Chronique de Sonia I. Seneviratne
Dans la lutte pour le climat, que signifie «zéro émission nette»?

Dimanche dernier, la Suisse est entrée dans le cercle des 20 pays qui ont figé la lutte pour l'environnement dans une loi avec un objectif «zéro émission nette». Mais que signifie ce terme? Explications de Sonia l. Seneviratne, professeure à l'EPFZ.
Publié: 23.06.2023 à 18:06 heures
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Dernière mise à jour: 26.06.2023 à 07:32 heures
Sonia I. Seveviratne, professeure à l'EPFZ, nous explique ce que signifie la «zéro émission nette» après l'acceptation de la loi sur le climat par le peuple suisse dimanche 18 juin.

Le peuple suisse a accepté la loi climat dimanche 18 juin. C'est un pas important vers une plus grande contribution du pays à la protection du climat. La Suisse fait donc désormais partie des plus de 20 pays au monde qui ont inscrit un objectif zéro émission nette dans une loi.

Mais que signifie exactement cet objectif? A quoi correspond le «zéro» et le «net»? Comment s'assurer que nous atteignons effectivement l’objectif zéro émission nette?

Pays qui ont un objectif net zéro dans un texte de loi (https://eciu.net/netzerotracker)

La loi climat est très explicite. Elle définit l’objectif zéro émission nette comme la «réduction la plus importante possible des émissions de gaz à effet de serre et la compensation de l’effet des émissions restantes grâce au recours à des technologies d’émission négative.» Les technologies d’émission négative sont également définies explicitement comme les «procédés biologiques et techniques visant à extraire de l’atmosphère du CO2 et à le fixer durablement dans les forêts, les sols, les produits en bois ou d’autres puits de carbone». Un budget zéro émission nette se compose donc de deux éléments: une réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'élimination durable du CO2 de l'atmosphère grâce à ce que l'on appelle les «émissions négatives». En effet, chaque émission de CO2 entraîne une augmentation durable de la concentration atmosphérique de CO2 pendant des centaines, voire des milliers d'années.

Une durabilité difficile à garantir

Or, la priorité doit clairement être donnée à la réduction des émissions. Dans les scénarios qui, selon les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), pourraient assurer une stabilisation du réchauffement global à 1,5°C (sans grand dépassement), la part des émissions négatives est d'environ 10%. Concrètement, cela signifie que nous devons réduire les émissions actuelles de gaz à effet de serre d'environ 90%. En cas de zéro émission nette, environ 90% des émissions doivent donc être réduites à zéro et les 10% restants doivent être compensées.

Mais comment fonctionnent les technologies à émissions négatives? La loi suisse stipule que le CO2 éliminé doit être fixé «durablement». Ce n'est pas toujours le cas pour les puits de carbone basés sur la nature. Prenons par exemple une nouvelle forêt qui est plantée et qui doit agir comme un nouveau puits de CO2. Celle-ci peut brûler ou être abattue au bout de quelques années, ce ne permet pas d'en faire une garantie. Les solutions technologiques posent également des défis: il faut par exemple considérer l'ensemble du bilan écologique. Cela nécessite des mécanismes de contrôle minutieux, appelés «Monitoring, Reporting and Verification» (mesure, rapport, vérification).

Nous voyons que la réalisation d'un budget CO2 équilibré n’est pas triviale. Mais on peut aussi y voir un aspect positif: cela ouvre de nouvelles perspectives pour l'innovation et l'économie. Les Suisses et les Suissesses sont doués pour les chiffres et les budgets: ils étaient jusqu'à présent connus pour leurs compétences dans le secteur financier, espérons qu'ils le seront aussi à l'avenir pour le calcul fiable des budgets d’émissions de CO2 et des gaz à effet de serre.


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