Lorenz Kneubühler, François Chaix, Stephan Haag, Thomas Müller et Laurent Merz. Ces cinq juges, tous nés entre 1960 et 1965, composent la première Cour de droit public du Tribunal fédéral (TF). Ce sont eux qui devront se pencher sur l’avalanche de recours déposée à la suite de la révélation de l’erreur colossale de plusieurs milliards de francs dans les projections de l’AVS.
Pour mémoire, les femmes socialistes et les Vert-e-s, notamment, estiment que la population a été trompée par les chiffres erronés de la Confédération au moment de voter sur la réforme AVS21. Un projet approuvé de justesse dans les urnes en septembre 2022 qui prévoyait — entre autres — la hausse de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans.
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Avant de céder à la politique-fiction et de nous pencher sur cette poignée d’hommes qui décidera du destin de toutes les femmes du pays, posons brièvement le décor. En règle générale, les cours statuent à trois juges. Deux juges peuvent toutefois s’ajouter aux débats si la cause «soulève une question juridique de principe» ou si un magistrat en fait la demande, dispose l’article 20 de la Loi sur le Tribunal fédéral (LTF).
Une majorité opposée à AVS21
Il est probable que cela soit le cas ici. La composition de ce très sérieux cénacle est loin d’être anodine. Dans le cas où ses cinq membres devraient statuer, une sensibilité différente de celle des recourants se dessine.
Le président de la première Cour de droit public, Lorenz Kneubühler, est membre du Parti socialiste (PS). François Chaix a sa carte au Parti libéral-radical (PLR). Stephan Haag, quant à lui, est enregistré chez les Vert’libéraux. Thomas Müller à l’Union démocratique du centre (UDC) et Laurent Mertz chez les Vert-e-s. Dans le lot, seuls les écologistes et le parti à la rose étaient défavorables à AVS21. Concrètement, en prenant ce seul critère politique, sur les cinq juges, cela en fait donc trois membres d’un parti alors favorable à la révision aujourd’hui attaquée.
Des prises de position en lien
Attention, toutefois, aux raccourcis trop tentants. Cette tendance politique n’est pas la garantie d’une lecture du droit qui irait dans le même sens. Si dans certains pays les juges ne peuvent pas être membres d’une formation politique, en Suisse, adhérer à un parti est une condition pour le devenir en étant élu par le Parlement. Le choix d’une famille politique peut par conséquent davantage se révéler tactique qu’idéologique. Par ailleurs, la question à laquelle le boys club qui nous intéresse devra répondre ne se confond pas avec l’objet de la votation puisque celle-ci peut se résumer de cette manière: «Est-ce que l’erreur de chiffres des autorités était suffisamment importante pour entacher la fiabilité du scrutin?»
Le CV de ces pontes du droit
Au-delà des étiquettes partisanes, ces appréciateurs, fruits du baby-boom, ont tous le même profil: masculin (on l’a dit), blanc et expérimenté. Ainsi, Lorenz Kneubühler a vu le jour le 22 juin 1965, dans le canton de Berne. Après son doctorat, il fait un master en administration publique à l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) de Lausanne. Il a ensuite multiplié les lignes sur son CV jusqu’à son élection au TF le 13 juin 2012.
François Chaix, originaire de Genève, est né le 8 août 1964. Après son Magister Juris de l’Université de Trèves en Allemagne, son brevet d’avocat et son doctorat en droit au bout du Léman, le Romand a, lui aussi, gravi toutes les marches avant d’entrer au TF le 28 septembre 2011, plus haute instance juridique du pays dont il est le vice-président depuis 2023.
La première respiration de Stephan Haag remonte au 6 septembre 1960. Ce Thurgovien a étudié à Bâle, passé un brevet d’avocat et de notaire soleurois en 1987, puis a très vite gravité autour du TF, jusqu’à y entrer en tant que juge en septembre 2014.
Thomas Müller est un poil plus jeune. Né le 19 juillet 1964, ce Bernois a fait ses études, jusqu’au doctorat, dans son canton. Après avoir longtemps travaillé dans le milieu académique et judiciaire, cet expert réputé a été élu juge fédéral le 25 septembre 2019.
Dernier, mais pas des moindres: Laurent Merz. Ce Lausannois est venu au monde le 4 octobre 1964. Il a fait ses études de droit à la Ludwig-Maximilians-Universität à Munich et obtenu son brevet d’avocat en 1992. D’abord conseiller en Allemagne puis juge en terres vaudoises, il devient juge fédéral le 17 juin 2020.
Tous ces sages sont au crépuscule de leur carrière. Et ont désormais l’avenir de la retraite des femmes entre les mains.