C’est avec 9 à 14 litres d’eau potable que nous diluons notre urine à chaque fois que nous nous soulageons. A l’heure où se profile une pénurie d’eau en Suisse, cela semble un grand gaspillage. «Notre gestion conventionnelle de l’eau n’est pas viable et atteint visiblement ses limites», assène Max Maurer, professeur de systèmes de gestion des eaux urbaines à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ).
Selon lui, le fait que l’eau de vaisselle et de douche atterrisse dans le même bassin d’épuration que nos excréments est également un non-sens économique et écologique: nous éliminons de précieuses substances chimiques comme le phosphore (urine) ou l’azote (matières fécales), que nous brûlons tout simplement sous forme de boues d’épuration.
C’est pourquoi plusieurs chercheurs de l’EPFZ et de l’Institut fédéral pour l’aménagement, l’épuration et la protection des eaux (Eawag) planchent depuis longtemps, sous la direction de Max Mauer, sur les futurs procédés de traitement des eaux usées, qui doivent permettre à la fois d’extraire et de réutiliser ces matières premières.
Le principe clé est la décentralisation: au lieu d’être traitées dans de grandes stations d’épuration, les eaux usées – qui comprennent les eaux grises (douches, lavabo, lave-vaisselle…), ainsi que les chasses d’eau et les matières fécales – devraient être transformées sur place.
Réutiliser les matières fécales et l’urine
L’EPFZ n’est pas la seule à se pencher sur le sujet: l’entreprise suisse Vuna propose, entre autres, des solutions décentralisées pour les eaux usées. D’une part, les eaux grises sont conduites dans de petits bassins avec des plantes qui épurent. D’autre part, les matières fécales sont séparées du reste dans des toilettes sèches à l’aide d’un système spécial développé à cet effet, puis transformé en terreau riche en nutriments. L’urine est également collectée, puis convertie en un engrais liquide riche en phosphore.
L’Ecole polytechnique zurichoise présente désormais ses nouveaux projets. Elizabeth Tilley, professeur de Global Health Engineering (en français: ingénierie de la santé mondiale) à l’EPFZ, a par exemple développé un procédé qui permet de transformer les matières fécales non seulement en engrais, mais aussi en biogaz.
Les matières fécales fermentent dans une sorte de ballon en caoutchouc, produisant un gaz riche en méthane qui peut être utilisé pour la cuisine et le chauffage, et même pour brûler les boues d’épuration restantes de manière à tuer tous les agents pathogènes et à produire un engrais hygiéniquement irréprochable.
Des WC décentralisés pour les particuliers
Les solutions de Vuna et de l’EPFZ ont été initialement développées pour les pays en voie de développement. Mais Kai Udert, professeur de l’Institut d’ingénierie de l’environnement de l’EPFZ, voit un grand potentiel chez nous: «Ces concepts deviennent intéressants pour la Suisse aussi.»
Max Maurer et Kai Udert partent du principe que les microstations d’épuration décentralisées et les petites installations de production de biogaz pour le chauffage et la cuisine seront bientôt disponibles pour les maisons et les lotissements. Tôt ou tard, selon l’engagement des milieux politiques et économiques, la chasse d’eau classique disparaîtra pour de bon. Ce sera l’ère des WC du futur!