Entre le spectre de la pénurie d’énergie, l’urgence climatique et le renchérissement de la vie, les chantiers sont multiples en Suisse comme ailleurs. À chaque problème sa solution, mais parfois une piste remédie à tout, pourrait répondre l’Association transports et environnement (ATE).
«Nous réclamons d’urgence une vitesse de 100 km/h sur les autoroutes», écrit l’ATE ce mardi sur Twitter. Les effets bénéfiques? Multiples: la mesure préserverait le carburant, limiterait la probabilité d’une pénurie d’énergie et permettrait de réduire les émissions de CO2. Blick fait le point avec trois politiciens.
Ce pack «tout en un» est soutenu en partie par Samuel Bendahan, conseiller national socialiste. «Dans l’urgence, il faut regarder là où c’est le moins douloureux, explique le Vaudois. Ce sont des économies que l’on peut faire avec le moins d’inconfort possible. De plus, une légère diminution de vitesse n’impacte que peu la durée des trajets», justifie l’élu, enfilant pour l'occasion sa casquette de membre du comité directeur de l’ATE.
L’UDC grogne
Mais cette proposition aux allures de formule magique ne fait pas l’unanimité. En particulier auprès du conseiller national UDC Pierre-André Page. Celui-ci estime qu’elle n’apportera pas grand-chose, que ce soit en matière de protection du climat ou d’économie d’énergie.
«Nous avons des biocarburants qui produisent peu de CO₂ ainsi que des carburants synthétiques qui arriveront sur le marché très rapidement. Il faut arrêter de tout interdire alors que la science nous permet de vivre avec ces technologies, s'emporte le Fribourgeois. Au niveau des énergies, c’est la même chose. Nous avons l’hydraulique, le photovoltaïque et le nucléaire. C’est une chance.»
L'élu UDC estime que les solutions ne passeront pas par des interdictions. «La population suisse est responsable et aime sa liberté individuelle», affirme Pierre-André Page, infligeant un petit tacle aux Verts au passage. «Ils sont trop extrêmes, à vouloir nous interdire d’utiliser des véhicules à moteur ou de manger de la viande».
2 à 3% des émissions en moins
C’est justement un écologiste qui avait mis en premier le sujet sur le tapis lors d’une motion au Conseil fédéral avant l’été: Raphaël Mahaim. Le remplaçant de Daniel Brélaz sous la Coupole, récemment sorti du bois pour un poste au Conseil des États, estime que la proposition de l'ATE est nécessaire. «Souvent, les mesures de transition énergétique comme les énergies renouvelables mettent du temps à se déployer, avance l'avocat vaudois. Concernant la limitation de vitesse à 100 km/h, du jour au lendemain, on perdrait 2 à 3% de CO2 sur toutes les émissions du parc automobile suisse! Sur un trajet Lausanne-Genève, cela ne représente que 6 minutes de différence.»
Peut-on, comme Pierre-André Page le suggère, se cantonner à la responsabilité individuelle pour remédier aux nombreuses crises contemporaines? «Aujourd’hui, peu de monde réduit sa vitesse pour des raisons écologiques. La liberté individuelle revient à dire que l’on ne fait rien, ou presque rien», lui rétorque indirectement Raphaël Mahaim.
«L'UDC a une ligne incompréhensible»
Avant de lui renvoyer l'ascenseur: «L’UDC a une ligne incompréhensible, se moque de la dépendance des états aux régimes tels que celui du Kremlin, qui nous livrent le carburant. Cela revient à dire accepter que les énergies fossiles viennent financer de tels régimes.»
Gauche et droite se rassemblent cependant volontiers sur un point: la conduite écologique fait partie de la solution. «Former la population à une conduite plus respectueuse de l'environnement pourrait fonctionner», acquiesce Pierre-André Page. Mais c'est le seul pas que le Fribourgeois fera en direction de la gauche.
Former tous les conducteurs? Une mesure beaucoup plus contraignante qu'une légère réduction de la vitesse, relève Samuel Bendahan, «même si ces formations seraient bien entendu utiles elles aussi». Du côté des Verts, toutes les mesures qui permettent de réduire la consommation d’énergie et de CO2 sont bonnes à prendre. Mais celles qui existent aujourd'hui ne suffisent clairement pas, prévient Raphaël Mahaim.
Le Conseil fédéral n'en veut pas
La Suisse finira-t-elle par limiter ses autoroutes à 100 km/h? Le chemin semble parsemé d'embûches. Le Conseil fédéral s’était montré défavorable à la motion de l’élu vert: «La réduction de la limite générale de vitesse sur les autoroutes entraînerait une diminution de la consommation de carburant. Toutefois, comme la Russie ne représente pas un fournisseur majeur de produits pétroliers pour la Suisse, une telle mesure n'aurait guère d'impact à court terme sur l'indépendance de notre pays par rapport aux matières premières russes» écrivait le gouvernement en août.
En plus d'expliquer que, s'ils le veulent, les conducteurs peuvent déjà rouler à 100 km/h, le Conseil fédéral assurait avoir pris différentes mesures pour réduire l'impact du trafic automobile: véhicules neufs moins polluants, stations de recharge pour les véhicules électriques et cours de conduite écologique pour nouveaux conducteurs, notamment. «Le Conseil fédéral élabore actuellement la base légale qui permettra de privilégier le covoiturage», concluait l'exécutif.