Deux avocats, trois avis
Baptiste Hurni accuse Vincent Maitre de lancer des «fake news» sur l'AVS!

Le conseiller aux États socialiste neuchâtelois Baptiste Hurni accuse le conseiller national du Centre genevois Vincent Maitre d'avoir proféré de fausses informations en lien avec la reforme AVS21 dans une interview accordée à Blick. Ce dernier ne se dégonfle pas.
Publié: 13.08.2024 à 06:03 heures
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Dernière mise à jour: 13.08.2024 à 07:32 heures
Baptiste Hurni (à gauche), conseiller aux États socialiste neuchâtelois, dézingue certaines assertions de Vincent Maitre, conseiller national du Centre genevois.
Photo: Keystone
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Baptiste Hurni a manqué de s’étouffer en lisant l’interview de Vincent Maitre, conseiller national du Centre genevois, publiée par Blick ce vendredi. Voici la formule utilisée par le conseiller aux États socialiste neuchâtelois dans un courriel adressé à notre rédaction dans la foulée: «Fake news»!

Ce qui excite ainsi nos élus fédéraux, tous deux avocat, alors que la trêve estivale n’est pourtant pas encore terminée? L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et son erreur de 4 milliards de francs dans les projections des dépenses de l’AVS, évidemment.

Certaines déclarations, dans ce débat épidermique, font grincer des dents. Ainsi, le cador du parti à la rose n’avale pas deux points précis portés avec assurance par son adversaire du bout du Léman.

Hurni sort les gants de boxe

Souvenez-vous. Interrogé par nos soins sur une éventuelle nouvelle votation sur l’âge de la retraite des femmes au vu des révélations de ces derniers jours — comme le demande notamment la conseillère nationale socialiste vaudoise Jessica Jaccoud, Vincent Maitre était catégorique. «Très clairement: non. […] En outre, Madame Jaccoud, en tant qu’avocate, devrait savoir que les conditions légales à respecter pour annuler une votation sont clairement établies. Ici, certaines ne sont pas remplies.»

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Plus loin, questionné sur le recours de son parti à la votation de 2016 sur la pénalisation du mariage en raison — là aussi — d’une grossière erreur de chiffres, le parlementaire balayait la comparaison. «[…] Les circonstances étaient radicalement différentes. La régularité de la votation a été remise immédiatement en question après le vote du peuple, d’une part, et la loi n’était, d’autre part, pas encore entrée en vigueur au moment du recours. Ce sont d’ailleurs deux des conditions légales pour qu’un recours soit admis par les tribunaux. Or, dans le cas présent, on parle d’une votation ayant eu lieu il y a plus de deux ans et dont la réforme est déjà en vigueur. Ces conditions font clairement défaut. Je ne suis pas le seul à le dire, d’éminents professeurs de droit partagent cette lecture.»

Au bout du fil, ce lundi matin, Baptiste Hurni aiguise son verbe. «D’abord, Monsieur Maitre assure que, dans le cadre de l’initiative du Parti démocrate chrétien (PDC), 'la régularité de la votation a été remise immédiatement en question après le vote du peuple'. C’est faux!»

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«La première assertion de Monsieur Vincent Maitre, qui assène que le PDC a immédiatement contesté en 2016, est donc factuellement erronée»
Baptiste Hurni, conseiller aux États socialiste neuchâtelois
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Le sénateur argumente: «Le recours du parti a été déposé le 18 juin 2018 devant le Conseil d’État vaudois, soit plus de deux ans après que la population a glissé son bulletin dans l’urne. Dans le cas actuel, la votation a eu lieu le 25 septembre 2022, soit il y a moins de deux ans. La première assertion de Monsieur Vincent Maitre, qui assène que le PDC a immédiatement contesté en 2016, est donc factuellement erronée.»

Celui qui a par ailleurs rédigé avec son associé et camarade Romain Dubois le recours de plusieurs personnalités syndicalistes et socialistes dans l’espoir de faire annuler la votation litigieuse continue son exposé, arrêt du Tribunal fédéral à l’appui. «Concernant la deuxième assertion de Vincent Maitre sur la réforme AVS21, à savoir que la loi est entrée en vigueur, celle-ci est en tout cas à moitié incorrecte. L’augmentation de l’âge de la retraite — soit le cœur du projet — entrera en vigueur dès le 1er janvier 2025. Même si quelques outils du projet sont effectivement déjà appliqués, ce n’est pas le cas de la majorité des éléments prévus.» Il enchaîne, d'un ton péremptoire: «Par ailleurs, et plus généralement, le fait que la loi ne soit pas entrée en vigueur n’est absolument pas une condition légale pour faire recours.»

Maitre persiste et signe

Confronté aux éléments de Baptiste Hurni, Vincent Maitre «maintient intégralement [ses] propos»: «Concernant le délai, le recours du PDC à l’époque avait été déposé immédiatement après que les faits litigieux eurent été découverts. C’est cette condition qui doit être impérativement remplie: des faits découverts postérieurement et un recours déposé dans un délai de cinq jours dès la découverte de ces faits. Ici, c’est la date de découverte des faits litigieux — soit l’erreur de calcul — qui pourrait faire défaut pour un recours. Le PS et la gauche ont tout au long affirmé que les chiffres étaient faux et articuler leurs propres chiffres. Le recours pourrait donc être déclaré tardif par le Tribunal fédéral.»

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«Affirmer que le cœur du projet est le rehaussement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans est factuellement faux»
Vincent Maitre, conseiller national du Centre genevois
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Le centriste développe et insiste: «Affirmer que le cœur du projet est le rehaussement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans est factuellement faux. Le cœur de cette réforme était le refinancement pérenne de l’AVS. Le rehaussement de l’âge de la retraite des femmes n’était qu’une des multiples mesures prises par le Parlement.»

Vincent Maitre tire sa dernière cartouche: «Par ailleurs, le fait que la loi soit déjà entrée en vigueur est bel et bien un critère de recevabilité du recours, n’en déplaise à Monsieur Hurni. Le professeur Martenet l’a rappelé d’ailleurs expressément au 19h30 du mercredi 7 août (ndlr: dès 2:50 en cliquant ici).»

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Baptiste Hurni prend note… et pique: «Le délai de recours est de trois jours et non pas cinq (ndlr: c’est exact, art. 77 al. 2 LDP, le délai de cinq jours concerne l'étape suivante de la procédure au Tribunal fédéral, art. 100 al. b LTF). Par ailleurs, jamais dans la campagne nous n’avons su qu’il y avait une erreur de calcul. Nous avons fait recours dans les trois jours dès que nous avons appris cette erreur.» N’y a-t-il pas un dicton, un brin railleur, qui dit: «Deux avocats, trois avis…»?

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