne Bloch. Cela permet davantage de sélectivité et de précision dans le contrôle des séquences motrices associées à chaque activité.

«En une seule journée après l’activation de leur implant, nos trois patients pouvaient se lever, marcher, pédaler, nager et contrôler des mouvements du tronc», complète Grégoire Courtine. Ceci grâce à des programmes de stimulation spécifiques à chaque type d’activité, qui peuvent être sélectionnés à la demande sur une tablette, et ensuite générés par un pacemaker implanté dans l’abdomen.

Progrès spectaculaires après quelques mois

C’est après quelques mois que les progrès se sont révélés les plus spectaculaires. Un programme d’entraînement a permis aux patients de regagner de la masse musculaire, d’augmenter leur autonomie de mouvement, et de renouer avec certaines activités sociales, comme partager une boisson debout à un bar, par exemple.

Grâce à la miniaturisation des équipements, ces entraînements peuvent se dérouler en extérieur et non plus seulement dans un laboratoire. Ils sont toutefois jugés encore trop complexes et une des prochaines étapes sera de relier le stimulateur directement à un smartphone, a relevé Grégoire Courtine.

Le but est de disposer d'une technologie facile à utiliser avec une mise en oeuvre le plus rapidement possible après la lésion, ce qui favorise la récupération. Une électronique personnalisée est également envisagée, selon le spécialiste.

Aucun effet secondaire, douleur ou autre, n'a été enregistré, selon Jocelyne Bloch. L'électrode devrait être implantée à vie chez le patient, tandis que le pacemaker devrait être changé tous les dix ans environ.

Les scientifiques entendent maintenant valider leur technique à travers de grandes études cliniques. Avec pour objectif de la rendre disponible pour tous d'ici quelques années.

(ATS)

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