L’erreur massive — environ 4 milliards de francs — dans le calcul de la situation financière de l’AVS a mis fin à la trêve politique estivale. À gauche, à l’instar de la conseillère nationale vaudoise socialiste Jessica Jaccoud, on s’étrangle et on s’appuie sur ces prévisions erronées pour demander à revoter sur la question de l’âge de la retraite des femmes.
À droite, même si on ne fait pas la même lecture des faits, on tombe aussi des nues. La conseillère nationale libérale-radicale (PLR) vaudoise Jacqueline de Quattro exige une enquête, tandis que son homologue genevoise de l’Union démocratique du centre (UDC) Céline Amaudruz dénonce dans sa chronique pour Blick «un fiasco qui sent l’amateurisme».
Toujours au bout du Léman, Vincent Maitre semble du même avis. Quoi qu’il en soit, le conseiller national du Centre n’a pas du tout apprécié les saillies du Parti socialiste (PS) dans cette affaire. L’avocat à la ville sort son gros bazooka et explique pourquoi il est, selon lui, impossible d’annuler la votation dans le viseur de ses adversaires politiques. Interview cash.
Vincent Maitre, les propos de la conseillère nationale socialiste vaudoise Jessica Jaccoud, qui accusent sur nos plateformes les partis bourgeois de mentir lorsqu’ils promettent un démantèlement inévitable de l’AVS, vous font bondir. Pourquoi?
Parce que je suis d’avis qu’elle devrait faire preuve d’un peu plus de modestie dans ses attaques. Monsieur Stéphane Rossini, qui dirige l’OFAS, est un ancien conseiller national socialiste. Monsieur Alain Berset, qui était le conseiller fédéral en charge, est aussi un camarade de parti de Madame Jessica Jaccoud, tout comme Elisabeth Baume-Schneider, qui lui a succédé.
Et alors?
Accuser la droite de mentir sur la base d’erreurs de calculs établis par une administration en mains socialistes, pour remettre en cause une votation populaire, c’est de la mauvaise foi carabinée, du populisme grossier.
Parlons franchement. Pour vous, le directeur de l’OFAS Stéphane Rossini doit sauter?
Ce n’est pas à moi d’en juger. C’est la responsabilité du Conseil fédéral qui devra tirer les conclusions qui s’imposent à la suite de l’enquête administrative en cours. Mais il est vrai que l’erreur dont nous parlons sape la confiance envers l’administration fédérale.
Faut-il revoter sur l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, qui a été acceptée de justesse en 2022, comme le demande Jessica Jaccoud?
Très clairement: non. Les enjeux de cette votation sont toujours d’actualité. Il s’agit d’assurer le financement de l’AVS sur le long terme. En outre, Madame Jaccoud, en tant qu’avocate, devrait savoir que les conditions légales à respecter pour annuler une votation sont clairement établies. Ici, certaines ne sont pas remplies. Force est de constater que le PS respecte la démocratie et l’expression de la volonté de la population seulement quand cela l’arrange.
Pourtant, quand on regarde la jurisprudence, on a le sentiment que la situation est quasi similaire à la votation de 2016 sur la pénalisation du mariage, finalement annulée par le Tribunal fédéral en 2019 à la suite d’un recours de votre parti. Là aussi, on parle d’une grossière erreur de chiffres dans les informations données à la population, non?
C’est vrai. Mais les circonstances étaient radicalement différentes. La régularité de la votation a été remise immédiatement en question après le vote du peuple, d’une part, et la loi n’était, d’autre part, pas encore entrée en vigueur au moment du recours. Ce sont d’ailleurs deux des conditions légales pour qu’un recours soit admis par les tribunaux. Or, dans le cas présent, on parle d’une votation ayant eu lieu il y a plus de deux ans et dont la réforme est déjà en vigueur. Ces conditions font clairement défaut. Je ne suis pas le seul à le dire, d’éminents professeurs de droit partagent cette lecture.
Vous critiquez la plantée de l’OFAS en mains socialistes, mais n’y a-t-il pas un problème plus large? Sur les ondes de la RTS, le sénateur du parti à la rose vaudois Pierre-Yves Maillard dénonce une culture des prévisions pessimistes à Berne. Tout le monde se souvient, par exemple, des budgets plus qu’alarmistes de l’ex-conseiller fédéral de l’Union démocratique du centre (UDC) Ueli Maurer…
J’appellerais cela différemment. Il y a bel et bien une culture helvétique de la prudence dans la gestion des deniers publics. Et c’est tant mieux! Pierre-Yves Maillard était l’un des premiers à se féliciter, pendant le Covid que la Confédération puisse débloquer 60 milliards de francs en moins de 24 heures pour venir en aide aux travailleurs et entreprises. Si nous avons pu le faire, c’est parce que nos finances étaient saines. Et elles l’étaient parce que leur gestion était à l’opposé de celle du Parti socialiste. Ce dernier promet chaque année monts et merveilles à la population lors du vote du budget, et qu’on «rasera gratis», mais sans savoir la moindre idée de comment tout cela sera financé. Ce n’est pas sérieux.
Pour revenir à l’AVS, nos retraites qui vont moins mal que prévu, c’est plutôt réjouissant. Vous ne trouvez pas?
C’est au mieux un sursis de quelques années. Le défi reste majeur: nous devons trouver des solutions pour financer l’AVS de manière pérenne et non creuser le déficit. Sinon, les retraites des générations actuelles et futures courent à la catastrophe. Mais c’est vrai, c’est un bol d’air temporaire. Il faut toutefois que celui-ci profite pleinement à la population et à son porte-monnaie. En période d’inflation et de baisse du pouvoir d’achat, l’augmentation des cotisations salariales et de la TVA est donc inenvisageable.