Les parents d'un donneur d'organes
«Grâce à Noah, cinq personnes peuvent continuer à vivre»

Après le grave accident de leur fils Noah, 17 ans, Daniela et Marc Paltzer ont décidé de faire don de ses organes. Grâce à ce geste, cinq personnes ont pu être sauvées ou voir leur vie s'améliorer. Témoignage.
Publié: 19.04.2022 à 06:15 heures
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Marc et Daniela Paltzer ont perdu leur fils Noah il y a près de deux ans. Ils ont décidé de faire don de ses organes.
Photo: STEFAN BOHRER
Gianna Blum

C’est en automne, après le premier semi-confinement dû à la pandémie de Covid-19. Daniela et Marc Paltzer voulaient partir quelques jours en vacances au Tessin, pour la première fois sans leurs deux fils. Le plus jeune des deux, Noah, devait se rendre à son entraînement de basketball avant d’aller à une fête. «Il nous a fait signe du haut des escaliers et a voulu partir», se souvient Daniela Paltzer. Elle lui aurait demandé de revenir et de lui dire au revoir «correctement». C’était la dernière fois qu’elle prenait son fils dans ses bras.

Quelques heures plus tard, les parents ont reçu l’appel qui a brisé leur vie. À un carrefour non loin de la maison familiale, un jeune conducteur de 19 ans n’avait pas vu la moto de leur fils. Noah Paltzer, 17 ans, a perdu connaissance sur les lieux de l’accident et ne s’est plus jamais réveillé.

Un cœur hors du corps

«À l’hôpital, ils ont assez rapidement évoqué la possibilité d’un don d’organes», raconte Marc Paltzer. Les parents n’avaient jamais abordé ce sujet avec leur fils. «Nous nous sommes demandé ce que Noah dirait si c’était moi qui étais sur le lit d’hôpital. Et là, la réponse était claire.» Le père, lui-même motard passionné, possède une carte de donneur d’organes depuis de nombreuses années.

Les Paltzer sont en couple depuis plus de 25 ans. Aucun d’eux n’a une formation médicale. Lui est à la direction d’une entreprise de logistique, elle travaille à la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse. Malgré cela, ils peuvent connaissent désormais tous les termes techniques liés à ce qui se passe en cas de mort cérébrale ou les possibilités de don d’organes.

Ils savent maintenant qu’un cœur doit être transplanté en quelques heures pour qu’il puisse battre à nouveau dans un autre corps. Ou que l’on peut diviser un foie en deux et ainsi permettre à plusieurs personnes de devenir receveurs, comme ce fut le cas pour Noah. «J’ai toujours demandé, demandé, demandé», se souvient Daniela Paltzer.

Noah a été déclaré en état de mort cérébrale deux jours après l’accident. Ses organes ont été prélevés 36 heures plus tard. L’équipe de l’hôpital universitaire de Bâle, où Noah a été soigné, a été très professionnelle et empathique. «Nous n’avons jamais eu le sentiment qu’ils considéraient Noah comme un stock de pièces détachées», explique le père de famille, même si son fils, en tant que donneur jeune et en bonne santé, l’était en quelque sorte. Cinq personnes ont reçu des organes de Noah, dont le cœur, le foie et les deux reins.

Lettres aux receveurs

Les cinq personnes qui ont reçu des organes ne connaissent pas les Paltzer. L’anonymat est obligatoire pour le don d’organes en Suisse. Par l’intermédiaire de la fondation Swisstransplant, Daniela Paltzer a toutefois pu leur écrire. «Je voulais qu’ils sachent à quel point Noah était une personne merveilleuse», explique-t-elle. Et il était important pour elle que les receveurs ne se sentent pas coupables d’avoir profité de la mort de leur fils.

Ils ont reçu une carte de remerciement de la part des parents d’un jeune enfant qui a reçu l’un des reins de leur fils. Un deuxième receveur a également répondu via ses parents. «Les autres n’ont pas répondu. Et c’est très bien ainsi», assure Daniela Paltzer.

La campagne de votation bat son plein

En ce moment, le don d’organes occupe aussi la Suisse politique. Dans le village de Bâle-Campagne où les Paltzer habitent depuis plus de 20 ans, les maisons individuelles se succèdent. À chaque carrefour ou presque, l’affiche de l’UDC pour la votation ne manque pas. «Don d’organes forcé? Non!», peut-on y lire, avec l’image d’un scalpel en dessous. Marc Paltzer, qui passe tous les jours devant ces affiches, ne peut que lever les yeux au ciel: «Ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit!»

Avec la votation du 15 mai, c’est un changement de paradigme qui est en jeu. Actuellement, si la volonté d’une personne n’est pas connue, ce sont les proches qui doivent donner l’autorisation ou non d’un don d’organes. Une décision souvent difficile à prendre. À l’avenir, dans de tels cas, il faudra partir du principe que le patient avait dit oui – ce qui conduit l’UDC à estimer que cela révèle de la contrainte. Le prélèvement d’organes reste interdit s’il est prouvé que quelqu’un s’y est opposé de son vivant.

Fierté du fils

Les Paltzer sont d’accord pour dire que le débat sur le vote est plus important que le vote lui-même. En tant que parents, ils ont vécu le pire: la mort de leur propre enfant. Pourtant, tous deux ne cachent pas leur histoire. Ils ont même témoigné en détail dans une vidéo pour Swisstransplant et sont volontiers disponibles pour donner davantage d’informations. Leur message est toujours le même: réfléchissez à la question de savoir si vous voulez faire don de vos organes. Faites-le savoir à vos proches, et ce, suffisamment tôt.

Après l’enterrement de son fils, Marc Paltzer s’est senti «follement vide», se souvient-il. «Chaque séance me semblait être une perte de temps.» Pour lui, s’engager est au contraire porteur de sens. «Bien entendu, chacun doit pouvoir décider s’il est pour ou contre le don d’organes, souligne-t-il. Mais pour les proches, cela enlève une pression incroyable si la volonté est connue.»

«Il y a aussi une part de fierté, ajoute Daniela Paltzer. Cinq personnes sont en vie ou ont une meilleure qualité de vie grâce à notre Noah.» Dans toute cette douleur, le drame que sa mort a causé à sa famille a pu avoir des répercussions positives malgré tout.

(Adaptation par Louise Maksimovic)

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